I.Du désenclavement du travail au développement des compétences

‘« La connaissance est à la fois une modélisation de la réalité et un produit d’une forme particulière de relation interpersonnelle qui en permet la formulation, la mise en commun et la validation »
Anne-Nelley Perret Clermont (2001) 187

La psychologie sociale définit une interaction comme une relation dynamique de communication et d’échange d’informations entre deux individus ou plusieurs individus à l’intérieur d’un groupe. Les théoriciens de la psychologie sociale avancent l’idée que sous certaines conditions, l’interaction sociale est un des moteurs privilégiés du développement cognitif et intellectuel des individus. La théorie du conflit socio-cognitif constitue depuis les années 80, l’hypothèse centrale de la psychologie sociale du développement ou, en d’autres termes, des théories de la construction sociale de l’intelligence. Théories selon lesquelles c’est dans l’interaction que l’individu est amené à se construire dès lors que les interactions se situent sur un plan cognitif (confrontation de points de vue).

Nous abondons, au travers de nos résultats, dans le sens des théoriciens de la psychologie sociale lorsque nous repérons, au travers du discours des personnes, l’idée que les interactions favorisent le développement des compétences. Nous verrons au moyen des groupes de travail que les effets peuvent être d’ordre cognitif, socio-cognitif ou émotif.

Après plus de vingt ans de recherche sur l’apprentissage en groupe et en particulier sur l’apprentissage coopératif, la question essentielle, comme le souligne Etienne Bourgeois 188 , n’est plus de savoir si globalement les interactions entre pairs sont ou non de nature à favoriser les apprentissages mais bien à quelles conditions ces interactions peuvent améliorer les performances d’apprentissages. S’il s’interroge sur le rôle de variables situationnelles telles que l’asymétrie des relations ou l’intensité de l’argumentation comme facteurs favorisant les apprentissages au sein des interactions, nous allons chercher à identifier un certain nombre de situations discriminantes favorisant des interactions apprenantes ou à effets d’apprentissages.

Nous avons distingué les interactions organisationnelles et les interactions interpersonnelles. Les premières sont définies par l’organisation, les secondes existent à l’initiative des individus.

Nous convenons ici de regrouper ces interactions sous le vocable de « dispositions organisationnelles » car même si les interactions interpersonnelles existent à l’initiative des individus, il est certain que c’est l’organisation du travail qui permet de les voir exister (exemple : possibilité de se déplacer dans l’atelier).

Ces dispositions organisationnelles présentent différents avantages :

Ellesont un fort pouvoir de « subjectivation » 189 . Elles permettent (dans certains cas) d’avoir le sentiment d’être impliqué dans la vie de l’entreprise, de participer à l’instruction de certaines des décisions concernant la vie de l’entreprise, les process de travail ou les conditions de travail, de pouvoir faire autre chose que de « tirer les cartons » et de se montrer plus enclin à tirer parti des situations qu’ils rencontrent.

Elles ont un fort pouvoir de « conscientisation » du travail, des activités. En favorisant les interactions entre les individus, les équipes, les services, les unités, elles élargissent le périmètre d’action et la scène organisationnelle des individus, leur cadre de perception du travail et de son environnement. Les personnes s’intègrent dans un réseau plus large d’acteurs les conduisant à mieux connaître leurs activités réciproques, à créer du lien entre les postes de travail et ceux qui les occupent, à s’ouvrir à d’autres réalités, d’autres manières de travailler. Ils s’ouvrent aux opportunités d’apprentissages qui s’offrent à eux.

Notes
187.

PERRET CLERMONT Anne-Nelley in « Interagir et connaître », Paris, L’Harmattan, 2001, p16

188.

BOURGEOIS Etienne in “Apprendre en groupe” in SOLAR Claudie in “Le groupe en formation des adultes”, De Boeck 2001, p99

189.

Cf Clot Yves, op.cit.