5. Progression de l’épizootie et complicités agricoles

5.1. Une destruction temporaire

Une enquête, réalisée en 1955, diligentée par le Conseil supérieur de la chasse conjointement avec l’I.N.R.A, auprès des chasseurs permet de cerner, pour chaque région de France, les conditions d’apparition de la maladie, l’extension de cette dernière ainsi que ses répercussions sur les populations de lapins de garennes. Il ressort de cette enquête que la progression de la myxomatose s’opère en “tâche d’huile” si l’on considère l’échelon départemental et en “saut de puce” lorsque l’on réalise une observation plus détaillée. Jusqu’en 1956, quatre phases d’extension se succèdent. Dans un premier temps, de juin 1952 au mois de mars suivant, le virus frappe une douzaine de départements. La seconde étape correspond au second trimestre 1953 et traduit une situation sanitaire inquiétante pour une superficie représentant un quart de la France. Le 30 septembre 1953, 4 592 communes réparties en 47 départements se trouvent confrontées au problème de la myxomatose pour les lapins de garennes et 4 000 communes dépendantes de 63 préfectures pleurent la disparition des clapiers de lapins domestiques846.

Au cours des deux premières périodes, de nombreux foyers secondaires, isolés les uns des autres apparaissent (Nord, Gironde, Languedoc, Basse vallée du Rhône). Le troisième stade d’extension (troisième trimestre 1953) traduit la jonction des divers foyers secondaires et l’apparition d’un ultime lieu excentré (Alsace). Par la suite, la maladie apparaît lentement dans les quelques départements demeurés indemnes jusqu’à l’automne 1953. Mais, la diffusion du myxome de Sanarelli n’est pas identique pour l’ensemble des populations de lapins français. Divers facteurs agissent comme des freins comme, par exemple, la faible densité des populations initiales, l’altitude ou l’absence de terriers (pour des raisons pédologiques). Au sein d’un même département, les éléments favorisant l’extension de la maladie et ceux en diminuant l’intensité peuvent coexister. En fait de grandes variations apparaissent d’une commune à l’autre847.

Dans les colonies exposées au virus myxomateux, la mortalité dépasse souvent les 95 %. Cependant, rapidement, des souches virales atténuées se manifestent et permettent une lente mais certaine remontée des effectifs. Dès la saison de chasse 1955-1956, les populations de lapins augmentent très légèrement en Sologne, mais n’atteignent que 5 % des contingents antérieurs à l’apparition de l’épizootie. En Eure-et-Loir ou dans l’Yonne, ce chiffre correspond à 25 %848. La maladie persiste cependant à l’état enzootique et se traduit parfois par une recrudescence des animaux mortellement atteints. En revanche, les lièvres, que l’on peut considérer comme non-réceptif à la myxomatose (quelques très rares cas signalés dont le premier en 1953849), supplantent très rapidement les lapins mais ne commettent que quelques rares dégâts, en particulier dans l’ouest de la France (Maine-et-Loire, Indre-et-Loire ou Loire-Atlantique)850.

À la fin des années 1960, les dégâts, consécutifs à l’activité des Oryctolagus, réapparaissent dans certains départements. Parmi les secteurs particulièrement éprouvés, nous pouvons citer : la Drôme (au nord de la rivière Isère), la Loire (environs de la ville de Feurs)851, l’Hérault (Minervois et environs de Béziers), l’Aude (où le lapin est classé gravement nuisible dans 200 communes : Corbières, Minervois, Montagne Noire)852.

Notes
846.

G. RAMON, « L’épizootie de myxomatose et ses enseignements. Étude épidémiologique, virologique et immunologique », dans Bulletin de l’Académie nationale de médecine, séance du 16 février 1954, série 3, tome 138, 1954, pp. 92-97

847.

J.GIBAN, J. BARTHELEMY, J. AUBRY, « L’épizootie de myxomatose en France chez le lapin de garenne », dans La terre et la vie, numéro spécial, n°3-4, juillet-décembre 1956, pp. 167-178.

848.

J. GIBAN, « Répercussion de la myxomatose sur les populations de lapin de garenne en France », dans La terre et la vie, numéro spécial, n°3-4, juillet-décembre 1956, pp. 179-188. [Les chiffres correspondent au comptage des animaux abattus dans certaines chasses et ne constituent qu’une indication].

849.

P.MAGALLON, O. et J. BAZIN, « Myxomatose du lièvre », dans Bulletin de l’Académie vétérinaire de France, tome 26, 1953, pp. 457-463

850.

A.N.-F., 16 SPV 16, Lettre de l’Inspecteur du S.P.V. d’Angers destinée à Henri Siriez, en date du 2 mai 1960

851.

A.N.-F., 16 SPV 16, Lettre de l’Inspecteur du S.P.V. de Lyon destinée à Henri Siriez, en date du 13 avril 1970

852.

A.N.-F., 16 SPV 16, Lettre de l’Inspecteur du S.P.V. de Montpellier, destinée à Henri Siriez, en date du 25 avril 1969