1.4.L’expérience, une histoire d’« événement social »

Nous empruntons ici le terme à Patrick Mayen qui définit l’expérience comme « Un événement social dans lequel les conditions objectives de l’environnement et les états subjectifs de la personne sont en interaction » 328 .

La lecture des textes concernant l’apprentissage expérientiel met en exergue la place essentielle accordée au groupe, au formateur ou à la notion de médiation dans les processus de construction et de transformation de l’expérience, mais l’expérience, hors du cadre de la formation, n’est que rarement décrite dans ses caractéristiques sociales. Pourtant cette dernière ne peut s’isoler du milieu dans lequel elle prend forme et vie. L’expérience du travail, l’expérience quotidienne est une expérience qui se réalise avec les autres dans le cadre d’interactions nombreuses et souvent incontournables (prise de consignes, de renseignements, diffusion ou retours d’informations, consultation d’un avis, demande de conseil, etc.) qui forment un système technique et social auquel aucun d’entre nous ne peut échapper. Chacun vit ainsi dans un monde organisé qui participe à la construction de son propre monde (au sens philosophique du terme). A propos de ce monde organisé, Gérôme Bruner use d’une belle formule: « La culture est devenue le facteur essentiel qui donne forme à l’esprit de celui qui vient en son sein. C’est elle qui constitue le monde auquel nous devons nous adapter en même temps qu’elle est la boîte à outils dont nous avons besoin pour nous adapter » 329 . Ainsi certaines interactions sont de nature à transformer les situations vécues en expérience. Certaines contiennent en elles-mêmes toutes les conditions profitables à la réalisation d’apprentissages : prise de conscience, réflexion, confrontation aux formes organisées de la connaissance, mise en relation d’éléments de connaissances, reconstitution des étapes de l’action et de la pensée, conflits socio-cognitifs, etc.

Notre recherche a pu mettre en évidence l’importance des processus de décloisonnement du travail et montrer combien les interactions avec son environnement immédiat de travail ou plus éloigné est porteur d’effets d’apprentissages.

L’expérience, si elle est tournée vers l’action, la pratique, est aussi tournée vers les autres ! Elle est émotive, cognitive mais aussi sociale.

Notes
328.

MAYEN Patrick in « Expérience et formation » in Savoirs n°1-2003, p18

329.

BRUNER Jérôme in MAYEN Patrick, ibid p24