2.3.3. L’organisation qualifiante est celle qui permet à ses membres de ré-élaborer les objectifs de leur activité professionnelle

Communiquer pour guider les activités professionnelles.

Philippe Zarifian explique que ce principe est sans doute le plus important parce qu’il concerne directement le système décisionnel de l’entreprise, l’organisation du pouvoir.

L’organisation ne deviendrait qualifiante qu’à partir du moment « où des choix sont à faire, des propositions à élaborer et un parti pris à prendre pour guider l’activité professionnelle. C’est en faisant des choix et en les concrétisant à l’épreuve de plans d’action que l’on apprend le mieux, et surtout qu’on élargit ses propres capacités d’apprentissages » 153 . Pour cela les décisions de l’entreprise se doivent d’être explicitées pour que chacun puisse y donner un sens et se donner une ligne de conduite. Cette explicitation peut emprunter la voie traditionnelle, celle de la ligne hiérarchique (« A chaque niveau, la hiérarchie décline ce qu’il faut entendre par qualité totale, définit des procédures à mettre en place, les critères de réussite à instaurer, les démarches à lancer, etc. Aux subordonnées d’exécuter » 154 ) qui correspond au schéma de l’organisation non qualifiante ; ou une autre voie qui consiste à créer des zones d’explicitations où les salariés peuvent s’approprier ces objectifs en les ré-élaborant. Au sein des unités de production, on trouve alors des formes collectives de ré-élaboration au travers desquelles « Les salariés s’ouvrent aux données de l’environnement industriel, à l’usage social de ce qu’ils en font, et sont confrontés à des choix » 155 (dans le cadre par exemple de la qualité totale : comment la définir ? L’améliorer, etc. .). On peut s’appuyer ici sur le témoignage de Michel Bricaud, directeur général de Bronze Acior (PME de l’Eure) qui a implanté au début des années 90 des groupes participatifs (on ne compte plus depuis le nombre d’entreprises en ayant fait l’expérience ou de ce que l’on appelle aujourd’hui le management participatif…). Il explique que ces groupes ont été institués au départ pour résoudre des problèmes particuliers. Très vite, il est apparu un changement fondamental de comportements des collaborateurs impliqués dans ces groupes : « Liés au vécu de ceux-ci, sont apparues une plus grande conscience des enjeux économiques, une obligation de résultats dans la recherche de résolution des problèmes, une meilleure appréhension de la notion de coût et de retour sur investissement, une plus grande écoute sur l’opinion de l’autre, et une prise en compte de la richesse des opinions diverses » 156 .

Ces processus de ré-élaboration des objectifs des activités professionnelles impliquent que les actes de gestion pénètrent les actes de production et cela suppose un repositionnement de la hiérarchie : non plus prescrire mais valider des options, non plus diriger une équipe ou un service mais l’animer… et permettre à chacun de développer ce que Philippe Zarifian décrit comme une « implication stratégique » 157 et donc de nombreux apprentissages.

« Chaque acte d’information doit être un acte formatif. Chaque occasion d’informer doit être un moment privilégié de formation. Pour ce faire, tous les moyens sont bons : journal d’entreprise, affichage sur panneaux spécialisés , réunions d’information diverses, réunions de comité d’entreprise, de délégués du personnel, d’échanges, de groupe d’expression… et même des flashes d’information spécialisés joints aux bulletins de paye. Chaque information, livrée par quelque moyen que ce soit, s’articule avec les autres informations et devient élément de formation. Progressivement la compréhension s’organise, les événements deviennent plus précis pour chaque collaborateur » 158

Notes
153.

ZARIFIAN Philippe, ibid

154.

ZARIFIAN Philippe, ibid p19

155.

ZARIFIAN Philippe, ibid

156.

BRICAUD Michel in « les situations de travail formatrices chez Bronze Acior SA » in Education Permanente n°112, 1992, p57

157.

ZARIFIAN Philippe (1992), op. cit p20

158.

BRICAUD Michel, op. Cit. p54