Les premiers documents législatifs, entérinant l’usage des arsenicaux, sont promulgués en 1916. Le décret du 14 septembre 1916, visant l’application de la loi du 19 juillet 1845, modifiée et complétée par la loi du 12 juillet 1916236 sur les substances vénéneuses, permet aux cultivateurs d’utiliser les arsenicaux, à l’exception des composés solubles237. Un arrêté, en date du 15 septembre 1916, fixe avec précision les conditions d’emploi des composés arsenicaux238.
Le décret du 14 septembre, classe les substances vénéneuses en trois tableaux, nommés A, B et C. Les arsenicaux agricoles appartiennent au tableau A. À chaque catégorie de produits toxiques correspond une réglementation particulière concernant le commerce, la détention, la délivrance et l’emploi des matières nocives. Pour les différents ministères compétents239, « l’une des innovations les plus intéressantes du nouveau décret est la réglementation de l’emploi des arsenicaux en agriculture, emploi qu’interdisait l’article 10 de l’ordonnance de 1846, et, qui, d’ailleurs, était fort peu connu à cette époque ». En effet, « il a paru d’un intérêt économique de premier ordre d’autoriser l’usage des arsenicaux en agriculture, sous la seule réserve de réglementer cet usage et de lui imposer toutes les garanties nécessaires à la sauvegarde de la santé publique »240. Un certain nombre de mesures nouvelles méritent que nous les décrivions succinctement tout en essayant de cerner les réactions des hygiènistes comme celles des scientifiques agricoles.
La suppression des produits solubles, considérée comme une victoire par certains médecins, ne fait pas l’unanimité du corps médical et pharmaceutique. « Sur l’insistance des principales associations agricoles, l’Académie de médecine a autorisé l’emploi des arsenicaux insolubles, mais elle a maintenu la prohibition des arsenicaux solubles pour les usages agricoles et pour la destruction des mouches »241. Désormais les agriculteurs possèdent le droit de protéger leurs cultures avec les arsénites et arséniates de chaux, de cuivre, de plomb ou de zinc. Ainsi, « le décret du 14 septembre laisse aux mains des agriculteurs les insecticides arsenicaux les plus énergiques »242. Cependant, les praticiens doivent renoncer à la fabrication in situ de certains produits de traitements. En effet, l’arséniate de plomb, réalisé par mélange de l’arséniate de soude, composé soluble, et d’acétate de plomb n’est plus réalisable à domicile. Certains scientifiques considèrent alors qu’il ne s’agit que d’un pas supplémentaire dans la rationalisation agricole : « Nous ferons remarquer qu’en Amérique, où les arsenicaux insolubles sont très à l’honneur, on utilise rarement notre procédé de fabrication sur place : on achète les produits sous forme de poudre ou de pâte que l’on délaie simplement dans l’eau »243.
« Loi concernant l’importation, le commerce, la détention et l’usage des substances vénéneuses, notamment l’opium, la morphine et la cocaïne », 12 juillet 1916, dans Journal officiel de la République française, 14 juillet 1916, p. 6254
« Décret concernant l’importation, le commerce, la détention et l’usage des substances vénéneuses, notamment l’opium, la morphine et la cocaïne », dans Journal officiel de la République française, 19 septembre 1916, [A vérifier].
« Instruction et arrêté pour la vente et l’emploi en agriculture des composés arsenicaux », dans Journal officiel de la République française, 20 septembre 1916, pp. 8305-8306
Il s’agit des ministères de la Justice, de l’Agriculture, de l’Intérieur et des Finances.
René VIVIANI, Jules MELINE, MALVY, A. RIBOT, « Rapport au Président de la République française », dans Journal officiel de la République française, 20 septembre 1916, p. 8304
L. BEILLE, « Le décret du 14 septembre 1916, sur les substances vénéneuses », dans Bulletin de la Société de pharmacie de Bordeaux, tome 55, 1917, pp. 170-201
ANONYME, « Réglementation nouvelle de la vente et de l’emploi des substances vénéneuses, notamment des composés arsenicaux », dans Bulletin de la Société d’étude et de vulgarisation de la zoologie agricole, n°11-12, 1916, pp. 122-126
ANONYME, « Réglementation nouvelle de la vente et de l’emploi des substances vénéneuses, notamment des composés arsenicaux », dans Bulletin de la Société d’étude et de vulgarisation de la zoologie agricole, n°11-12, 1916, pp. 122-126