3. Une incitation permanente

L’encouragement des agriculteurs à user de produits arsenicaux passe par une propagande générale dans l’Entre-deux-guerres, en particulier pour le traitement des arbres fruitiers et des vignes. Mais, la meilleure propagande consiste en la réussite du produit. Ainsi, en 1933, en Savoie, les traitements aux arsenicaux abaissent la proportion de fruits attaqués par le carpocapse de 50 % à moins de 10 %274. En 1936, les vergers de la Haute-Garonne, dans lesquels les traitements sont effectués sérieusement, ne sont pas attaqués par Cydia pomonella 275.

Les aides financières de l’État jouent également un grand rôle dans la généralisation des traitements arsenicaux. L’extension du doryphore profite aux fabricants d’arsenicaux. Ainsi, dans le département du Doubs, la D.S.A. participe à hauteur de 35 % à l’achat des insecticides par les syndicats de défense des cultures. Mais, malgré le regroupement des cultivateurs, permettant un meilleur contrôle de l’activité, la quantité d’arséniate fourni, soit 1 134 kilogrammes, n’est utilisée qu’au tiers en 1937276. Les raisons d’un surplus de substances arsenicales ne sont pas facilement explicables. Il peut s’agir d’un stock de sécurité, destiné aux variétés hâtives (région de Besançon), peu traitées lors des années où le climat ne joue pas un rôle favorisant, d’une présence moins importante que prévue des doryphores, d’un usage possible ultérieur pour d’autres cultures ou encore d’une réserve en cas de non reconduction des subventions. L’hésitation des cultivateurs à se servir d’une substance arsenicale ne peut être retenue comme élément explicatif d’un tel décalage entre les quantités achetées et celles utilisées. Que l’Etat encourage la protection des pommes de terre, source fondamentale de nourriture, semble logique. Mais, les aides ne concernent que les départements nouvellement envahis. Il s’agit simplement d’une incitation aux traitements. Lorsque les cultivateurs prennent l’habitude de lutter contre un nouveau ravageur, les encouragements financiers étatiques disparaissent. Le Doryphore n’est cependant pas le seul déprédateur visé par le soutien financier des structures institutionnelles. L’Office agricole départemental du Rhône, par exemple, facilite l’achat des arsenicaux destinés aux traitements de la vigne contre les pyrales, cochylis et eudémis. En 1933, la subvention accordée représente 20 % du prix d’achat de ces produits277. Or, les viticulteurs apparaissent comme les plus sensibilisés aux traitements phytosanitaires. Cependant, le but de ce type d’opération consiste, malgré la présence d’exploitations de petite taille, à généraliser l’emploi d’un produit sur de grandes surfaces, de façon à limiter au maximum les foyers de réinfestation. En effet, dès 1924, le professeur d’agriculture de l’arrondissement de Villefranche-sur-Saône, affirme que, pour contourner « l’esprit particulariste développé par le système même de culture », il convient « d’orienter la lutte du côté de l’application soignée sur de grandes surfaces, par tous »278.

Notes
274.

A.D.-Drôme, 49 W 140, A. GAY, Rapport général du service de la défense des végétaux, octobre à décembre 1933 , 18 p.

275.

A.D.-Drôme, 49 W 140, A. GAY, Rapport général du service de la défense des végétaux, troisième trimestre 1936 , 4 p.

276.

A.D.-Drôme, 49 W 140, A. GAY, Rapport général du service de la défense des végétaux, troisième trimestre 1937 , 9 p.

277.

A.D.-Rhône, 7 MP 53, Rapport sur le fonctionnement de la Direction des services agricoles du Rhône en 1932-1933, 22 juillet 1933

278.

A.D.-Rhône, 7MP 53, Rapport sur les travaux de la chaire d’agriculture de Villefranche-sur-Saône, 1923-1924, 15 juillet 1924, 7 p.