1.3.4 Définition pédagogique de la grammaire :

Il existe de nombreux types de grammaires que nous souhaitons définir mainte­nant. Pour nous permettre de présenter simplement les différents concepts que peut couvrir le terme de grammaire, nous nous appuierons sur le point de vue de Vives (in : La place de la grammaire : 1989) qui envisage différents actes où peut intervenir une grammaire particulière.

D’une part, Vives parle de l’acte de faire une grammaire. Ce concept re­monte aux premières grammaires qui s’imposèrent comme une science que les hommes s’inventèrent pour pouvoir découvrir, décrire les langues et mieux les compren­dre. Ces premières grammaires initiées par la science correspondent, plus préci­sément, à une tentative méthodique de rationaliser une langue caractérisée, pour reprendre les termes de Besse et Porquier, par ‘«’ ‘ la diversité, l’hétérogénéité et l’instabilité des pratiques langagières [d’un locuteur de L1] ’ ‘»’ (1991). Cette gram­maire s’intitule grammaire scientifique, linguistique ou de référence 21 . Elle est initiée par des grammairiens ou linguistes qui ne s’intéressent qu’aux phéno­mènes linguistiques pour les observer et les décrire de manière prescriptive (Mindt : in : La place de la grammaire : 1989 : 17). Germain et Seguin (1995 : 31) la définissent comme ‘«’ ‘ un ouvrage scientifique doté d’un langage technique qui vise à décrire exhaustivement la langue. [Il s’agit donc d’]un modèle abstrait qui décrit ou simule la compétence grammati­cale de la L1 en vue d’en proposer une explication scienti­fique et non pas une vision pratique ’ ‘»’. Vigner (2004 : 20) pré­cise qu’elle est ‘«’ ‘ élaborée dans un contexte donné (un lieu, une époque) et pro­cède d’un point de vue […] théorique, [de na­ture transformationnelle par exem­ple], sur la langue et culturel […] qui dépend de la langue et de la culture d’origine de l’élève ’ ‘»’. Elle est destinée à l’usage des spécialistes qui connaissent parfaitement la langue, objet de l’analyse. Pour cette raison, il est hors de question pour un apprenant qui entame ou poursuit l’apprentissage d’une langue cible vi­sant à combler un manque de connaissances, de se servir de cet outil.

D’autres acteurs soucieux de remplir cet objectif ont créé une autre appro­che de la grammaire : les didacticiens. A propos de cette grammaire, Vives 22 parle de l’acte de mettre de la grammaire. Il définit cette dernière comme ‘«’ ‘ la gram­maire que les méthodes et les professeurs mettent dans leurs cours ’ ‘»’. Germain et Seguin (1995) inspirés de Besse et Porquier (1991), qualifient ce type de gram­maire de pédagogique et apporte une précision à la définition de Vives, avec les termes suivants (85) : ‘«’ ‘ [la grammaire pédagogique] décrit la compétence gram­maticale [ou linguistique] d’un certain usage de la langue en vue d’en faciliter l’apprentissage ’ ‘»’. Pour Germain et Seguin, la grammaire pédagogique se subdi­vise en grammaire d’enseignement et grammaire d’apprentissage. Ils définissent la première comme étant la grammaire contenue dans les recommandations et les suggestions péda­gogiques que l’on trouve, par exemple, dans le livre du profes­seur qui vient en aide à l’enseignant lors de la préparation de son cours. Dans cette grammaire, ce sont surtout les critères de sélection et de progression qui sont im­portants. La se­conde grammaire qu’ils évoquent est définie comme étant la gram­maire [d’apprentissage] qui s’adresse à l’apprenant et se trouve dans le ma­nuel scolaire qui lui est destiné. Elle est utilisée directement par l’apprenant avec l’aide de l’enseignant en salle de classe.

Avec la théorie des deux auteurs, nous rejoignons le troisième concept que couvre la grammaire selon Vives 23 . Il le nomme l’acte de faire de la grammaire et le définit de la façon suivante : ‘«’ ‘ pratiques et activités sur les formes de langue en classe ’ ‘»’.Avec ce concept, nous pénétrons dans la vie d’une classe de L2. Dans ce cadre spatio-temporel bien précis dont nous avons déjà parlé 24 , la grammaire s’impose comme savoir méthodique développé sur la langue, c’est-à-dire qui transmet une description du fonctionnement général et également des prescrip­tions normatives de la L2 (Besse et Porquier : 1991). C’est sur ce savoir que nous allons maintenant apporter des précisions en définissant les fondements d’une séquence grammaticale.

Notes
21.

Désormais grammaire linguistique

22.

Voir références bibliographiques en tête de chapitre

23.

Voir références bibliographiques en tête de chapitre

24.

Voir chapitre 1.2.1, 2ème et 3ème point et chapitre 1.1.2, 3ème point