3.Les traitements chimiques en vergers

3.1. Produits en usage

Les traitements résultent, comme les fumigations ou les arrachages, d’une obligation légale. Les arboriculteurs emploient des produits d’épandages dont le nombre de matières actives disponibles s’accroît avec le temps.

Dans la région lyonnaise, de 1941 à 1945, les traitements hivernaux, réalisés avant le débourrement et effectués à l’aide d’huiles minérales, sont opérés régulièrement en périphérie du foyer principal (environ immédiat de Lyon) et dans les secteurs restreints excentrés. Il s’agit alors d’empêcher la progression de la cochenille tout en économisant les matières actives. Dès lors, les vergers ayant échappé au ravageur mais se trouvant à l’intérieur de la zone contaminée ne sont que peu épargnés par le fléau. Durant l’hiver 1945-1946, les produits étant à nouveau disponibles en plus grandes quantités, entre 60 et 70 % des vergers situés en zones contaminées ou dites de protection sont traités par les praticiens. Ce résultat traduit l’efficacité, d’une part, de l’obligation légale de destruction édictée à l’encontre du déprédateur, et, d’autre part, d’une campagne de propagande (tracts affiches, émissions radiodiffusées) du S.P.V. Les vergers non soumis à des épandages, parfois réalisés avec retard par les exploitants, sont, alors, conformément à la loi, traités par les services de l’État ou les syndicats de défense.

Sont surtout en usage « des huiles de paraffine, préalablement émulsionnées et connues sous le nom “d’huiles blanches” en pulvérisation d’hiver à 3 % et d’été à 1 %. Lorsqu’elles sont bien conduites, avec des pulvérisateurs à haute pression et à grand débit, ces opérations donnent une mortalité de 99 %»1091. Durant l’hiver 1945-1946, la campagne d’éradication correspond à l’utilisation de 30 tonnes d’huiles blanches et 40 tonnes d’huiles d’anthracène1092. Les huiles anthracèniques (produit de distillation des goudrons de houille) permettent de nettoyer les arbres (anti-lichen par exemple). À ce titre, détruisant les abris hivernaux des cochenilles, elles participent à leur élimination. Ainsi, dans l’immédiat après-guerre les produits demeurent identiques à ceux en usage durant l’Occupation.

Cependant, des combinaisons insecticides apparaissent rapidement grâce à l’apparition des premières molécules de synthèse. Le laboratoire de Saint-Genis-Laval s’emploie, entre 1949 et 1951, à préciser l’efficacité que l’on peut attendre des traitements polyvalents grâce à des études concernant en particulier l’impact sur certains pucerons (animaux proches des cochenilles) et les meilleures dates d’épandage à préconiser. Pour les chercheurs, il s’agit de « pouvoir faire des traitements polyvalents permettant aux praticiens une appréciable économie de temps et de moyens »1093. La mise en place d’épandage de ce type de produits constitue « une réponse au vœu le plus couramment exprimé par les arboriculteurs »1094.

Progressivement, les huiles blanches sont supplantées par les “huiles jaunes” (émulsion comprenant jusqu’à 75 % d’huile de pétrole et généralement 2,5 % de DNOC1095), alliant l’action coccicide des huiles minérales à une action toxique généralisée d’un produit insecticide et ovicide. Ces dernières sont expérimentées dès 1947 comme des insecticides polyvalents, c’est-à-dire aptes à éliminer plusieurs espèces de déprédateurs en un seul passage, et donnent immédiatement des résultats satisfaisants1096. Une autre combinaison, résultat d’essais du laboratoire de Saint-Genis-Laval et du S.P.V. en 19481097 et employée au début des années 1950, correspond à un mélange d’huile blanche et de DDT, utilisé lors d’épandages post-hivernaux ou estivaux. Ce mélange, capable de détruire les cochenilles à des stades de développement avancés, « permet de ne recourir qu’à une application plus tardive, et ainsi de restreindre éventuellement le nombre des interventions, alors que le traitement à l’huile seule, pour avoir le maximum d’efficacité, requiert d’être appliqué dans les quelques jours de la sortie des premières néonates, avec comme corollaire, la nécessité de deux interventions ou davantage pour couvrir la totalité de la période de sortie de jeunes larves »1098.

Par la suite les huiles jaunes, pour les applications hivernales, mais également les mélanges de zeidane et d’huiles blanches, en épandages estivaux, à leur tour, sont remplacés par des mélanges huileux contenant un organophosphoré, le plus souvent du parathion. Les oléoparathions possèdent l’avantage de n’entraîner aucune phytotoxicité, en particulier sur les pêchers1099, de présenter une efficacité relativement stable par rapport aux conditions climatiques et aux stades biologiques des insectes et d’avoir une persistance d’action non négligeable. Nationalement, ces produits demeurent pendant de nombreuses années les plus employés par les arboriculteurs1100.

Quelles que soient les substances en usage, la protection repose sur les épandages hivernaux complétés par des traitements d’été. Après la Seconde guerre mondiale, la plupart des pays européens fondent la lutte contre le Pou de San José sur ce type d’application1101.

Notes
1091.

Raymond POUTIERS, « Note sur le Pou de San José », dans L’entomologiste, tome 2, n°2, mars-avril 1946, pp. 41-45

1092.

René GALLAY, Paul BOVEY, « Le Pou de San José dans la région lyonnaise », dans Revue romande d’agriculture, de viticulture et d’arboriculture, Numéro spécial [consacré au Pou de San josé], juin 1946, pp. 45-47

1093.

R. VASSEUR, D. SCHVESTER, H. BIANCHI, « Sur l’effet aphicide de certains traitements contre le Pou de San José », dans Annales de l’I.N.R.A./Annales des épiphyties, n°3, 1952, pp. 339-350

1094.

P. DUMAS, R. VASSEUR, « Les traitements coccicides des arbres fruitiers », dans Bulletin technique d’information, n° 49, 1950, pp. 235-245

1095.

Abréviation de Dinitro-orthocrésol

1096.

P. DUMAS, R. VASSEUR, « Les traitements coccicides des arbres fruitiers », dans Bulletin technique d’information, n° 49, 1950, pp. 235-245

1097.

R. VASSEUR, H. BIANCHI, « Quelques données nouvelles sur la lutte chimique contre le Pou de San José » dans Compte-rendu des séances de l’Académie d’agriculture, séance du 6 avril 1949, tome 30, 1949, pp. 280-282

1098.

R.VASSEUR, D. SCHVESTER, H. BIANCHI, « Observations sur les traitements en cours de végétation contre le pou de San José », dans Annales de l’I.N.R.A./Annales des épiphyties, n°1, 1957, pp. 101-110

1099.

Henri-Georges MILAIRE, « La lutte contre les cochenilles des arbres fruitiers », dans Journées françaises d’études et d’information consacrées aux insecticides agricoles, 24-26 novembre 1960, Paris, F.N.G.P.C., pp. 225-232

1100.

O.E.P.P., Quadraspidiotus perniciosus, Pou de San José, Europe et bassin de la Méditerranée, 1965, Publications O.E.P.P., série B, n° 61, novembre 1966, 6 p. (en langue française).

1101.

[A. PITHIOUD], Rapport du groupe de travail pour l’étude du Pou de San josé, Lyon 29-30 mars 1955, Publications OEPP, Série A. n°15, 1955.