Chapitre 2 :
Une situation qualifiante particulière : Le groupe de travail …

Les groupes de travail ont pris différentes appellations, les plus courantes sont les « cercles de qualité », les « groupes d’expression », les « groupes de compétences », les « groupes actions » ou encore les « groupes de progrès »… Dans des entreprises particulières, nous avons entendu parler de « Cercles d’Analyse et de Performance » (CAP), de « Groupes Interhiérarchiques de progrès » (GIP) ou encore de « Groupe D’Etude et de Proposition » (GEP). Chez Diverplastic, ils se nomment PAP : Plans d’Amélioration Permanente.

La propagation de ces groupes trouve son origine dans les découvertes de la psychologie sociale et dans la diffusion des cercles qualité.

« Les cercles qualité, par la présence ouvrière en leur sein, admettaient que les opérateurs de production disposaient d’un savoir sur les problèmes qui survenaient et pouvaient intellectuellement participer à le recherche et au jugement sur la faisabilité des solutions collectivement élaborées » 231 . Il s’agit de petits groupes d’employés volontaires qui se réunissent régulièrement pour résoudre des problèmes. En 1987 la dernière Convention Nationale des Cercles de Qualité réunissait douze mille personnes et recensait quarante mille cercles dans les entreprises françaises 232 . Ces cercles qualité ont connu une période florissante et enthousiaste au cours des années 80 et au début des années 90. On en attendait des résultats spectaculaires suite aux expériences des Japonais, des Américains et des Anglais. Ils devaient révolutionner les modes de management. A l’engouement succéda le désenchantement et l’essoufflement pour certaines entreprises, d’autres leur cherchèrent un second souffle au travers de nouvelles manières de travailler, et les dernières les intégrèrent à leur fonctionnement quotidien comme n’importe quel dispositif managérial. Ont subsisté les méthodes et les outils de résolution de problèmes qui aujourd’hui sont utilisés de bien des manières et fonctionnent au quotidien dans les ateliers et les services. Le management participatif s’inspirera également beaucoup de l’expérience des cercles qualité.

Quant à la psychologie sociale, elle a mis en évidence le fait que le groupe peut être un lieu d’élaboration commune, un puissant levier de changement  et qu’il peut être un support et un lieu d’apprentissages… mais qu’il génère aussi de la facilitation ou de la paresse sociale voire des conflits…

A l’occasion de nos entretiens, le groupe de travail revenait systématiquement dans le discours des personnes comme un « moyen d’apprendre ». Il est de plus apparu comme une pratique de travail à fortiori à la fois désenclavante et décloisonnante mais aussi socialisatrice si l’on définit la socialisation comme un processus de partage d’expériences.

Le groupe de travail devient un lieu où l’on réfléchit en groupe et avec d’autres et fonctionne comme « une instance de prise de conscience de soi où se vivent des oppositions et des contradictions, des passions contraires mêmes comme l’amour et la haine. Des lieux où une certaine perception vécue, spontanée, à peine réfléchie, retrouve l’étymologie du mot gruppo qui signifie tension, nœud et assemblage » 233 . Quelle perspective passionnante que l’étude d’un tel objet à l’épreuve du terrain car, autrement dit, le groupe est ce qui réunit mais aussi emprisonne, ce qui assure intégration et solidarité. On est bien ici au carrefour de processus de désenclavement, de décloisonnement et de socialisation.

Le choix de ce terrain d’enquête pour la deuxième phase de notre recherche empirique n’est donc pas aléatoire.

L’analyse du discours des personnes nous a permis de repérer un certain nombre d’avantages liés au fonctionnement des groupes de travail: avantages cognitifs, socio-cognitifs et avantages émotifs, qui montre que la participation à un groupe de travail est porteuse de développement professionnel et d’effets d’apprentissages. La notion de groupe n’est-elle d’ailleurs pas décrite par Jacky Beillerot comme « Le lieu d’une transmission, le lieu d’une différenciation des individus les uns par apport aux autres, le lieu encore de la déliaison et de la transformation » 234  ? Rien de plus naturel alors de se demander de quelle manière ce lieu de transmission, de différenciation, de déliaison et de transformation peut participer à la construction de dynamiques qualifiantes et fonctionner comme une situation qualifiante?

Notes
231.

BEAUJOLIN François in « Vers une organisation apprenante », Paris, Editions Liaisons 2001, p31

232.

CHEVALIER Françoise in www.scienceshumaines.fr/lesdossiers, consulté le 25.03.03

233.

BEILLEROT Jacky in « Le groupe en formation des adultes ou groupe et formation des adultes », article à paraître dans la nouvelle édition du « Traité des sciences et techniques de formation », Paris, Dunod 2004. (p1)

234.

BEILLEROT Jacky, ibid