2. Découverte de la myxomatose et contaminations officielles

La première publication, indiquant la découverte du virus de la myxomatose, date de 1898 et résulte des travaux du Professeur G.Sanarelli, directeur de l’institut d’hygiène de Montevideo (Uruguay) dont les travaux sur la fièvre jaune sont publiés régulièrement par l’Institut Pasteur. La première mention de cette maladie est réalisée lors du neuvième congrès international d’hygiène et de démographie de Madrid (10-17 avril 1898)817, suivie d’une nouvelle publication, identique à la première, dans une revue allemande en juin 1898818. En pastorien convaincu, Sanarelli tente immédiatement des vaccinations de lapins domestiques mais sans succès. Il semble cependant que la première idée d’utiliser la myxomatose comme moyen de lutte biologique, datant du milieu des années 1920, revienne à un certain Henrique de Beaurepaire Aragao, et concerne l’Australie. Ce dernier expédie les virus en 1926 au département de l’agriculture de Nouvelle-galles du Sud819. Aragao, officiant au Brésil, note cependant en 1927 que seul le lapin européen (Oryctolagus cuniculus), élevé et parfois relâché dans la nature en Amérique du sud, possède une grande sensibilité à la myxomatose820. Les Australiens repoussent pendant quelques années l’utilisation du virus. Les premières véritables expérimentations, réalisées sous l’égide du Council for Scientific and Industrial Research Organization (C.S.I.R.O.), se déroulent alors à Cambridge dès 1933 puis à nouveau en Australie. Ces essais, réalisés avant la seconde guerre mondiale, ne paraissent pas concluants.

L’Australie ne constitue cependant pas la seule nation qui tente de mettre au point un contrôle biologique grâce à la myxomatose. En Grande-Bretagne, sous la direction de Sir Charles Martin, qui dirige les essais de Cambridge, ont lieu des lâchers de lapins inoculés entre 1936 et 1938 dans l’île de Skokholm (Pembrokenshire). Les résultats demeurent insignifiants821. D’autres tentatives européennes, peu encourageantes, sont réalisées en Scanie (Suède) en 1938, et dans une île danoise en 1939. Par ailleurs des introductions ont lieu au sud du continent sud-américain (Patagonie, Terre de feu) au cours des années 1930 mais sans véritable suivi822.

Les multiples essais réalisés jusqu’en 1940 permettent aux scientifiques d’étudier les causes des échecs et des réussites localisées et éphémères. L’analyse des vecteurs de la myxomatose, appartenant essentiellement à l’entomofaune, permet, après la guerre, d’envisager des lâchers de lapins porteurs du virus dans des conditions optimales. Les essais de lutte contre les lapins par la myxomatose apparaissent comme une priorité pour les autorités australiennes dès 1950823. L’Australie conserve donc une place prépondérante dans la lutte biologique contre les léporidés nuisibles. La mise en place du Commonwealth scientific and industrial research organization (successeur du Council-SIRO) –Wildlife Survey Section(1949) permet de reprendre la lutte contre les lapins de manière rationnelle. Les premières tentatives sont effectuées dans le bassin de la Murray, secteur humide, particulièrement riche en moustiques, vecteurs de la maladie, étudiés depuis de nombreuses années. Bien que l’activité de l’épizootie apparaisse éminemment variable suivant les régions concernées824, des mortalités dépassant les 90 % des effectifs sont notées dans certains secteurs dès 1951825.

En 1952, la lutte biologique, opérée à l’aide de la myxomatose est considérée comme une réussite car, en de nombreuses régions, pourvues en vecteurs, l’efficacité semble réelle et permet aux agriculteurs australiens de ne pas utiliser des appâts empoisonnés ou des gaz, substances possédant une grande toxicité sans assurer, malgré un prix élevé, un résultat comparable à l’épidémie.

Notes
817.

Guiseppe SANARELLI, « Contributo allo studio dei virus non organizatti (il virus myxomatogeno) », dans IX Congreso internacional de hygiene y démografica, Madrid, del 10 al 17 abril 189 8, tome 1, pp. 283-289. Un résumé en français est publié par la Revue scientifique (revue rose) ,série 4, tome 9, n°20, 14 mai 1898, p. 632.

818.

Guiseppe SANARELLI, « Das myxomatogene Virus », dans Centralblatt für Bakeriologie, Parasitenkunde und Infektionskrankheiten, n°20, 1er juin 1898, pp. 865-873

819.

F.N. RATCLIFFE, K. MYERS, B.V. FENESSY, J.H. CALABY, « Myxomatosis in Australia, a step towards the biological control of the rabbit », dans Nature, volume 170, 5 juillet 1952, pp. 7-12

820.

Henrique de BEAUREPAIRE ARAGAO, « La myxomatose du lapin », traduction commentée insérée dans le Bulletin de l’Office international des épizooties, tome 41, 1954, pp. 242-243 [Original : Memorias do instituto Oswaldo Cruz, 1927, vol 20, fasc. 2].

821.

R.M. LOCKLEY, « Some expériments in rabbit control », dans Nature, volume 145, 18 mai 1940, pp. 767-769

822.

L. JOUBERT, E. LEFTHERIOTIS, J. MOUCHET, La myxomatose, tome II, collection Maladies animales à virus, L’expansion scientifique française, Paris, 1973, pp. 341-588 [Cinétique de l’épizootie, pp. 447-469].

823.

Second annual report of the Commonwealth scientific and industrial research organization, 1950, [Wild life, § 2. Rabbit investigations], p.64

824.

Fourth annual report of the Commonwealth scientific and industrial research organization, 1951-1952, [Wild life, § 2. Rabbit investigations], p.70-71

825.

Franck FENNER, F.N. RATCLIFFE, Myxomatosis, Cambridge, University press, 1965, 379 p. [En particulier Chapitre 16, Myxomatosis in Australia, 1950-1963].