B. La Myxomatose : La lutte biologique controversée

Au mois de décembre 1952, Le chasseur français décrit l’ubiquité du lapin de la manière suivante : « Il n’est pas un coin de France, Nord ou Midi, Est ou Ouest, où l’on ne puisse, à l’occasion, voir surgir l’éclair immaculé de son petit derrière si prompt à gagner le fourré »803. Quelques années plus tard, plus de 90 % de la population française de lapins se trouve décimée par la myxomatose. Ainsi, la myxomatose, maladie virale de certains léporidés804, correspond à l’une des affections animales les plus célèbres de la seconde moitié du vingtième siècle.

En 1954, Paul Vayssière, Professeur au Museum, par ailleurs impliqué dans la destruction de certains nuisibles, résume, d’une part, les conséquences de cette épizootie, et d’autre part, la perception par l’opinion des ravages de la maladie : « On a parlé des conséquences plus ou moins directes (chasse et tout ce qui en découle) de cette disparition des lapins : mais il en est une, très grave, et dont on parle moins : je veux nommer les industries de la fourrure et du feutre »805. Notre travail, résolument orienté dans la direction des productions végétales, considère essentiellement les sentiments généraux des agriculteurs liés à ce type d’activité, excluant de fait l’étude de l’impact de la myxomatose sur les élevages à caractère intensif et industriel. Considérant le lapin de garenne, seul léporidé véritablement nuisible en France, nous tiendrons compte, succinctement, de l’influence cynégétique de la maladie.

À partir de 1953, de nombreux articles et ouvrages scientifiques, agricoles ou cynégétiques sont consacrés à la myxomatose. L’histoire de la myxomatose, considérée par les défenseurs des productions agricoles végétales comme un modèle de lutte biologique, est consignée en de nombreux articles de Phytoma. Ces derniers, édités sous la signature d’Henri Siriez entre juin 1956 et février 1957, donnent naissance en 1957 à la publication d’un recueil, ouvrage de propagande admirablement rédigé, intitulé La myxomatose, moyen de lutte biologique contre le lapin, rongeur nuisible 806. Bien que notre volonté ne soit pas de réécrire l’histoire de la myxomatose, nous devons cependant, étant donné son importance momentanée en protection des cultures, en décrire les grandes lignes. Les sources utilisées provenant des Archives nationales furent collectées essentiellement par Henri Siriez. Des recoupements entre les quelques pages que nous consacrons aux lapins de garenne (Oryctolagus cuniculus) et l’ouvrage de l’administrateur civil du Ministère de l’Agriculture apparaissent donc inévitables.

Dans un premier temps, avant de nous livrer à l’analyse de l’épizootie artificielle de 1952, nous devons consigner les tentatives de destructions biologiques des lapins antérieures à la Seconde guerre mondiale. Nous ne nous attarderons pas sur ces expériences essentiellement étrangères, les renvois aux notes infra-paginales permettant de se reporter à quelques articles ou ouvrages abordant spécifiquement la question.

Notes
803.

FRIMAIRE, « Le lapin », dans Le chasseur français, décembre 1952, pp. 707-708

804.

La famille des léporidés (comprenant les lapins et lièvres) appartient aujourd’hui à l’ordre des lagomorphes et non à celui des rongeurs. La différence est fondée sur la formule dentaire, en particulier sur le nombre d’incisives de la mâchoire supérieure. Cependant, d’un point de vue agricole, les lapins se trouvent assimilés aux rongeurs, ordre auquel ils ont longtemps appartenu.

805.

Paul VAYSSIÈRE, « Attention aux introductions dangereuses », dans Naturalia, n°7, avril 1954, pp. 2-5

806.

Henri SIRIEZ, La myxomatose, moyen de lutte biologique contre le lapin, rongeur nuisible, Editions SEP, Paris, 1957, 87 p.