A. Évolution inhérente aux sources utilisées

En dehors même de la fiabilité des sources, des erreurs lors du comptage demeurent possibles, en particulier lorsque des dénominations différentes sont utilisées pour le même déprédateur (pour certains cryptogames). Cependant, malgré les difficultés inhérentes à notre démarche, les ouvrages considérés ne traduisent pas, entre chaque édition, la même réalité. En 1943, le guide de défense comptabilise pour la première fois les ennemis certains arbres comme les noyers, noisetiers et châtaigniers. Une légère augmentation des espèces de déprédateurs semble alors inévitable. Par ailleurs, l’accroissement du nombre d’ennemis des cultures se trouve compensé par la suppression de quelques espèces. Ainsi, si 16 cryptogames supplémentaires sont décrits en 1943, 13 disparaissent de la liste par rapport à 1934. Plusieurs causes expliquent ces différences (mauvaises déterminations ou problème de synonymie, pathogénie incertaine, dégâts occasionnels ou faibles justifiant un retrait de l’inventaire).

Par ailleurs, pour certaines des catégories citées, l’augmentation des espèces relève simplement d’une précision plus grande apportée à chaque édition. Ainsi, les rongeurs ne sont pas comptabilisés en 1934 et très incomplètement en 1943. En 1967, les auteurs décrivent précisément, contrairement aux éditions antérieures, les différentes espèces. De fait, les écrits se rapportant aux rats, campagnols et mulots, auparavant englobés, permettent d’identifier huit espèces. De plus, les souris domestiques sont adjointes à la liste. La précision des déterminations des mollusques s’accroît également avec le temps. En 1934, seuls sont distinguées les limaces des escargots. Nous avons pris la liberté de les comptabiliser, ce qui permet d’obtenir une image des connaissances livrées aux agriculteurs, bien qu’il ne s’agisse pas d’éléments comparables aux chiffres concernant insectes ou champignons. Par la suite, progressivement, diverses espèces de limaces et d’escargots, très peu cependant, sont décrites.

Nous avons cité précédemment des cas où les ouvrages que nous prenons en référence apportent des précisions sur des déprédateurs, pour la plupart déjà identifiés. Pour certains groupes d’agents infectieux, en particulier d’origine virale, la soudaine croissance des effectifs résulte simplement des découvertes scientifiques. La notion de “virus” est précisée, par différents scientifiques, à propos du VMT (virus de la mosaïque du tabac) entre 1886 et 1898. En 1900, sur un total d’une vingtaine de maladies à virus, décelées et décrites45 sur diverses cultures, seule la mosaïque du tabac est alors considérée comme d’origine virale. Il devient alors extrêmement difficile d’identifier les causes virales d’une maladie avant la découverte, ou au moins la mise en évidence, du rôle du, ou des virus incriminés. Dans le cas des cultures multipliées par voie asexuée (par utilisation de tubercules, rhizomes, bulbes, boutures…), les diminutions de productions liées aux virus sont considérées comme conséquence d’un autre problème. C’est ainsi, que, jusqu’à la fin des années 192046, divers agents viraux inféodés aux pommes de terre sont regroupés, bien que leur existence soit envisagée avant la Première guerre mondiale47, sous le terme de maladies de dégénérescence. Les maladies virales, décrites antérieurement à la mise en évidence de l’agent responsable sous différentes terminologies, ne figurent donc, pour la plupart, dans les guides que postérieurement aux années 1950. Cependant, de nombreux virus apparaissent nouvellement en France grâce aux échanges commerciaux et il n’est pas toujours aisé de différencier les “espèces” autochtones des allochtones.

Enfin, une dernière catégorie de destructeurs, constituée par les oiseaux, relève d’une modification de la perception de nuisibilité parfois liée aux fluctuations quantitatives des populations. Certains de ces animaux subissent une modification de classement à partir des années 1950. Quelques espèces auparavant considérées comme indifférentes pour les végétaux entrent alors dans la catégorie des ennemis des cultures (dans les ouvrages hélvétiques que nous avons consultés)48.

Notes
45.

P. LIMASSET, « Travaux sur les maladies à virus des végétaux », dans Bulletin technique d’information, n° 41, 1949, pp. 413-417

46.

J. DUFRENOY, « Les maladies à virus », dans Comptes-rendus des travaux du congrès de la défense sanitaire des végétaux, Paris, 21-24 janvier 1934, Ligue nationale de lutte contre les ennemis des cultures, tome 1, pp. 206-210

47.

QUANGER, [Professeur à l’Université d’agriculture de Wageningen (Hollande)], « Considérations nouvelles sur les maladies des pommes de terre », dans Bulletin de la société de pathologie végétale de France, n°4, tome 7, octobre-décembre 1920, pp. 102-118

48.

Nous aborderons la perception de l’utilité des oiseaux en France dans le Chapitre 4 section I.B.