4.2.1. La place du temps ou de l’objectivation de ce dernier

Dans chacun de ces modèles, la manière de regarder le réel n’est pas la même. Dans le premier, on attribue une place prépondérante au temps, à la durée par laquelle le sens se construit ; dans le second, une place prépondérante est accordée au temps objectivé, au temps limité. L’expérience n’y est pas vécue mais elle y est projetée, pensée. Il s’agit d’un modèle inspiré des sciences expérimentales de Claude Bernard. Et cela est cohérent avec le besoin qu’ont les entreprises de développer des compétences en juste à temps, cohérent avec leur souci de flexibilité et de réactivité. Cela l’est-il avec celui de disposer d’hommes adaptatifs plutôt qu’adaptables.

On peut dire que l’expérientiel épouse le temps même de l’expérience et c’est ce qui la rend difficilement formalisable et transmissible… Et l’expérimentation est, elle, limitée dans le temps. Elle épouse des objectifs précis d’acquisition dont les étapes sont repérées par avance.

Cela n’est pas sans conséquence d’un point de vue didactique. En effet cela veut dire que l’expérience n’est pas un arrêt sur image, qu’elle est toujours en question, qu’elle est en permanence en devenir… Et dans ce cadre, la formation tout au long de la vie et le concept d’éducation permanente prennent tout leur sens. L’expérience advient dans la structure feuilletée du voyage qu’elle permet d’entreprendre, non pas le voyage au sens de déplacement, mais voyage au sens d’aventure, d’apprentissage, d’initiation. L’expérience ne se construit alors non pas dans le problème mais dans l’épreuve pour faire référence au dernier ouvrage de Michel Fabre, « Le problème et l’épreuve » 351 .

Notes
351.

FABRE Michel in « Le problème et l’épreuve : Formation et modernité chez Jules Verne », Paris, L’Harmattan 2003