B. De la lutte biologique aux premiers essais de lutte intégrée

1. Lutte biologique et insecticides

Les prédateurs1111 et parasites1112 indigènes du Pou de San José, étudiés dans un premier temps, en particulier dans la région lyonnaise, s’avèrent incapables, malgré une action certaine, d’enrayer la pullulation du déprédateur. La mise en place du principe de lutte biologique contre Quadraspidiotus perniciosus par un hyménoptère parasite spécifique (Prospaltella perniciosi ) apparaît grâce aux travaux de l’I.N.R.A., réalisés dès le début des années 1950 à la station de Saint-Genis-Laval (Rhône) alors appelée “station du Pou de San José” . Cette dernière, afin de favoriser des pratiques économiques de traitements, passe progressivement des expérimentations d’épandages polyvalents, relativement efficaces1113, à des essais de lutte biologique à l’aide de diverses souches, en provenance d’Amérique du Nord, de Prospaltella perniciosi, étudié en laboratoire dès 19531114. Les élevages permettent une première acclimatation expérimentale réussie, sous abri mais dans des conditions de températures normales, sur des pommiers porte-greffe et des groseilliers en pots contaminés en 19571115. Cependant, dès 1954, le laboratoire de Saint-Genis-Laval étudie l’incidence des traitements chimiques sur l’auxiliaire1116. Ce dernier apparaît nettement plus sensible que son hôte aux huiles jaunes utilisées essentiellement avant le débourrement.

Mais la France ne constitue pas une entité isolée et la démarche visant à l’utilisation de Prospaltella relève d’une concertation européenne. La méthode biologique, développée dès 1956, grâce au concours du comité d’étude sur la lutte contre le Pou de San-josé, agissant au sein de la Commission internationale de lutte biologique (C.I.L.B.)1117 et destinée à préciser les modalités d’applications pratiques, doit permettre « de lever l’hypothèque de l’inspection phytosanitaire aux frontières, qui entrave le commerce des fruits dans les différents pays et en empêche la libre circulation à travers l’Europe »1118. Si tous les fonctionnaires du Ministère de l’agriculture en charge de la protection des végétaux ne semblent pas convaincus, au cours de la décennie 1950-1960, de l’intérêt pratique de la lutte biologique1119, certains cadres se lancent dans les méthodes de luttes alternatives et dans le projet de dissémination de Prospaltella perniciosi.

Notes
1111.

D. SCHVESTER, « Sur les prédateurs du Pou de San José dans la région lyonnaise », dans Bulletin de la Société linnéenne de Lyon, tome 22, 1953, pp. 7-8 [Cet article considère essentiellement les coccinelles].

1112.

•J. D’AGUILAR, P. ALLEGRET, R. VASSEUR, « Premières observations sur les parasites du Pou de San José dans le lyonnais », dans Annales des épiphyties, tome XIV, nouvelle série, 1948, pp. 59-64 [à lire].

•R. VASSEUR, C. BENASSY, « Sur la faune parasitaire du Pou de San José dans la région lyonnaise et ses relations avec les conditions climatiques », dans Annales de l’I.N.R.A., série C, tome 4, p. 293-290 (trouver)

1113.

A.D.R. 204 W 578, Daniel SCHVESTER, Note sur l’activité du laboratoire de zoologie agricole de SaintGenis Laval en 1952, 2 septembre 1953 [A destination du Conseil général du Rhône].

1114.

A.D.R 204 W 578, Daniel SCHVESTER, Note sur l’activité du laboratoire de zoologie agricole de Saint-Genis Laval en 1953, 20 août 1954 [A destination du Conseil général du Rhône].

1115.

Archives du S.R.P.V. Rhône-Alpes, Rapport de 11 pages fournit en janvier 1963 par H. Bianchi (I.N.R.A. d’Antibes) à l’Inspecteur du SPV de Lyon et intitulé Lutte biologique contre le Pou de San José en France à l’aide d’un parasite spécifique importé : Prospaltella perniciosi Tow.(Hyménoptère Chalcidien).

1116.

A.D.R 204 W 578, Daniel SCHVESTER, Note sur l’activité du laboratoire de zoologie agricole de SaintGenis Laval en 1954, [compléter], [A destination du Conseil général du Rhône].

1117.

Le comité d’étude sur le Pou de San-José comprend, en 1956, des chercheurs français, suisses et allemands (R.F.A.) auxquels s’adjoindront des belges et des yougoslaves (1957), des italiens (1958), des espagnols et des portugais (1960) et des autrichiens (1963).

1118.

Pierre GRISON, « La lutte biologique contre les ravageurs des cultures », dans Phytoma, mai 1957, pp. 16-20

1119.

Pierre GRISON, Chronique historique de la zoologie agricole française, INRA, 1992, 366 p. Ce dernier cite Henri Siriez : « Malgré l’estime qu’on pouvait porter à Siriez, administrateur du S.P.V., on eût souhaité qu’il ne s’associât pas avec tant de vigueur et talent littéraire à ceux qui selon Vayssière, “ ont pu déclarer que l’avenir est aux insecticides de synthèse et qu’il n’y plus rien de nouveau à espérer de la lutte biologique” » [p. 194]. [Eu égard à la totalité de ses écrits, il apparaît que Siriez privilégie les méthodes de destruction rapide en défendant très souvent les épandages chimiques. Cependant, son point de vue sur la Myxomatose constitue un contre exemple].