1.3.5.1 Les formes de la séquence grammaticale en L2 :

La séquence grammaticale que nous délimiterons dans le prochain sous-chapi­tre 25 exprime une certaine « distance  » que l’acquisition guidée d’une L2 implique­rait d’après Vigner par essence (2004 : 89).
Nous allons maintenant étudier ce que cette position permet comme action méta­linguistique sur la langue pour favoriser chez les apprenants la transmission du savoir sur cette langue et leur faire développer une bonne compétence linguisti­que. Il ne s’agit pas ici de montrer quelle est la meilleure façon d’enseigner mais plutôt de décrire les pratiques les plus courantes à l’heure actuelle.
D’une manière générale, la séquence grammaticale en L2 consiste en une ré­flexion sur la langue, plus précisément sur les régularités, les règles et les normes qui lui sont propres, touchant essentiellement les domaines de la morphologie et de la syntaxe. Pour cela, des concepts issus de la linguistique générale sont utili­sés pour ‘«’ ‘ découper le matériau langagier en unités spécifiques ’ ‘»’ (Vigner : 2004 : 34). Il s’agit par là même de faire acquérir à l’apprenant les « conditions d’usage » de la L2 (Idem). Cela se fait généralement en identifiant d’une manière ou d’une autre un fait de langue qui pose problème. Germain/Seguin (1995 : 155) parlent de for­mulation de problème. Puis le groupe d’apprenants en interaction avec l’enseignant « sélectionne »(Idem) ce fait de langue pour en dégager par la des­cription ‘«’ ‘ le mode d’arrangement phonique et graphique ’ ‘»’ (Vigner : 2004 : 17), ex : radi­cal et éventuelles terminaisons pour un verbe. Nous pensons qu’il est possible de parler ici de l’étude de la construction de la L2. En effet, on retrouve souvent ce champ lexical de la Construction dans les grammaires d’apprentissage. Ex : ‘«’ ‘ l’impératif se construit… ’ ‘»’ (in : Pratique du français de A à Z : 2000).
A côté de la forme, on dégage aussi l’emploi du fait de langue qui indique quand est-ce qu’il faut employer ce fait de langue et avec quels autres mots on peut le retrouver. Ce fait de langue est ensuite validé par des exemples que Germain et Seguin (1995 : 155) appellent des phrases-type. Puis l’apprenant est traditionnel­lement amené à appliquer le nouveau fait de langue à travers des exercices. Selon le type d’analyse, inductive ou déductive, la description de la forme et de l’emploi s’effectuera avant ou après la sélection du fait de langue.
L’étude de plusieurs faits de langue s’insère classiquement dans une progression grammaticale qui est souvent synonyme de difficultés (Germain et Seguin : 1995 : 155).
L’approche notionnelle-fonctionnelle, par contre, a pris une toute autre perspec­tive : renoncer à opérer la sélection et la progression décrites ci-dessus à l’intérieur de la langue. Elle procède, au contraire, en articulant les faits de langue avec des notions ou des fonctions pour lesquels les faits de langue représentent des outils d’expression (Idem).
Ainsi quelles que soient les pratiques, ceci est évident que, pour reprendre les ter­mes de Vigner (2004 : 39) :

‘l’hypothèse pédagogique est que disposant de la sorte d’un nombre fini d’éléments, et de quelques règles de combinaison, l’apprenant peut produire un nombre pratiquement infini de phrases. ’

En grammaire, certaines catégories grammaticales constituent le cadre de la des­cription : on attache beaucoup de valeurs aux mots et surtout aux plus petites uni­tés formelles dotées de sens, les morphèmes. Cependant, ‘«’ ‘ l’unité de description et d’analyse utilisée pour étudier les propriétés de la langue’ ‘»’ est réellement la phrase (Vigner : 2004 : 37) :

‘Unité structurale, [c’est-à-dire] un ensemble syntaxiquement cohérent, constitué de différents groupes et [comme] une unité sémantique, c’est-à-dire comme un ensemble complet du point de vue du sens. ’

Aujourd’hui, le cadre de la grammaire tend à s’étendre vers une autre unité qu’est l’énoncé voire le discours, où la langue se trouve ‘«’ ‘ en situation avec une instance émettrice et un contexte d‘usage ’ ‘»’ (Idem). Cependant, ces inno­vations en sont restées au stade du balbutiement. Pour confirmer cette affirmation, nous citerons Besse (1984 : 20, in : Vigner : 2004) :

‘Ces descriptions [. ..] sont beaucoup plus présentes dans les discours des lin­guis­tes et des théori­ciens de l’enseignement/apprentissage des langues que dans les manuels et les pratiques de classe, probablement parce qu’elles ont très peu ré­nové les connaissances morphologiques, traditionnelles ou structurales et que ces connaissances demeurent déterminantes, tant dans l’apprentissage de la [L1] que dans celui des régularités d’une [L2].’

Nous venons de répertorier quelques formes récurrentes dans une sé­quence grammaticale, mais il ne faut pas oublier la composante suivante que nous n’avons pas trouvée traitée explicitement mais qui nous paraît essentielle en grammaire : les difficultés récurrentes, les irrégularités et les erreurs. La preuve en est un exemple pour illustrer l’entrée « Grammar » dans le dictionnaire Hachette-Oxford Français-Anglais/Anglais-Français :
‘«’ ‘ to use bad grammar : faire des fau­tes de grammaire ’ ‘»’.
D’ailleurs, on retrouve cette même idée dans les expressions qui composent les énoncés de règles elles-mêmes : « C’est correct », « ce n’est pas correct », « on ne fait jamais », « on fait toujours », « ne pas confondre », « ne pas l’employer à tort ». Ces impératifs et injonctions sous la forme infinitive ou adverbiales décou­verts par exemple dans Pratique du français de A à Z (2000) confèrent à la gram­maire un caractère autoritaire.

Notes
25.

Voir chapitre 1.3.5.3