D. Evolution des matières actives

Le descriptif réalisé précédemment ne tient pas compte de l’évolution des substances mises à la disposition des agriculteurs puisqu’il s’agit d’une présentation qui semble correspondre à une stricte accumulation quantitative des pesticides. Or, certaines substances, ou même des familles chimiques entières, apparaissent puis tombent en désuétude ou sont, principalement pour des raisons toxicologiques, retirées officiellement du marché. Nous reproduisons dans le tableau suivant (n° 5) un document, émanant de l’Union des industries de la protection des plantes, résumant l’évolution de certaines matières actives et de la plupart des familles chimiques en usage dans la lutte contre les ennemis des cultures. Cependant, les données présentées correspondent aux usages agricoles principaux. Ainsi, le sulfate de fer se trouve toujours commercialisé à la fin du vingtième siècle comme substance destinée à détruire les mousses dans les gazons. Par ailleurs, seuls les grands groupes de déprédateurs sont cités. Les substances destinées à des usages plus restreints (molluscicides, muricides, nématicides…) n’apparaissent pas.

Tableau n° 5. Évolution des principales familles chimiques de matières actives utilisées
Tableau n° 5. Évolution des principales familles chimiques de matières actives utilisées D’après : Rapport annuel de l’U.I.P.P., Assemblée générale du 8 juin 1995, 22 p. .

Eu égard à la multitude de matières actives applicables en agriculture, nous n’envisagerons pas, comme nous l’avons précisé en début de chapitre, une étude approfondie de la chronologie des mises à disposition et des utilisations des pesticides. Ultérieurement, nous développerons quelques-unes des substances citées en fonction des thèmes abordés. En revanche, nous devons approfondir les informations du tableau précédent. En effet, au sein d’une même famille chimique, les matières actives ne demeurent pas toujours disponibles durant des décennies. Ce fait ne peut apparaître dans un tableau synthétique. Ainsi, en fonction des intervalles considérés dans le graphique intitulé “Évolution quantitative des pesticides entre 1961 et 2000”, nous proposons un décompte des substances chimiques, classées en fonction du groupe d’ennemis des cultures qu’ils aident à combattre (tableau n° 6).

Tableau n° 6. Matières actives supprimées (Ma Sup.), ou nouvellement apparues (Ma N.) entre 1961 et 2000.
  1961-1963 1963-1967 1967-1972 1972-1975 1975-1979 1979-1983
  Ma Sup. Ma N. Ma Sup. Ma N. Ma Sup. Ma N. Ma Sup. Ma N. Ma Sup. Ma N. Ma Sup. Ma N.
Fongicides 4 7 1 5 1 14 2 11 4 14 2 20
Herbicides 0 21 0 17 7 33 6 13 3 15 5 12
Sub. Croiss. 0 2 0 0 0 3 0 6 0 3 0 3
Insecticides 9 21 0 11 12 18 8 14 0 13 5 5
Acaricides 0 3 0 3 6 3 0 7 4 3 1 1
Rodonticides 0 3 0 2 0 2 1 1 1 2 1 2
Moy. Biol. 0 0 0 0 0 1 0 0 0 0 0 1
Divers 0 1 0 4 2 4 0 3 4 9 5 8
Total 13 58 1 42 28 78 17 55 16 59 19 52
 
  1983-1987 1987-1991 1991-1995 1995-2000 Total (1961-2000)  
  Ma Sup. Ma N. Ma Sup. Ma N. Ma Sup. Ma N. Ma Sup. Ma N. Ma Sup. Ma N.  
Fongicides 3 38 17 5 7 17 8 19 49   150  
Herbicides 2 21 19 17 5 14 12 15 59   178  
Sub. Croiss. 0 9 4 4 3 0 3 2 10   32  
Insecticides 6 13 7 10 6 18 9 7 62   130  
Acaricides 0 4 0 1 3 4 2 1 16   30  
Rodonticides 0 1 5 1 0 3 5 1 13   18  
Moy. Biol. 2 0 4 0 0 26 3 12 9   40  
Divers 3 8 17 0 2 5 4 7 37   49  
Total 16 94 73 38 26 87 46 64 255   627  

Le décompte effectué correspond à une image officielle des pesticides mis en vente ou, au contraire, retirés du marché. Or, il ne peut être exclu que les praticiens appliquent des produits plusieurs années après leur interdiction légale.

En effet, pour de nombreuses molécules, les restrictions d’utilisation apparaissent progressivement. C’est ainsi que l’usage du DDT connaît de nombreuses restrictions en 1971 avant sa suppression complète de l’arsenal phytosanitaire en 1976. De plus, bien que les spécialités commerciales soient homologuées pour une culture, rien d’interdit de penser que, même si les doses de matières actives ne correspondent pas, dans le cas où les formulations permettent un autre emploi, ces substances soient appliquées sur d’autres végétaux. Les opérations de récupérations, menées en particulier à partir de 1991 par l’association “P.I.C. agri” (Programme interprofessionnel de collecte172), permettent en effet de constater que des stocks de produits périmés ou interdits subsistent longtemps dans les fermes des agriculteurs. Ainsi, dans le Lot-et-Garonne, sur 33 tonnes de pesticides récupérés entre le 25 et le 30 janvier 1993, « certains étaient stockés depuis plus de trente ans »173. De même, dans l’Eure-et-Loir, en 1992, parmi les 89 tonnes rendues par les praticiens, de multiples matières actives inutilisées datent de plusieurs années. Parmi ces derniers se trouvent des arséniates de plomb ou d’alumine, retirés du marché en 1966, de l’HCH (interdit en 1974), d’anciens organochlorés et de nombreuses substances ayant plus de quinze ans d’âge et ne possédant plus aucune activité174. Dans le département du Rhône, nous pouvons noter la collecte, en 1994, de DDT et d’arséniate de plomb175.

Notes
171.

D’après : Rapport annuel de l’U.I.P.P., Assemblée générale du 8 juin 1995, 22 p.

172.

Association créée à la suite de nombreuses initiatives locales, PIC agri possède comme membres l’APCA, le CNJA, la CNMCCA, la FNSEA, l’INCA, PPE, l’UIPP et l’UNCAA.

173.

ANONYME, « Lot-et-Garonne : pour une campagne propre, une opération réussie du 25 au 30 janvier 1993 », dans Bulletin technique d’information, Nouvelle série, n°17-18-19, Juillet-décembre 1994, p. 152

174.

Marc FAGOT, Dominique BOUVIER, « Opération “fermes propres” de l’Eure-et-Loir : 89 tonnes collectées », dans Bulletin technique d’information, Nouvelle série, n°17-18-19, Juillet-décembre 1994, p. 153

175.

L’opération phyto-collecte, Chambre départementale d’agriculture du Rhône, décembre 1994, 23 p.