Chapitre 3 : Pour une reformulation des grilles d’évaluation des épreuves de compte-rendu et synthèse au DALF

Quelles correspondances entre le Cadre Européen de Référence pour les Langues et le DALF ?

A l’heure actuelle, le CECRL est la référence indispensable dans le domaine des langues. C’est pourquoi nous avons choisi de fonder sur lui nos hypothèses pour de nouvelles grilles d’évaluation du DALF. En nous appuyant sur les parallèles établis par Cuq et Gruca (2002) et Barrière (2003), nous allons chercher dans le Cadre européen commun de référence pour les langues les compétences attribuées aux niveaux C1 et C2, dans lesquels nous allons placer respectivement l’unité B1 et l’unité B3 22 . Nous ne garderons de ces informations que celles pouvant être utilisées pour l’évaluation du compte-rendu ou de la synthèse.

Commençons avec une présentation générale des niveaux C1 et C2. L’apprenant de niveau C2 « peut comprendre sans effort pratiquement tout ce qu’il lit 23 /entend ; peut restituer faits et arguments de diverses sources écrites et orales en les résumant de façon cohérente ; peut s’exprimer spontanément, très couramment et de façon précise et peut rendre distinctes de fines nuances de sens en rapport avec des sujets complexes » (CECRL, p. 25). Quant à lui, l’apprenant de niveau C1 « peut comprendre une grande gamme de textes longs et exigeants, ainsi que saisir des significations implicites ; peut s’exprimer spontanément et couramment sans trop apparemment devoir chercher ses mots ; peut utiliser la langue de façon efficace et souple dans sa vie sociale, professionnelle ou académique ; peut s’exprimer sur des sujets complexes de façon claire et bien structurée et manifester son contrôle des outils d’organisation, d’articulation et de cohésion du discours. » (ibid.). Il y a donc des convergences entre la description générale du niveau DALF et les niveaux C1 et C2 du Conseil de l’Europe ; mais il faudrait affiner la description du niveau DALF pour la rendre totalement en adéquation avec celle des deux niveaux C1 et C2.

Passons maintenant à un point plus spécifique, la production écrite 24  : l’utilisateur de niveau C1 « peut écrire des textes bien structurés sur des sujets complexes, en soulignant les points pertinents les plus saillants et en confirmant un point de vue de manière élaborée par l’intégration d’arguments secondaires, de justifications et d’exemples pertinents pour parvenir à une conclusion appropriée » (op. cit. p. 51). C’est ce que l’on attend dans les deux épreuves B1 et B3 dans leur totalité (exercice de contraction de texte et questions) ; cependant, la défense de points de vue, les justifications et exemples n’entrent absolument pas en compte dans le compte-rendu et la synthèse, mais peuvent se retrouver dans les questions accompagnant le ou les textes. La description des compétences en C2 correspond aussi aux attentes des deux épreuves du DALF : « écrire des textes élaborés, limpides et fluides 25 , dans un style approprié et efficace, avec une structure logique qui aide le destinataire à remarquer les points importants » (ibid.). Pour entrer plus encore dans les détails, nous pouvons reprendre l’échelle du CECRL concernant les essais et rapports, formes de production écrite « scientifique » (par opposition à l’écriture créative) dans laquelle nous intégrerions la rédaction de compte-rendu ou de synthèse de documents. Ainsi, l’apprenant de niveau C2 « peut produire des rapports, articles ou essais complexes et qui posent une problématique […] ; proposer un plan logique adapté et efficace qui aide le lecteur à retrouver les points importants. » (op. cit. p 52) ; c’est tout à fait ce que l’on attend des candidats de l’épreuve B3 lors de la rédaction de leur synthèse, laquelle doit présenter une problématique et un plan en découlant logiquement. Au niveau C1, l’apprenant doit pouvoir « exposer par écrit, clairement et de manière bien structurée, un sujet complexe en soulignant les points marquants pertinents. » (ibid.) ; là encore, cela correspond bien à la rédaction du compte-rendu, où l’on doit savoir faire la différence entre idées principales (celles qui doivent être mises en valeur) et secondaires, et rapporter les faits de façon très organisée. Nous pouvons dire en conclusion que les épreuves du DALF s’adaptent bien aux niveaux C1 et C2 du CECRL.

D’autre part, le CECRL s’intéresse à la compétence linguistique de chaque niveau en la décomposant en plusieurs entités. Il y a tout d’abord le lexique, pour lequel deux points sont retenus : son étendue et sa maîtrise. En C1, l’apprenant « possède une bonne maîtrise d’un vaste répertoire lexical lui permettant de surmonter facilement les lacunes par des périphrases avec une recherche peu apparente d’expressions et de stratégies d’évitement ; bonne maîtrise d’expressions idiomatiques et familières » (op. cit. p. 88) ; en outre, il commet « à l’occasion, [de] petites bévues, mais pas d’erreurs de vocabulaire significatives ; » (ibid. p. 89). En C2, l’utilisateur « possède une bonne maîtrise d’un vaste répertoire lexical d’expressions idiomatiques et courantes avec la conscience du niveau de connotation sémantique » (ibid. p. 88) ; il fait une « utilisation constamment correcte et appropriée du vocabulaire » (ibid. p. 89). Ces caractéristiques pourront nous être utiles lors de la reformulation des grilles d’évaluation, car pour le lexique, les caractéristiques générales du niveau DALF ne sont pas aussi précises.

La correction grammaticale fait aussi partie de la compétence linguistique selon le CECRL. Au niveau C1, l’apprenant « peut maintenir constamment un haut degré de correction grammaticale ; les erreurs sont rares et difficiles à repérer » (ibid. p. 90), tandis qu’au niveau C2, il « peut maintenir constamment un haut degré de correction grammaticale même lorsque l’attention se porte ailleurs […] » (ibid.). Les exigences sont ici légèrement supérieures à celles attendues au DALF, où l’on parle de la maîtrise de l’ensemble de la morphosyntaxe en compréhension, mais sans faire référence explicitement au degré de correction grammaticale attendue en production.

Dans le CECRL, enfin, la compétence orthographique est explicitement intégrée dans la compétence linguistique. Elle inclut aussi bien l’orthographe correcte des mots que les signes de ponctuation et leur usage, les conventions typographiques, les polices ou encore les logographes. Pour l’apprenant de niveau C1, « la mise en page, les paragraphes et la ponctuation sont logiques et facilitants. L’orthographe est exacte à l’exception de quelques lapsus » ; pour celui de C2, « les écrits sont totalement sans faute d’orthographe » (ibid. p 93). Nous pensons que la compétence orthographique devrait être intégrée matériellement dans la grille d’évaluation de l’épreuve de compte-rendu de l’unité B1 du DALF afin de mieux correspondre au niveau C1 du CECRL ; d’autre part, dans les copies que nous avons analysées plus haut, un certain nombre signalait une ponctuation erronée, donc intégrer la mesure de l’orthographe telle que définie dans le CECRL permettrait de l’évaluer. En revanche, en B3, la compétence orthographique pourrait tout à fait continuer à être évaluée négativement, puisque à ce niveau de compétence, il ne devrait plus y avoir d’erreurs.

En dernier lieu, il convient d’ajouter la compétence discursive qui permet d’organiser, structurer et adapter des propos. La cohérence et la cohésion en font partie. Leurs degrés sont explicités page 98 du CECRL : l’apprenant de niveau C1 « peut produire un texte clair, fluide et bien structuré, démontrant un usage contrôlé de moyens linguistiques de structuration et d’articulation » ; celui de C2 « peut créer un texte cohérent et cohésif en utilisant de manière complète et appropriée les structures organisationnelles adéquates et une grande variété d’articulateurs. ». Ces éléments sont tout à fait nécessaires dans le compte-rendu et la synthèse, pour organiser un plan et présenter la graduation des idées. C’est d’ailleurs d’autant plus vrai pour la synthèse, où l’on doit produire un seul texte à partir de plusieurs documents.

D’après les parallèles effectués ci-dessus, les convergences entre les épreuves B1 et B3 du DALF dans sa forme actuelle, d’une part, et le Cadre européen commun de référence pour les langues, d’autre part, paraissent nombreuses. Seules quelques mises au point seraient nécessaires en termes d’équivalence entre les compétences attribuées d’un côté ou de l’autre (nous ne parlons ici spécifiquement que des épreuves de compte-rendu et de synthèse ; nous ne traiterons pas les questions qui les accompagnent, ni les autres unités du DALF). Nous pouvons cependant tenter de formuler de nouvelles grilles d’évaluation qui soient non seulement en harmonie avec le CECRL, mais encore qui puissent contribuer à améliorer la fiabilité lors de l’évaluation.

Notes
22.

Dans sa forme actuelle, le DALF ne coïncide pas totalement avec les caractéristiques du niveau C2 du Conseil de l’Europe (Riba 2004 : « le DALF ne couvre pas complètement le niveau C2 »). C’est peut-être ce qui a amené Veltcheff et Hilton (2003 : 45) à l’inclure intégralement dans le niveau C1. A l’heure où nous écrivons, nous ne savons pas dans quel niveau les épreuves du DALF seront intégrées (informations à paraître en octobre 2004). Il nous a donc fallu faire un choix.

23.

C’est nous qui soulignons dans la perspective des épreuves du DALF qui nous intéressent.

24.

Nous laissons volontairement de côté tout ce qui se rapporte exclusivement à la compréhension, bien que celle-ci soit bien évidemment nécessaire dans un exercice de contraction de texte(s).

25.

Veltcheff et Hilton (2003 : 102) ajoutent ici dans leur reprise des scripteurs du CECRL « exempts de calques de la langue maternelle »