Un phénomène, qui semble toucher la grammaire comme elle est traditionnellement perçue, trouble cette conception très ancienne de la grammaire. Jusqu’à l’avènement de la méthodologie communicative au début des années 80, ‘«’
‘ les descriptions grammaticales avaient pour objectif de mettre en évidence le mode d’organisation du sens en mots et les règles par lesquelles ces mots pouvaient être groupés en ensembles appelés Phrases ’
‘»’ (Vigner : 2004 : 35).
En revanche, si l’on observe les cours de L2 tels qu’ils se présentent aujourd’hui, l’on constate que la grammaire ne se situe plus seulement autour de la règle grammaticale et de sa traçabilité, comme nous l’avions relevé ci-dessus et que ‘«’
‘ l’activité grammaticale ne se limite plus à la leçon de grammaire ’
‘»’
(Idem). C’est ce que l’on peut constater dans la définition relevée ci-après de la compétence linguistique adoptée par le Conseil de l’Europe dans le Cadre européen de références (2003: 87) :
La grammaire a donc changé de rang. Après avoir été érigée au premier rang dans la méthode grammaire-traduction puis boudée dans les méthodes suivantes, elle est revenue au second plan et demeure aujourd’hui au statut de soutien de la compétence communicative.
Nous allons maintenant présenter brièvement les traces de cette présence grammaticale en dehors de la séquence grammaticale, ce qui revient à se demander où peut se situer la grammaire dans un cours de L2:
lors de toute tâche de production, l’enseignant peut aider l’apprenant à formuler son message conformément aux règles et aux conventions de la L2 et ce, au sein d’un étayage 32 qui offrira à l’apprenant un ensemble de procédés visant essentiellement une correction linguistique. On peut considérer cela comme un moment grammatical même s’il est court et inopiné par rapport à la programmation préalable du cours et même s’il ne fait pas forcément appel à la règle et à un travail d’explication qui correspondraient au problème posé. En effet, la référence à une règle mal appliquée pourra être implicite si l’enseignant choisit de mettre en évidence l’erreur pour donner l’occasion à l’apprenant de recourir à une autocorrection. Cette mise en évidence pourra prendre plusieurs formes: interruption du flux communicatif, expression d’un problème par le langage corporel (surtout facial), la répétition de la production en insistant sur l’emplacement approximatif de l’erreur, etc. ;
Vigner (2004) s’interroge sur la place de l’orthographe dans la grammaire en FLE. En effet, la langue française a gardé les traces de son histoire, c’est pourquoi se pose souvent le problème de l’homophonie : au moins deux morphèmes qui se prononcent et que l’on entend de la même façon mais qui s’orthographient différemment lors du passage de l’oral à l’écrit. A ce propos, Vigner parle de la traduction graphique de faits [de langue] (13). Il faut ajouter la justification française à cela. La langue française a été fortement soutenue depuis le traité de Villers-Cotterêts au XVIème siècle par une politique de défense et d’intégration forcée auprès du peuple français, dont certaines régions ne parlaient pas du tout cette langue au quotidien. La première arme de la France pour atteindre ce but a été avant tout l’école où fut imposée de façon très stricte la normalisation de la langue en passant par la valorisation de la grammaire transmise par la haute société de l’époque et les Belles Lettres, notamment la littérature, que l’on considérait comme la source pure de la langue française. Ainsi cette tradition grammaticalisante, comme l’appelle Vives (1989 : in : La place de la grammaire), influence les méthodes françaises d’enseignement de L2 francophone. D’après Vigner, c’est un phénomène politico-linguistique propre à la France, c’est pourquoi on retrouve une tradition grammaticalisante beaucoup plus disparate dans les pays voisins tels que l’Angleterre et l’Allemagne ;
La présentation de l’input langagier n’est jamais anodine puisqu’elle vise toujours l’objectif de faire apprendre la L2 à l’apprenant. Vigner (104) prend l’exemple d’une méthode d’approche communicative qui, dans sa première leçon, propose un dialogue de présentation de personnages à priori culturellement et pragmatiquement usuel. Si l’on observe ce support plus précisément, on remarque que l’input est organisé même s’il n’y a pas dans un premier temps de lien concret avec une activité grammaticale. Cette organisation a sans aucun doute pour but que l’apprenant puisse commencer à émettre des hypothèses et à grammaticaliser la ou les nouvelles structures.
Voir chapitre 1.2.1 1er point