V.En conclusion : Vers des situations qualifiantes…

Nous avons choisi de situer notre recherche du côté des organisations qualifiantes parce que la plupart des écrits la concernant se rejoignent à dire qu’elle établit le lien entre organisation du travail et développement des compétences.

Notre recherche a tenté d’appréhender ce lien au travers de cinq entreprises.

Il apparaît qu’il n’existe pas de lien de causes à effets entre nouvelles organisations et organisations qualifiantes, nouvelles organisations et développement des compétences. Il ne suffit pas, par exemple, d’être organisé en îlot de production pour générer de l’autonomie ou la décréter. Cela suppose que des marges d’autonomie soient accordées, au sein des îlots, aux opérateurs : pouvoir décider d’une procédure, la modifier, refuser un client ou une mise en production, intervenir sur une presse…

S’il est difficile d’appréhender les cinq entreprises impliquées dans cette recherche en termes d’organisations qualifiantes, il est indéniable que des apprentissages se réalisent, que des dynamiques de formation existent au sein des situations de travail. Celles-ci s’enracinent dans les aménagements de l’organisation du travail qui favorisent des pratiques de désenclavement et de décloisonnement du travail mais qui ne prendraient sens que mises en relation avec la volonté de l’individu à s’engager dans des processus d’apprentissages et de développement des compétences. Il y aurait une certaine forme de co-responsabilité de l’individu et de l’organisation autour de ces derniers.

Ceci peut être schématisé de la manière suivante :

Ces facteurs organisationnels (désenclavement, décloisonnement) et personnel (autodétermination) sont tout à la fois indépendants, interdépendants, complémentaires et distincts. De leur dynamique naissent des situations potentielles d’apprentissages, des situations qualifiantes : des situations initiatiques, des situations collaboratives et/ou coopératives, des situations intercompréhensives, des situations communicationnelles et/ou informationnelles, des situations de bilans, des situations événementielles et des situations formatrices.

Situation Définition A l’initiative de l’organisation A ‘l’initiative de l’individu
Situations initiatiques Moments de découverte d’une nouvelle activité, d’une mise à l’emploi, etc. Tutorat, compagnonnage Pratiques d’échanges, d’entraide, pairémulation
Situations collaboratives et/ou coopératives Moments de construction de liens entre agents en vue de réaliser volontairement une œuvre commune Groupes de travail, travail en binômes, polyvalence, groupes projets, mobilités et remplacements temporaires, management participatif Pratiques d’entraide
Situations intercompréhensives Moments d’intégration de l’activité des autres dans sa pratique Polyvalence, travail en binôme, tutorat, groupes de travail, mobilités et remplacements temporaires, grilles de polyvalence Pratiques d’échanges, d’entraide
Situations Communicationnelles et/ou informationnelles Moments de diffusion d’information et/ou d’échanges, de discussion Réunions, groupes de travail, affichage, relève d’équipe, passage de consignes, tableaux de bord, journaux internes Pratiques de retours d’informations
Situations de bilan Moments privilégiés d’arrêt et de reconsidération de la manière de travailler
Groupes de travail, management des situations, boîtes à idées, Pratiques de retours d’informations, Pratiques d’échanges et d’entraide
Situations événementielles Moments problématiques signifiants du travail ayant été l’occasion d’apprentissages nouveaux
Groupes de travail, management Pratiques de retours d’informations, Pratiques d’échanges et d’entraide
Situations formatrices Moments de formalisation et de transmission du
Savoir-faire à d’autres
Tutorat, travail en binôme, cotutorat Pratiques d’échanges et d’entraide, de retours d’informations

Les frontières entre les situations peuvent s’avérer difficiles à établir et ne sont pas hermétiques. Au sein d’une même situation peuvent ainsi cohabiter plusieurs situations qualifiantes. La participation à l’élaboration d’un référentiel de compétences peut tout à la fois fonctionner comme une situation de bilan ou comme une situation formatrice. Le groupe de travail selon son objet et ses temps peut s’inscrire dans des logiques événementielles, de bilan ou formatrices : on y traite d’un événement particulier vis à vis duquel on prend de la hauteur et un spécialiste de la question vient témoigner de la bonne pratique.