IV.Du concept à l’ingénierie des compétences

Bien que la notion de compétence n’ait pas encore livré tous ses mystères, on sait que les compétences se définissent dans leur rapport à l’action. La compétence n’est pas ce que je sais ou ce que je dis savoir faire ou ce que je veux faire, mais bien ce que concrètement je suis capable de mettre en œuvre demain dans ma situation de travail. « La compétence a cette caractéristique de devoir être opérationnelle pour exister. Contrairement aux savoirs et aux connaissances qui peuvent être détenus indépendamment de leur mise en œuvre, on ne peut parler de compétence en dehors de l’action » 76 . Se donner comme objectif le développement des compétences suppose donc que les adultes soient capables de faire et pas seulement qu’ils aient compris comment faire.

Si on attache aujourd’hui autant d’importance au développement des compétences, c’est parce qu’il y a une prise de conscience du fait que les compétences naissent, se développent, évoluent, vieillissent et disparaissent au contact de la réalité. Elles ne sont pas acquises de manière définitive parce que l’environnement, le travail, les organisations évoluent et donc, de la même manière, les besoins en compétences.

Il peut sembler utopique voire irréaliste de vouloir repérer les conditions réelles de production et de développement d’une compétence déterminée ou d’un groupe de compétences, ou de certaines compétences… Effectivement un certain nombre de facteurs interdépendants interagissent dans la maîtrise des compétences et la conditionnent : les motivations, les aptitudes, les qualités, les tâches, les relations, l’organisation du travail, la culture de l’entreprise, etc. Tout ces facteurs sont constitutifs de la situation de travail mais conditionnent aussi l’expérience professionnelle en construction.

Une autre difficulté s’ajoute à cela : seule une partie des compétences est visible à l’œil nu. On pourrait emprunter ici la métaphore de l’iceberg dont la partie visible représenterait la partie observable de la compétence (le résultat de l’action) et dont la partie invisible représenterait la partie non observable (la manière dont les ressources au service de l’action sont mobilisées dans la mise en oeuvre de la compétence, celles qui proviennent de l’environnement du travail mais aussi celles qui sont propres à l’individu : cognitives, émotionnelles, psychoaffectives, expérientielles, etc.).

Comment alors dresser un panorama des pratiques de gestion des ressources humaines en matière de développement des compétences ?

Cela peut paraître utopique et ce pour différentes raisons :

Il n’existe pas de consensus définitionnel autour du concept de compétence dès lors que chacun élabore des pratiques et des outils de la définition qu’il s’en donne comme nous avons pu le voir précédemment

Ensuite les démarches mises en œuvre dans les entreprises sont hétérogènes et à cela rien de surprenant puisque toute entreprise a des particularités qui lui sont propres, les pratiques y sont contingentes et contextuelles, dépendantes de la culture et des valeurs de l’entreprise, de ses projets, mais aussi de ses possibilités d’action en matière d’organisation du travail, et de ses acteurs ;

Enfin s’il existe un certain nombre de travaux autour de l’évaluation des compétences au travers desquelles on décrit souvent des « états », il existe peu de travaux tentant de cerner et de théoriser la dynamique individuelle ou collective de la fabrication des compétences. La genèse des compétences s’efface au profit d’un outillage savant tel que les formalisations graphiques, les listes, les cartes, les portfolios, ou les référentiels…, « de beaux outils sans mode d’emploi » 77 car aucun de ceux-ci n’élucide le mystère de la genèse… Ils ne font que participer à la mesure et à l’objectivation des compétences pour servir des besoins de classification, de promotion, de recrutement, de sélection, de rémunération, de cheminement de carrière, d’orientation professionnelle, etc.

Quelles sont malgré tout les pratiques les plus courantes que l’on puisse observer ? Les tendances qui se dégagent ?

Les plus courantes sont :

Nous allons nous intéresser dans la suite de ce travail aux processus de transformation et de développement des compétences davantage qu’aux produits issus de la réalisation de ces processus (c’est à dire les compétences !). La théorisation de ces dynamiques nous semble aujourd’hui incontournable dès lors que la compétence se construit dans l’action. Comment, alors, organiser l’action pour qu’elle soit porteuse de développement ?

Notes
76.

MEDEF Cahier n°8 in « Acquisition et transmission des compétences », Cahiers de Deauville 1998, p20

77.

ROPE F. et TANGUY L. in STROOBANTS Marcelle in « la production flexible des aptitudes », in Education permanente n°135, p15