2.1.2. Des facteurs managériaux

L’animation ou le management des groupes repose sur un certain nombre de règles propices à l’efficacité du groupe, parmi lesquelles on trouvera :

La possibilité de mesurer les résultats du travail accompli ou de ce pour quoi on s’est investi :

Le groupe semble avoir du mal à fonctionner dès lors qu’il est difficile de mesurer les effets de son travail. Des actions sont lancées mais ne font que rarement l’objet d’un suivi, que cela soit négativement ou positivement. Les choses se règlent dans l’atelier au détriment du lieu de réunion. Les pilotes ont du mal à maintenir leur engagement dans les actions car les informations ne circulent pas dans l’atelier lorsque le suivi y a été mis en oeuvre. Au-delà du problème de suivi des actions, on note un manque de coordination et de régulation de ces dernières.

La mise en place des feuilles de tri divise les pilotes. L’un d’entre eux explique que cela l’a obligé à passer plus souvent par la zone de tri et ainsi veiller au rangement des postes de travail par exemple. Un autre pilote a du mal à se représenter les bénéfices potentiels de cette feuille de tri. Une discussion préalable au lancement de ces feuilles de tri aurait pu permettre de réfléchir à ses bienfaits et de dresser une liste d’indicateurs qui auraient permis de mesurer le coût-efficacité du dispositif.

[ Témoignages circonstanciés en annexe (T26) ]

Par ailleurs on note :

La possibilité de se donner des objectifs clairs,  réalisables, mesurables, visibles et communs:

Avoir un cap à suivre, une ligne directrice permet aux uns et aux autres de se mobiliser dans le bon sens et dans la même direction. Des actions trop larges à mener ne permettent pas toujours de se donner des objectifs communs.

Au moment où nous avons démarré notre recherche les pilotes avaient le sentiment que le PAP n’avait pas d’objectifs de travail. On y venait surtout pour « contempler » une collection de pièces avec des défauts.

Lorsque des actions sont définies les pilotes n’ont pas toujours les moyens de les mener à bien parce qu’elles dépendent de la mobilisation d’autres acteurs. Un certain nombre de freins peuvent alors apparaître tels la décision de mener des audits de process et ne pas avoir l’accord du responsable qualité absent au moment de cette décision… tel le fait d’avoir à placer les équipes avec les CE et avoir des CE qui s’y refusent… tel avoir mis en place un prototype de casier pour trier des pièces mais ne pas avoir le service méthode qui suive pour en fabriquer un de définitif, les opérateurs délaissant alors le prototype trop dégradé…

L’absence de retour sur les actions menées n’incite pas les pilotes à poursuivre leurs efforts… Lorsque l’on n’a pas de retour sur les effets des feuilles de tri, on n’a pas envie de continuer à courir après ces dernières… Certains témoignages montrent que la traçabilité des résultats, qu’ils soient positifs ou négatifs, est nécessaire à l’engagement des personnes dans ces groupes de travail.

Si le travail réalisé ou les informations collectées lors du PAP ou entre les PAP sont perceptibles par les salariés, hiérarchiques ou non, cela permet de mieux les impliquer et cela facilite le travail des pilotes. Ils leur arrivent régulièrement d’avoir le sentiment d’être discrédités parce qu’ils annoncent des choses dans les équipes et que « cela ne suit pas ». Ce fut le cas notamment avec les audits de process et les tableaux blancs.

Interviewer : Quels étaient les objectifs du PAP d’hier ?

Emilie : … C’est une bonne question… Déjà y’avait sur…. Au niveau des rebuts, là… Donc c’était de regarder pourquoi on avait eu moins de rebuts et qu’est-ce qu’on avait fait pour que… Déjà ça… Après le reste, des déchets qu’on a regardés. Le reste ? Voilà quoi. La réunion hier, ça pas été ça ! Ca a pas apporté grand chose.

Géraldine : Comme là, le tableau que je suis en train de faire, travailler dessus à la rigueur et de voir pour que ça se reproduise pas, de voir pourquoi c’est arrivé… L’année dernière, on parlait plus que l’opérateur ait bien son matériel… On regardait les besoins de l’opérateur, les besoins des pilotes… On faisait en fonction de nos besoins. Maintenant on pense plus qu’aux pièces…

[ Témoignages circonstanciés complémentaires en annexe (T27) ]

Les situations qui n’ont pas de sens pour les personnes ne contribuent pas à leur implication… On a parfois le sentiment d’avoir trois pilotes vivant dans des mondes différents. Le travail du matin n’est pas celui de l’après-midi, ni celui de la nuit. Cette différence s’explique notamment par la nature des activités mises en œuvre ou la manière dont on endosse le rôle de pilote ou des relations que l’on entretient avec son chef d’équipe ou d’autres acteurs de l’atelier. De ce fait la mobilisation des uns et des autres n’est pas identique autour des problèmes à traiter.

Plus les participants interviennent dans les discussions et l’élaboration des décisions, plus les consensus autour des moyens à mettre en œuvre sont possibles. A condition bien entendu, que chacun s’exprime. En observateur extérieur, cela ne nous a pas semblé toujours être le cas… Ces consensus restent pourtant déterminants dans les processus de prise de conscience d’objectifs et d’intérêts communs. On sent les pilotes beaucoup plus impliqués lorsqu’ils définissent ensemble l’orientation du travail, les modes d’action et les méthodes, et participent à leur mise en œuvre.

La possibilité de pallier aux déficits communicationnels ou informationnels de l’atelier :

Le PAP fonctionne comme l’un des rares moments où l’on peut se retrouver entre pilotes et accéder à des informations qu’il est parfois difficile d’obtenir. C’est l’occasion d’échanger certains points de vue et manières de faire. C’est l’occasion de formaliser les échanges et de se poser, de faire part de ses difficultés.

« Ben ce serait bien qu’ils nous expliquent pourquoi un moule a pété et ce qu’ils ont fait. C’est le moule du dessus… Il y a un truc par exemple que je comprends pas, c’est un moule qu’ils ont renvoyé parce qu’il y avait de la bavure. Nous on est pas au courant. Le moule il revient, on le découvre qu’il n’y a plus de bavure »

« Ouais. Moi personnellement. C’est pas forcément des informations, c’est pouvoir expliquer pourquoi ça n’a pas marché, pourquoi… Expliquer qu’on a fait telle erreur et que du coup… ça a fait ça… »

[ Témoignages circonstanciés complémentaires en annexe (T28) ]

Le fait d’inviter des personnes étrangères au PAP est mobilisateur pour les pilotes qui accèdent à des informations auxquelles ils n’ont pas toujours accès facilement. Ce fut le cas lorsque Sylvain (service méthodes) était venu présenter un nouveau produit ou lorsque Hervé (technicien) était venu parler de ce qui se faisait sur le plan technique au niveau d’un certain nombre de problèmes perdurant dans l’atelier. Au-delà, cela permet des interactions nouvelles une fois de retour dans l’atelier, et un travail en commun parce que c’est l’occasion pour les invités de mieux se saisir du travail des pilotes et de leur contribution possible aux problèmes qu’ils ont à régler.

Interviewer : Est-ce que le fait de travailler sur un produit qui va arriver est intéressant ?

Laurent : Je sais de quoi je vais parler en débarquant dans l’atelier… C’est clair, ça change ! Il y a deux ou trois fois où … Les visières Jaguar par exemple, j’arrive le soir : « Laurent, il faut faire les visières ! ». Ouais… J’avais jamais vu une pièce… Ah ? Je fais comment ? Je suis passé par un âne… Je savais pas comment ça marchait. Je suis passé pour un âne !

Interviewer : Ca décridibilise ?

Laurent : Carrément ! C’est n’importe quoi ! Personne n’était au courant, même pas le chef d’équipe. On a mis deux heures à mettre en place… »

[ Témoignages circonstanciés complémentaires en annexe (T29) ]

Inviter une personne extérieure permet de prendre mutuellement conscience du travail des uns et des autres et de favoriser des interactions nouvelles de retour dans l’atelier, une nouvelle forme de collaboration, et sans doute une meilleure prévention des problèmes

Interviewer : Et dans l’échange avec Sylvain, il y a des choses qui vous ont parues intéressantes ?

Emilie : Oui… C’est sympa… C’est pratique, il est aux méthodes…

Interviewer : Que lui avez-vous apporté?

Emilie : Non… Si… On croise nos visions et on arrive à un compromis comme le positionnement du poste… Mais bon je suis sûr qu’il va rester sur ses postions… mAis ça…

[ Témoignages circonstanciés complémentaires en annexe (T30) ]