4. Conséquences pour l’expérimentateur

4.1. Actions de justice

Après la parution de sa communication, le docteur Armand-Delille apparaît clairement comme l’unique responsable d’une épizootie de caractère national. À ce titre, il comparaît devant le tribunal civil de Dreux le 24 septembre 1954, trois demandeurs, deux particuliers et une association, ayant déposé une plainte. Les trois arrêts distincts sont rendus le 24 septembre. Le tribunal juge que le docteur Armand-Delille a bien commis une faute et qu’il est tenu de réparer les dommages causés. Mais, dans l’immédiat, l’un des particuliers, souhaitant voir reconnue une destruction de garennes, ne reçoit aucun dédommagement par manque de justifications du préjudice causé836, le second devant apporter, avant tout espoir d’indemnisation, des témoignages concernant ses élevages, (nombre et races d’animaux)837. Par la suite, Le docteur Armand-Delille interjette appel pour les deux jugements le reconnaissant directement lié à l’épizootie. Mais, si la 7e chambre de la cour d’appel de Paris confirme la responsabilité du docteur, l’un des plaignants, étant incapable de fournir les liens de causalité entre l’inoculation de la myxomatose à Maillebois et la mort de ses lapins domestiques à soixante-dix kilomètres de là, ne reçoit aucune compensation. Dans le second cas, concernant la destruction de garennes, la cour reconnaît indirectement le rôle de la myxomatose dans la protection des végétaux. D’une part, l’intéressé se trouve dans l’incapacité d’indiquer l’effectif des lapins présents sur les 60 hectares de terre lui appartenant, d’autre part, son domaine n’étant pas clos, le droit de chasse ne lui est pas exclusivement attribué. Par ailleurs, la cour considère que le préjudice subi, lié à une activité cynégétique, se trouve « très largement atténué par les avantages qui ont été la conséquence de la disparition de ces animaux reconnus « malfaisants” ou “nuisibles” en Eure-et-Loir, par l’arrêté précité du Ministre de l’Agriculture du 27 août 1951 ». Armand-Delille se trouve condamné au versement d’une somme de 5 000 francs au lieu du million demandé. Aucun autre procès ne sera par la suite intenté.

Quant à l’association, créée pour l’occasion, elle se nomme “Association de défense contre toutes les épizooties atteignant les animaux domestiques et sauvages et notamment la myxomatose”. Elle réclame le Franc symbolique à titre de dommages et intérêts. La composition des animateurs de cette organisation traduit clairement l’inquiétude des chasseurs et de certains industriels, témoins et victimes de la disparition des Oryctolagus. Le Président de cette nouvelle structure est le Président de la fédération de la fourrure. Parmi les Vice-présidents, nous pouvons noter la présence du P.D.G. de la cartoucherie Gévelot, le Président de la fédération départementale des chasseurs de Maine-et-Loire (également Président du comité national des chasseurs créé le 11 juin 1952), le Président du Saint-Hubert-Club de France. Le Secrétaire général est le conseiller technique de la revue Plaisir de la chasse (chargé à cette époque de la chronique radiophonique sur la chasse du Poste Parisien). Enfin, le secrétaire général adjoint est le Président de l’amicale des gardes-chasses838. Plusieurs obstacles juridiques ne permettent pas à l’association d’obtenir gain de cause. En premier lieu, le tribunal ne peut statuer sur des faits antérieurs à la création d’un organisme mis en place pour un procès particulier. Le seconde opposition soulevée par le tribunal correspond au fait que l’organisation en question n’agit pas pour un intérêt collectif mais pour la somme des intérêts individuels de ses membres. Enfin, la réparation souhaitée ne relève pas d’un tribunal de première instance mais du Juge de paix. Le tribunal de Dreux se déclare alors incompétent839.

Notes
836.

« Tribunal civil de Dreux, 24 septembre 1954 (Loriot contre Armand-Delille) », dans Gazette du Palais, 28 décembre 1954, pp. 424-425

837.

« Tribunal civil de Dreux, 24 septembre 1954, (Veuve Girard contre Armand-Delille) », dans Gazette du Palais, 22 octobre 1954, pp. 275-277

838.

Henri SIRIEZ, La myxomatose, moyen de lutte biologique contre le lapin, rongeur nuisible, Editions SEP, Paris, 1957, 87 p.

839.

« Tribunal civil de Dreux, 24 septembre 1954, (Association de défense contre les épizooties contre Armand-Delille) », dans Gazette du Palais, 22 octobre 1954, pp. 277-278