4.3. Le rôle de l’organisation du travail

Nous verrons par la suite que la liaison entre organisation du travail et développement des compétences s’exprime à travers différentes notions telles que celles d’organisations qualifiantes, d’organisations apprenantes, de management organisationnel, de knowledge management pour ne citer que les principaux. Ces notions renvoient toutes à la même idée : l’organisation du travail peut conduire le travail à être formateur et les individus à apprendre.

En amont de ces notions retenons que l’organisation du travail a un rôle primordial à jouer dans les processus de développement des compétences. En définissant les process de travail, les rôles et les missions de chacun, le périmètre des emplois, la constitution des équipes, les relations entre les équipes voire les services ou les différentes entités de l’entreprise, dans la manière de définir les objectifs de production et les moyens de les atteindre, etc. , elle profile la question du développement des compétences. Par exemple, en donnant l’occasion de conduire des activités différentes de celles que l’on conduit habituellement, de se confronter à autre chose ou en donnant l’occasion aux équipes de travailler côte à côte, on améliore les relations de travail, les coopérations et les collaborations, on offre des occasions d’apprentissages, on permet aux compétences de s’élargir et/ou de s’enrichir…

La manière dont on découpe le travail et dont on fixe les objectifs n’est pas sans conséquences sur le développement des compétences. Permettre d’autres expériences, d’autres relations, d’autres circonstances professionnelles, d’autres parcours, d’autres périmètres est porteur de développement.

Mais suffit-il d’organiser des situations porteuses de développement pour générer des situations potentielles d’apprentissages ? La question de l’importance de l’accompagnement de ces situations est posée, question de la médiation mais aussi celle de la métacognition voire celle du temps… La question du temps n’est pas anodine là où la priorité reste celle de la production et non de l’apprentissage. Quel temps laisse-t-on pour apprendre ? Quel temps donne-t-on pour transmettre ? Comment organise-t-on le passage de relais ? Comment permet-on aux uns de s’essayer, aux autres de tester ou d’échouer, aux derniers de réfléchir à la manière dont ils vont donner des explications ? Comment en définitive les hiérarchiques peuvent-il réussir le pari simultané ou concomitant de la production et de l’apprentissage ? Le rôle des hiérarchiques dans les processus de développement des compétences apparaît comme déterminant. On peut penser également que les collègues ont un rôle à jouer notamment autour des échanges quasi quotidiens du « comment faire » ou tout simplement des « trucs et astuces », des « tours de mains »… On parle souvent de formations informelles et croisées fondées sur l’échange, le troc et le partage, voire l’entraide. L’organisation du travail a, ici encore, son rôle à jouer en rendant possible ces échanges. Lorsque le turn-over est trop important et que l’exercice devient désespérant à force de répétition, lorsque les collègues ne veulent pas « transmettre » parce que la culture est au secret ou tout simplement parce que les pratiques d’évaluation favorisent et exacerbent les rivalités, lorsque le temps nécessaire au partage n’existe plus comme des pauses café à prendre désormais à tour de rôle, lorsque le tuteur est nommé sur la base de son ancienneté et non sur sa capacité à transmettre son savoir-faire, son expertise, etc., l’organisation du travail peut produire des freins organisationnels pouvant venir entraver les possibilités et opportunités d’apprentissages…