L’expression est apparue il y a plus d’une dizaine d’années dans le monde anglo-saxon sous le nom de learning organization. Il fut traduit en français par organisation ou entreprise apprenante. La learning organization constituait une alternative au modèle néotaylorien. Le livre précurseur, et de référence est celui de Peter Senge : « La cinquième discipline » 97 .
D.A. Garvin la définit comme « Une organisation capable de créer, d’acquérir et de transférer des connaissances, de modifier son comportement en fonction de nouvelles connaissances et de prise de conscience » 98 . L’existence d’une telle organisation suppose, pour Peter Senge, « La remise en cause constante de l’expérience et la transformation de cette expérience en savoir accessible à l’ensemble de l’organisation et en adéquation avec son projet principal » 99 .
La littérature managériale décrit l’organisation apprenante comme le processus d’apprentissage continu de ses membres au niveau tant individuel que collectif dans le but d’améliorer les performances globales de l’entreprise dans le cadre de son projet stratégique. Cette philosophie de management pour Daniel Belet 100 , spécialiste de la question, concerne tous les aspects du management des hommes et des organisations : organisation générale et structures organisationnelles, procédures et méthodes de travail, pratiques de leadership, modes de gestion des hommes et de leur développement professionnel, gestion des savoirs, etc. Elle se fonde « sur la valorisation intelligente et mutuellement profitable des synergies susceptibles d’être développées entre, d’une part le projet stratégique de l’entreprise et, d’autre part, les potentiels, les compétences et les talents de son capital humain » 101 . Elle procède donc d’un développement de l’entreprise qui mise plus sur ses hommes que sur des manœuvres financières, technologiques, économiques et/ou commerciales. Il va sans dire que l’introduction d’une telle philosophie de management va être de créer les conditions contextuelles nécessaires à chaque organisation pour susciter ces processus d’apprentissages permanents au service des performances et de la stratégie d’entreprise, telles que l’exemplarité des attitudes et des comportements managériaux afin de faire coïncider actes et discours, la gestion individualisée et la coordination efficace des compétences, l’implication des hiérarchiques dans le développement professionnel de leurs collaborateurs, la création de contextes organisationnels et de procédures de travail favorables à l’apprentissage individuel et collectif, etc.
Daniel Belet qualifie l’organisation apprenante de « Philosophie de l’apprenance » 102 . Cette philosophie aurait des effets de mobilisation et d’exploitation des capacités d’apprentissages individuelles et collectives, et de développement des compétences. « Le management de l’apprenance va susciter une dynamique de changement de l’entreprise qui lui permettra de répondre de façon beaucoup plus efficiente et pertinente aux défis de son environnement et de ses marchés. Il va de plus contribuer à renforcer sa flexibilité, sa capacité et sa vitesse d’adaptation, mais aussi sa créativité et sa capacité d’innovation, éléments qui apparaissent de plus en plus comme des clés de réussite, en particulier au niveau de la rentabilité et de la pérennité » 103 . L’intérêt de l’organisation apprenante résiderait alors dans sa capacité à se structurer de manière à permettre une professionnalisation collective au service de la professionnalisation de son activité. Le « nouveau » manager dans cette philosophie a pour responsabilité d’organiser les flux de savoirs et non plus seulement d’informations, de compétences, de talents, et d’énergies, … L’homme devient la principale ressource au service de la production et dont il faut assurer le développement professionnel continu. « Le management de l’apprenance aura par conséquent pour visée essentielle de créer les conditions les plus favorables à l’exploitation et au développement de ce potentiel humain par une dynamique permanente et globale d’apprentissage individuels et collectifs à tous les niveaux hiérarchiques » 104 . Des valeurs fortes telles que la confiance, la responsabilisation, l’aide au développement professionnel des collaborateurs, la réflexion sur les problèmes rencontrés dans le travail, le respect du droit à l’erreur, l’encouragement à la prise d’initiative, la liberté d’action des individus, la reconnaissance et la récompense des efforts, ... sont valorisés et développés.
Dans le sillage de l’organisation apprenante, apparaît le terme d’apprentissage organisationnel sur lequel il convient de s’arrêter.
SENGE Peter in « La cinquième discipline », Paris, First Editions 2000
GARVIN D.A. in PARLIER Michel in « Une organisation peut-elle être apprenante? », conférence du 12 mars 1997
SENGE Peter, op. Cit. p59
BELET Daniel in « La révolution de l’entreprise apprenante » in L’Expansion Management Review, septembre 2003, p82. Auteur de nombreux articles, Daniel Belet a publié ces dernières années deux ouvrages sur la question des organisations apprenantes : « Devenir une vraie entreprise apprenante. Les meilleures pratiques » (Editions d’Organisation 2002) et « Education managériale pour apprendre et pratiquer un nouveau métier de manager » (L’Harmattan 1998)
BELET Daniel, ibid p83
ibid p82
ibid
ibid p83