Organisation du travail

Le manque de travaux de référence, allié à la multitude de faits que nous envisageons, nous conduit à organiser un plan thématique. Cette option correspond à la volonté de limiter les répétitions inévitables engendrées par l’imbrication des éléments abordés et analysés. Par ailleurs, la mise en place d’une présentation organisée de la sorte se trouve justifiée par la permanence au cours du temps de certaines réflexions provenant de ceux qui ont en charge la défense des végétaux cultivés. De plus, notre étude possède la particularité de s’intéresser à des comportements qui sont adoptés en réaction à des événements et phénomènes d’ordre biologique et naturel et dont les bornes chronologiques ne coïncident pas entre elles. Notre travail se trouve ainsi divisé en deux parties. La première correspond aux moyens de lutte appliqués en France et la seconde est entièrement consacrée à l’étude de structures agricoles spécialisées dans la défense des cultures et souhaitant véritablement s’appuyer sur les praticiens.

La première partie comprend un chapitre introductif, parfois descriptif mais nécessaire à la compréhension de l’ensemble. Nous envisageons alors un inventaire numérique de l’évolution des déprédateurs en nous attardant quelque peu sur les naturalisations involontaires et les règlements nationaux subséquents.

Succédant à cette présentation, nous abordons véritablement les méthodes de lutte. Nous avons placé en tête la lutte chimique car les pesticides représentent les produits majoritairement utilisés au cours du vingtième siècle. Afin de prendre conscience du contexte industriel, nous avons réalisé des estimations du nombre de molécules mises sur le marché. S’agissant d’approximations qui ne se prêtent pas à appréhender le comportement des praticiens, nous avons décidé d’étudier l’usage de deux types de produits insecticides. La première catégorie correspond aux arsenicaux. Ces substances nous autorisent à cerner les motivations conduisant à une généralisation de leur utilisation tout en entrevoyant l’ambiguïté des aspects réglementaires et des pratiques de promotion de la première moitié du vingtième siècle. Les seconds produits étudiés sont des extraits végétaux, obtenus à partir des fleurs de pyrèthre. Dans l’Entre-deux-guerres, les membres du corps médical, concevant alors une alternative aux arsenicaux, du fait de l’inocuité du pyrèthre pour les mammifères, encouragent alors les usages de cette plante.

Cependant, développer deux exemples de produits de traitement précédant l’ère de la chimie de synthèse limite l’appréhension de l’évolution des comportements phytosanitaires au cours de l’ensemble du vingtième siècle. Or, il demeure fort difficile, pour des raisons multiples, liées aux sources utilisées, mais aussi aux secrets industriels légitimes, d’obtenir des données synthétiques, en particulier quantitatives, concernant les principales matières actives usitées. En revanche, après la Seconde guerre mondiale, les effets secondaires strictement inféodés à l’agriculture, que nous abordons à l’exclusion des pollutions des milieux, découlant d’une utilisation généralisée des produits de la chimie de synthèse, permettent d’appréhender de manière nationale, l’évolution des substances épandues et l’appréciation de leur efficacité par les praticiens. C’est pourquoi, nous nous attardons particulièrement sur les conséquences vis-à-vis de quelques arthropodes. La destruction des colonies d’abeilles, les pullulations de ravageurs, la résistance constituent des éléments que nous aborderons de manière détaillée. Cependant, refusant de n’évoquer que les arthropodes, nous envisageons également, l’évolution, consécutive aux épandages herbicides, de la flore adventice. Seuls les fongicides, en raison de l’absence d’apparition d’inconvénients majeurs au cours de la période considérée par notre travail sont passés sous silence.

De plus, l’agriculture n’étant pas une entité à part, nous terminons les chapitres de notre étude abordant les substances chimiques en envisageant deux réactions impulsées par une défiance vis-à-vis des épandages phytosanitaires traditionnels. La première correspond aux débats livrés par les spécialistes, à travers la presse, lors de la publication en France du livre de la biologiste américaine Rachel Carson nommé Le printemps silencieux et la seconde traduit l’opposition et l’inquiétude de certains agriculteurs, et de leurs élus, par rapport aux épandages de quelques herbicides.

Les conséquences néfastes de la lutte chimique nous permettent de traiter, logiquement, les méthodes biologiques qui constituent l’une des réponses aux impasses engendrées par les épandages de certains produits organiques. Nous envisagerons trois types de méthodes : le respect des auxiliaires, l’acclimatation et les traitements ou lâchers répétitifs.

Enfin, nous terminons la présentation des divers types de protection phytosanitaire par les premières tentatives de mise en place de lutte intégrée. Ces dernières correspondent alors, dans un premier temps, à un usage mixte des méthodes chimiques et biologiques.

Si nous abordons certains aspects de la vulgarisation des méthodes de lutte au cours de la première partie de notre travail, nous considérons dans la seconde partie deux aspects essentiels permettant d’apprécier les répercussions des tentatives de rationalisation, mises en évidence par les services de l’État, des traitements par les praticiens. Les modifications comportementales, initiées par des chercheurs de divers domaines, parfois appuyées par des textes légaux et aidées par des impératifs économiques, se traduisent sur le terrain par une vulgarisation réalisée par une multitude d’organismes. Nous avons délibérément porté notre choix sur les syndicats de lutte contre les ennemis des cultures. Bien que de telles structures locales existent au moment de l’invasion phylloxérique, nous envisagerons ces syndicats, recrutant leurs membres en principe parmi les exploitants agricoles, à partir du moment où un organe national tente, dans l’Entre-deux-guerres, non plus d’en constater la présence épisodique en cas de pullulation exceptionnelle, mais d’en assurer la présence permanente sur l’ensemble du territoire français. Pour ce faire, bien que nous citions parfois les réalisations de structures locales, communales ou cantonales, nous envisageons essentiellement l’aspect fédératif de la Ligue nationale de lutte contre les ennemis des cultures, devenue par la suite la Fédération nationale des groupements de protection des cultures. De fait, nous développerons surtout le rôle des fédérations départementales, notamment à partir de la création du S.P.V. sous l’Occupation. Le rôle des organismes liés à une structure nationale, elle-même étroitement associée au S.P.V, permet d’entrevoir l’évolution des méthodes et des moyens utilisés par les praticiens en matière de traitements phytosanitaires. Cependant, outre le fait que ces structures soient dépendantes des décisions prises par les responsables de services de l’État, dont le but est, suivant une formule consacrée, de « vulgariser les bonnes méthodes de lutte », l’analyse que nous en faisons se situe rarement à un niveau de précision inférieur au département.

Dans un second temps, nous nous attachons à définir la mise en place et la généralisation nationale des systèmes d’avertissements agricoles, dont la diffusion appartient dès 1941 aux groupements de lutte contre les ennemis des cultures.. Apparus à l’extrême fin du dix-neuvième siècle, les avertissements permettent aux exploitants d’effectuer les opérations phytosanitaires au moment opportun, en fonction des stades biologiques de l’ennemi à combattre. L’Histoire des avertissements agricoles permet de cerner à la fois l’évolution des moyens de destruction et certains aspects du comportement des agriculteurs.