Chapitre 2 : Une multitude d’organisations… pour apprendre… et développer ses compétences…

‘« Ce qui peut être atteint par l’esprit humain est une représentation de la réalité. Cette dernière est toujours au-delà de sa représentation »
M. Liu (1994)’

Au regard du développement que nous venons de réaliser, il apparaît que le rôle de l’organisation du travail est fondamental et essentiel dans la fabrication des compétences. De ce fait, quoi de plus naturel que d’avoir vu des notions comme celles d’organisation qualifiante, apprenante, ou d’apprentissage organisationnel avoir autant de succès? Ce sont aujourd’hui celles de management par les compétences, de management des connaissances ou de knowledge management qui prennent le relais. Ces notions permettent d’établir le lien entre organisation et développement des compétences, elles le valorisent et offrent de nombreux espoirs aux entreprises qui voient en elles la solution à leurs problèmes de flexibilité et de réactivité… Il suffirait alors de transformer les situations de production en situations d’apprentissages, de produire en permanence des compétences et pas seulement d’en consommer, pour être plus compétitif. Mais nous allons voir que toutes ces dénominations ont besoin d’être clarifiées car elles entretiennent une confusion certaine entre elles…

Beaucoup d’entreprises conviennent que le facteur humain est un des principaux ressorts de leur efficience. Elles considèrent que le niveau de formation de leur personnel, sa capacité à agir et à réagir « intelligemment » et sa motivation au travail, etc. sont des objectifs à privilégier et réagissent en conséquences. Elles seraient apprenantes, qualifiantes, formatrices …

Ces organisations, qu’elles soient formatrices, apprenantes ou qualifiantes renvoient toutes à la même idée : celle d’une organisation qui favorise les apprentissages et le développement des compétences. Elles prennent souvent, dans les pratiques, la forme de ce qu’il convient d’appeler les « nouvelles organisations » autour desquelles se nouent des enjeux aussi bien économiques que sociaux. Ces dernières affichant leur volonté de succéder au taylorisme…

Dans ce chapitre, nous explorerons les notions d’organisations apprenantes et qualifiantes et les liens qu’elles suggèrent entre développement des compétences et organisation du travail. Pour ce faire nous avons opéré une sélection dans l’abondante littérature portant sur ce sujet. Elle ne prétend pas à l’exhaustivité, ni même à sa représentativité, mais s’attache plutôt à mettre en évidence leurs points saillants et leurs problématiques.

Les termes prolifèrent au fil du temps et sous la plume de leurs promoteurs, on trouve pêle-mêle des entreprises formatrices, des entreprises ou des organisations qualifiantes, des entreprises ou des organisations apprenantes, de l’apprentissage organisationnel, du management des connaissances, du knowledge management, etc. Tous ces termes entretiennent entre eux des rapports de confusions. Amalgames et malentendus sont de rigueur, que cela soit sur Internet, dans la littérature ou dans le discours des praticiens ! Ils ne sont pas sans poser question.

Pour certains, organisation apprenante et organisation qualifiante sont synonymes ou dans le prolongement l’une de l’autre. Sophie Marie Girault ⁸⁵ présente la propriété première des organisations qualifiantes comme étant formatives ou apprenantes. Philippe Zarifian ⁸⁶ affirme que la notion d’organisation apprenante est d’origine anglaise, qu’elle est traduite par « organisation qualifiante »…

Organisation qualifiante et organisation apprenante ne seraient qu’un seul et même mot ?

La plupart des adeptes des organisations qualifiantes ou apprenantes les définissent toutes deux comme étant des organisations qui favorisent l’apprentissage permanent!

Poursuivraient-elles donc les mêmes buts ?

La définition du Pôle Productique Rhône Alpes nous conduit à appréhender l’organisation qualifiante non plus comme une organisation apprenante mais comme une organisation qui qualifie ⁸⁷ . C’est aussi le point de vue d’Antoine Verne ⁸⁸ .

Une organisation peut-elle qualifier ?

Danièle Potocki-Malicet ⁸⁹ définit l’organisation qualifiante comme une organisation où ce sont les personnels qui apprennent et l’organisation apprenante comme une organisation où c’est l’entreprise qui apprend…

Une entreprise ou une organisation pourrait donc être sujet de l’apprentissage ?

Michel Parlier affirme que « dans l’organisation qualifiante, le développement des compétences n’est pas un objectif social, mais une résultante de l’enjeu économique dont l’échéance, à court terme, provoque la nécessité de l’apprentissage » ⁹⁰ alors que Sophie Marie Girault ⁹¹ affirme que l’organisation qualifiante cherche à atteindre un double objectif : économique et social.

Alors objectif social ? Objectif économique ? ou objectif socio-économique ?

Ces quelques témoignages montrent qu’il est difficile d’identifier des frontières entre les organisations qualifiantes et les organisations apprenantes et que des questions de fond se posent dans l’usage et la définition qui sont faits de ces dernières. Une clarification apparaît nécessaire pour différencier ces expressions et montrer en quoi celle d’organisation qualifiante est la plus à même d’exprimer et de revendiquer le lien entre organisation du travail et développement des compétences.