Une multiplicité de discours…

Dans la littérature et les pratiques, les discours concernant les organisations qualifiantes varient.

On peut repérer un premier groupe de discours du côté d’intervenants proches de la sociologie ou de l’ergonomie qui mettent en lumière la liaison organisation du travail et développement des compétences.

Le point de vue de la sociologie (quelle que soit l’école ou la forme) considère par définition que les organisations sont forcément structurantes des manières de faire et des manières de vivre de ceux qui y vivent au quotidien.

Quant au point de vue de l’ergonomie, cette dernière est soucieuse des rapports homme-machine dans un environnement social et économique donné. Elle aura pour objectif présumé d’aménager ces rapports pour de meilleures conditions de travail et un meilleur confort de la personne et pour permettre au travail productif de se dérouler dans de bonnes conditions. Cette approche du système homme-machine contribue à la qualification des opérateurs.

Un deuxième groupe de discours plus idéologique que le premier, s’intéresse aux organisations qualifiantes à partir d’une critique du taylorisme. Ils y voient l’avènement d’un nouveau modèle de production dans lequel on ne parlerait plus d’aliénation par le travail, de confiscation des savoirs ouvriers, de spécialisation à outrance, etc. mais de management participatif, de polyvalence, de responsabilisation, d’autonomie, de groupes projets, etc. Philippe Zarifian est ici en tête de liste, ce qui lui vaudra d’ailleurs un vif débat avec Jean-Pierre Durand quant à la modernisation des entreprises et l’humanisme industriel 131 .

Un troisième discours est un discours de type humaniste qui réunit les personnes soucieuses d’une meilleure employabilité des opérateurs et qui militent en faveur du développement de leur polycompétence. On voit apparaître dans ce discours une argumentation en faveur du développement de l’information et de la communication. Communication et information qualifieraient les opérateurs en leur permettant de comprendre ce qu’ils sont en train de faire et ce pourquoi ils le font, ils s’approprieraient ainsi l’ensemble des logiques du processus de production au sein desquels ils vivent leur vie de travail.

Enfin les formateurs ne sont pas absents du débat et proposent (voire multiplient) des démarches de formation en situation de travail où l’on prend appui sur les dispositifs ou situations de production pour favoriser l’apprentissage des gestes professionnels. Ils développent aussi des formes de formation alternées. Les organisations à partir de leur fonctionnement naturel ont des vertus d’apprentissage qu’il s’agit d’exploiter et de valoriser.

Ces quatre formes de discours militent en faveur du développement des organisations qualifiantes et postulent que toute organisation peut être façonnante pour paraphraser Yvon Minvielle 132 . Certains paramètres et variables au sein de ces organisations produisent des effets sur les individus singuliers et collectifs (l’ergonomie parle d’opérateur collectif) qui vivent et travaillent au sein de ces organisations, il s’agit notamment de « l’appareillage technique » 133 , de « l’environnement économique » 134 et des « individus qui peuplent cette organisation » 135 .

Notes
131.

Cf. Gérer et comprendre, Revue Annale des Mines, Décembre 2000. « Les enjeux de la logique compétence » Par Jean Pierre DURAND et « Sur la question de la compétence » par Philippe Zarifian

132.

MINVIELLE Yvon in « Les organisations qualifiantes, notes de travail n°2 » in Perspective n°83, p2

133.

Degré de complexité et de modernité ayant des effets sur les gestes professionnels développés par les opérateurs ; le poste de travail et ses procédures ayant des effets sur les marges d’autonomie des opérateurs ; l’atelier et son ordonnancement

134.

Quand on est dans la métallurgie on n’est pas dans l’agroalimentaire ou dans l’aide à domicile, quand on appartient à une multinationale on n’appartient pas à une PME… ce n’est pas sans conséquence…

135.

Le nombre de personnes réalisant le même travail, le niveau de scolarisation des opérateurs, les composantes ethniques configurent en partie les situations de travail, etc.