2. Aperçu de la mise en échec mondiale des premiers organo-chlorés

Le DDT, synthétisé par Zeidler (d’où l’appellation de Zeidane que l’on rencontre parfois) en 1874, n’est reconnu comme insecticide qu’en 1939 par l’entreprise suisse Geigy. Cette substance acquiert sa popularité grâce à son utilisation par l’armée américaine, et ce, aussi bien dans les campagnes militaires du Pacifique517 que pour réduire certains foyers infectieux en Europe. L’arrêt de l’épidémie de typhus à Naples en 1943 est un exemple régulièrement cité dans les articles apologiques du DDT. Du fait de son inocuité pour les animaux à sang chaud, aux doses normales d’utilisation, le DDT est rapidement mis en œuvre pour lutter contre les ennemis des cultures.

Comme nous l’avons indiqué précédemment pour les matières actives les plus anciennes, les arthropodes manifestent les premiers, en nombre notable, des cas de résistances aux insecticides de synthèse. Pour comprendre le lien entre pratiques agricoles et résistance à certains pesticides, nous ne développerons, eu égard à son importance, qu’un unique exemple : le doryphore. Cet insecte possède l’avantage d’avoir mis très rapidement en échec différents organochlorés dont, le plus connu de tous, le DDT Afin d’appréhender l’ampleur des phénomènes de résistances, le tableau ci-après (n° 13) indique les premières dates d’apparition de quelques espèces réfractaires au DDT et au DDD (matière active très proche de la précédente) ainsi que le pays victime de la première manifestation avérée du phénomène. Le doryphore (surligné en vert) apparaît comme le premier exemple mondial d’une espèce, nuisible aux cultures, résistante à certains organochlorés. Les quantités de DDT utilisées, comme la relative antériorité des épandages aux Etats-Unis, permettent d’expliquer le développement rapide de la résistance à ce type de produits dans ce pays. Le cas du DDT, substance emblématique de la lutte chimique, permet d’entrevoir la multiplication des cas de résistance et de comprendre la complexité soudaine de mener à bien la destruction des déprédateurs.

Tableau n° 13. Différentes espèces résistantes au DDT et au DDD en 1960 (d’après Jean Lhoste, 1962)
Tableau n° 13. Différentes espèces résistantes au DDT et au DDD en 1960 (d’après Jean Lhoste, 1962)

Notes
517.

Il est à noter que le DDT est également un produit capital dans d’autres conflits mais sans connaître de médiatisation. C’est ainsi que les combattants algériens de l’A.L.N. se procurent régulièrement du DDT [Voir à ce propos Commandant AZZEDINE, On nous appelait Fellaghas, Stock, 1976, 345 p. (Informations sur le DDT et son usage en p. 172)].