1.2.2. Les situations d’échange
Chez Diverplastic, les pilotes échangent avec leurs chefs d’équipe plutôt qu’avec le responsable qualité. Ils trouvent ce dernier moins disponible et trop stressé.
Chez Logimeuble, Les réunions informelles entre CE lors des pauses café ou lors des pauses repas sont des occasions de prélever des informations utiles permettant de mieux gérer son activité au quotidien. Le partage d’expériences avec ces derniers permet aussi de fonctionner comme un outil de prise de décisions. Malgré tout, seuls deux CE sur les huit rencontrés identifient les autres CE comme des personnes ressources
On notera que les discussions avec les collaborateurs permettent également d’orienter leurs manières de faire ou d’être, qu’ils soient ou non de leur équipe.
O :« On apprend beaucoup quand on discute avec les collègues, on parle des problèmes et on voit comment on fait chacun de son côté »
O :« Avec le CQP01, c’est bien car on échange sur les ateliers, sur les organisations des ateliers. Ca permet de comprendre comment chacun travaille et de comparer »
T :« On ne progresse que si l’on a l’occasion d’échanger, de discuter avec des personnes. Les réunions déchets sont bien pour cela. J’écoute ce qui se dit et j’essaie de me resservir des choses intéressantes »
CE :« On apprend beaucoup des personnes avec qui l’on travaille, en prenant des décisions ensemble et en s’enrichissant de nos expériences mutuelles au regard de ces décisions et de nos styles de management »
[ Témoignages circonstanciés complémentaires en annexe (T11) ]
Un certain nombre de recherches en psychologie sociale et notamment sur le conflit socio-cognitif
192
, ont montré que les interactions sont plus efficaces pour l’apprentissage lorsqu’elles s’inscrivent dans une relation symétrique entre les partenaires.
Nos entretiens montrent que :
- Il semble plus difficile d’apprendre des pairs lorsque ces derniers sont jugés comme ayant le même niveau de compétences, les mêmes tâches à accomplir ou des problèmes de même nature à résoudre.
- Il est plus facile d’aller vers ceux qu’on juge « en savoir un peu plus que soi » ou « beaucoup plus » à condition que le collègue sache expliquer ou se mettre à sa portée, permette une discussion ou un échange.
- Que les interactions soient symétriques ou asymétriques, elles génèrent le plus souvent des conflits résolus sur leur versant social et non cognitif. Les personnes globalement ne prennent pas le temps d’apprendre ou d’aider à apprendre, elles sont bien plus préoccupées par la production et ses impératifs. Les spécialistes de la question du conflit socio-cognitif parlent de « régulation relationnelle ». Cette forme de régulation fait l’impasse sur le travail cognitif de remise en question et de transformation de son point de vue initial.
- Les personnes n’hésitent pas à aller vers les agents avec lesquels les relations seront asymétriques. Lorsque leur projet professionnel les conduit à aspirer « à devenir quelqu’un d’autre », à occuper un autre métier ou emploi, elles vont facilement vers les détenteurs de ces emplois ou métiers « pour en savoir plus ».
- Le groupe de travail est un lieu privilégié pour les interactions car il est dédié à cette activité. Cependant les personnes remarquent que le groupe de travail ne peut fonctionner comme un lieu ou un espace d’apprentissage que s’il est possible d’y découvrir des choses nouvelles ou de discuter au vrai sens du terme. Elles soulignent ainsi le fait que « parler ensemble » est différent de « discuter ». Discuter, c’est défendre une position, c’est essayer de convaincre l’autre ou de se laisser convaincre par ce dernier. C’est s’engager dans une activité cognitive favorable à l’apprentissage.
- Enfin on peut penser que la diversité des positions au sein de groupes hétérogènes d'acteurs, constitue un moteur du développement de leurs activités. On apprend de ce qui est différent, non de ce que l'on partage.
Notes
192.
cf. De Paolis & Mugny (1991), Carugati et al (1980 /1981) et Doise et Mugny (1975) notamment