On peut noter que chacune de ces approches fait porter la responsabilité de la compétence à l’individu… Il est sur-responsabilisé. A partir de là et si l’on s’en tenait à ces premières observations, la compétence ne serait alors qu’une articulation de ressources propres à l’individu. Un certain nombre de définitions vont dans ce sens.
Pour Maurice Tardif « la compétence est un système de connaissances déclaratives (le quoi) ainsi que conditionnelles (le quand et le pourquoi) et procédurales (le comment) organisées en schémas opératoires et qui permettent, à l’intérieur d’une famille de situations, non seulement l’identification de problèmes, mais également leur résolution efficace » 51 . Nicole Mandon décrit, quant à elle, les compétences comme un « savoir mobiliser ses connaissances et qualités pour faire face à un problème donné. Autrement dit les compétences désignent les connaissances et les qualités mises en situation » 52 . Maurice de Montmollin les identifie comme « des ensembles stabilisés de savoirs et de savoir-faire, de conduites types, de procédures standards, de type de raisonnement que l’on peut mettre en œuvre sans apprentissages nouveaux » 53 . Claude Levy Leboyer parle de « répertoires de comportements » 54 , Yvon Minvielle de « dispositions portées par un individu » 55 , Gérard Vergnaud de « connaissances en acte », Jacques Leplat de « savoirs incorporés », Philippe Perrenoud de « mobilisation de ressources cognitives et de schèmes opératoires » 56 , Gérard Malglaive de « savoirs en usage désignant une totalité complexe et mouvante, mais structurée, opératoire, c’est à dire ajustée à l’action » 57 , et Francis Minet de « savoirs agis étant le résultat de l’articulation de savoirs théoriques, procéduraux, pratiques et de savoir-faire » 58 .
Il est tout à fait possible d’allonger cette liste puisqu’il n’existe pas moins de 529 livres écrits autour du thème de la ou des compétences (sans compter les articles, les colloques, etc.) mais l’objectif n’est pas ici de faire l’exégèse de l’ensemble des définitions, ni des divers courants disciplinaires qui les sous-tendent. Il s’agit plutôt d’indiquer, de souligner leurs points de convergences.
Toutes ces définitions sont intéressantes car elles nous éloignent et enrichissent le triptyque « ensemble de savoirs, savoir-faire et savoir-être » qui est le plus souvent sollicité pour décrire les éléments constitutifs de la compétence.
Elles mettent en évidence l’importance du rôle du sujet dans la mobilisation et la construction des compétences. Il apparaît comme un acteur clé dans l’utilisation et le déploiement de ses compétences. C’est à lui qu’incombe la responsabilité d’exploiter ses savoirs (au sens large) et de les investir dans l’action, de se construire une claire représentation des situations auxquelles il se confronte afin d’y répondre le mieux possible. Ainsi au delà des dimensions cognitives, il y aurait dans la compétence, des dimensions compréhensives.
‘« La dimension cognitive s’impose d’elle-même : pour intervenir sur une panne, il faut connaître le fonctionnement de la machine (…). Il ne s’agit pas d’appliquer une connaissance préalable, mais de savoir la mobiliser à bon escient en fonction de la situation »On voit que la représentation qu’un individu va se faire d’une situation va largement influencer son comportement, et par-là sa compétence. Spinoza ne disait-il pas « toute expérience est au départ une perception, au sens précis d’une manière de se représenter un événement, une rencontre singulière qu’un individu fait avec une chose qui lui est externe » 60 ?
On peut dire que la compétence relève donc bien d’une « intelligence située » 61 … d’une intelligence en situation :
‘« Mobilisation dans l’action d’un certain nombre de savoirs combinés de façon spécifique en fonction du cadre de perception que se construit l’acteur de la situation » 62Elle s’appuie largement sur les ressources de l’individu: ses connaissances, savoirs, aptitudes, capacités, etc. et elle le singularise dans le même temps que l’individu la singularise.
TARDIF Maurice in Louis TUPIN in « La compétence comme matière, énergie et sens », Education Permanente n°135 - 1994, p34
MANDON Nicole in « La méthode ETED », CEREQ, 1990
DE MONTMOLLIN Maurice in LEVY LEBOYER Claude in « La gestion des compétences », Paris, Editions de l’Organisation 1996, p122
LEVY LEBOYER Claude, ibid p122
MINVIELLE Yvon in « L’ingénierie de formation », module 7, DESS Formation/CNED 97, p87
PERRENOUD Philippe in « La transposition didactique à partir de pratiques », p12 (article à paraître dans la Revue des Sciences de l’Education
MALGLAIVE Gérard , ibid p275
MINET Francis in « L’analyse de l’activité et la formation des compétences » in MINET Francis et Al. in « La compétence, mythe, construction ou réalité ? », Paris, L’ Harmattan 1994, p51
ZARIFIAN Philippe, op.cit. p75
SPINOZA in Philippe Zarifian, ibid p171
PERRENOUD Philippe in « Construire les compétences dès l’école », Paris, ESF 2004, p39
WITTORSKY Richard in «De la fabrication des compétences », Education permanente n°135, 1994, p60
MALGLAIVE Gérard, op.cit. p276
LEPLAT Jacques in PARLIER Michel in « L’organisation peut-elle apprendre ? » in revue de l’ANDCP Personnel n°366, janvier 96, pp43-45
LE BOTERF Guy in « Construire des compétences individuelles et collectives »,Paris, Editions de l’Organisation, 2000, p57