3. L’Opération démonstrative de 1967

3. 1. Mise en place du programme

Les travaux réalisés depuis 1958, en particulier au sein de la circonscription S.P.V. “Rhône-Alpes”, permettent aux responsables des programmes précédents, d’envisager, dès 1966, la mise en place d’une action de plus grande envergure. Cette dernière doit, à l’échelle d’une commune rurale, prouver l’efficience d’un procédé biologique, utilisé conjointement avec l’emploi de matières actives d’origine chimique (insecticides mais également fongicides dont l’action n’est pas toujours neutre sur l’entomofaune). L’opération, débutée en 1967, bien que l’installation de l’auxiliaire ait lieu sur de petites surfaces, ne constitue plus un lâcher expérimental mais une œuvre d’acclimatation et de vulgarisation. « Cette action revêt un caractère démonstratif et constitue la dernière étape précédant la diffusion généralisée de l’auxiliaire dans ce pays »1133.

Les besoins financiers de cette nouvelle opération sont couverts par la Délégation générale de la recherche scientifique et technique (D.G.R.S.T.)1134, placée sous l’autorité du Premier ministre. À l’issue de la première année, seul un tiers des actions envisagées initialement apparaissent comme réalisées1135. Ce phénomène résulte non d’une volonté restrictive des responsables de l’opération mais d’une impossibilité technique de produire en grande quantité des auxiliaires. Pour mener à bien le programme de lutte biologique prévue, la D.G.R.S.T. accorde une aide financière complémentaire pour 1968. Pendant toute la période d’acclimatation des auxiliaires, l’I.N.R.A. produit les parasites (station de lutte biologique d’Antibes), alors que le S.P.V. est chargé, en diverses circonscriptions, mais essentiellement dans le secteur relevant de Lyon, de surveiller les vergers avant et après les lâchers. Les Prospaltella sont élevés sur leurs hôtes, eux-mêmes produits sur des cultures relais (pastèques). Les fruits infestés, ainsi voués à répandre les auxiliaires, par les cochenilles parasitées sont ensuite déposés dans les vergers choisis. Du 17 avril au 31 juillet 1967, 500 pastèques originaires des Alpes-maritimes remontent la vallée du Rhône en huit voyages réalisés dans un véhicule du S.P.V. de Lyon. En 1968, du 22 avril au 29 juillet, 930 pastèques sont déposées dans différents vergers du Rhône et de l’Ain1136.

Les chercheurs doivent, dans un premier temps, s’assurer de la collaboration de quelques producteurs. La découverte des arboriculteurs consentant à tenter une opération de lutte biologique relève de la compétence d’un ingénieur d’agronomie du S.P.V. de Lyon, secondé par un agent technique et deux agents contractuels. Ainsi, en sus des critères de choix écologiques, il convient de tenir compte de ce que Henri Georges Milaire nomme les « considérations psychologiques »1137. Or, aucun rapport d’activité n’indique une quelconque difficulté pour le S.P.V. à obtenir la collaboration des agriculteurs : « Lors des prospections préalables destinées à rechercher les lieux les plus favorables aux lâchers, des démarches individuelles avaient été engagées auprès des exploitants agricoles qui, dans l’ensemble, accueillirent favorablement l’utilisation de cette méthode de lutte dont les modalités d’application pouvaient paraître surprenantes »1138. Or, d’après la liste des vergers concernés par l’opération démonstrative, inventaire que nous reproduisons ci-après, il apparaît que, malgré l’accord des cultivateurs pour participer à l’action, certains s’opposent très rapidement à la lutte biologique. Il est fort probable que le manque de rapidité des auxiliaires à limiter les populations de cochenilles joue à nouveau un rôle dans l’appréciation de ce procédé de lutte. Cependant, dans un rapport daté d’octobre 1967, Milaire constate, phénomène qui influe dans la décision de poursuivre les actions entreprises, « un climat psychologique favorable qui s’est développé dans les milieux ruraux du fait de la mise en œuvre de ce programme »1139.

Notes
1133.

G. MATHYS [Rapporteur], « Le groupe de travail “Pou de San José”, pp. 23-24, dans Compte-rendu de la Quatrième Assemblée générale de l’O.I.L.B./U.I.S.B., Paris, 26-29 mars 1968, 37 pp.

1134.

Le comité scientifique “lutte biologique” comprend de nombreuses personnalités impliquées dans les actions de développement de ce procédé de lutte. En 1968, au sein du “groupe de travail lutte intégrée” du comité, présidé par Grison, se trouve des chercheurs de l’I.N.R.A. (Bennassy, Biliotti), des membres du S.P.V. (Milaire, Bouyx), de la F.N.G.P.C. (Pelissier). À leur côté, nous pouvons aussi noter la présence de personnalités moins liées aux procédés biologiques de lutte (Le Nail ou G. Viel).

1135.

Archives du S.R.P.V. Rhône-Alpes, H.G. MILAIRE, Rapport scientifique, 7 p. 28 décembre 1967

1136.

Archives du S.R.P.V. Rhône-Alpes, H.G. MILAIRE, Rapport scientifique, 3 p. 10 décembre 1968

1137.

Archives du S.R.P.V. Rhône-Alpes, Henri-Georges MILAIRE, Rapport sur l’état d’avancement des travaux concernant l’utilisation de Prospaltella perniciosi et proposition d’orientation pour 1968, 3 p.

1138.

Henri-Georges MILAIRE, « L’utilisation pratique de Prospaltella perniciosi Tow. dans la lutte contre le Pou de San José dans les vergers français », dans Publication de l’O.E.P.P./E.P.P.O., Série A., n°48, 1969, pp. 77-85

1139.

Archives du S.R.P.V. Rhône-Alpes, Henri-Georges MILAIRE, Rapport sur l’état d’avancement des travaux concernant l’utilisation de Prospaltella perniciosi et proposition d’orientation pour 1968, 3 p.