A. Mise en place et objectif

Les opérations de lutte contre le Pou de San José visent la protection d’un auxiliaire, spécifique d’un ravageur, par le choix judicieux de produits utilisables contre l’ensemble du cortège des autres déprédateurs. Les réalisations successives des programmes correspondent à l’élaboration de méthodes de lutte intégrée relativement limitée. Parallèlement aux lâchers de Prospaltella, un groupe de travail, initié par le comité “lutte biologique” de la D.G.R.S.T. se met en place dès le printemps 1967. Sous la direction de Claude Benassy, une première réunion a lieu à la station I.N.R.A. de La Minière le 7 mars 1967. Les quelques chercheurs réunis à cette date définissent l’ossature d’un projet de lutte intégrée dans la vallée du Rhône1161. Le Ministère de l’Agriculture, sur les recommandations du comité spécialisé de la D.G.R.S.T., décide d’appuyer financièrement, par l’intermédiaire de la “Direction de la production, des marchés et des échanges extérieurs”, cette action d’envergure. L’objectif de cette entreprise réside dans la suppression du décalage existant entre les résultats scientifiques et la mise en application de nouvelles méthodes de lutte1162.

Pour atteindre ce but, l’I.N.R.A. consacre deux vergers expérimentaux aux recherches fondées sur des études biocœnotiques. L’un se trouve situé à La Minière, et fonctionne déjà dans cette optique depuis 1964, et l’autre au domaine de Gotheron près de Valence1163. Pour l’I.N.R.A. et le S.P.V., qui définissent ensemble les objectifs, il convient simplement de « mieux préciser les conditions d’application des procédés de “lutte intégrée” en vergers »1164. L’application des découvertes traduit la volonté d’aménager les traitements chimiques destinés à limiter les principaux ravageurs des vergers du Sud-est. Le tableau suivant précise les principales espèces soumises aux premières applications des études scientifiques de mise en place de lutte intégrée :

Tableau n° 26. Principales espèces d’arthropodes dont les recherches les concernant tendent à l’aménagement de la lutte chimique entre 1967 et 1973.
Pommiers Pêchers Poiriers
Panonychus ulmi (acarien rouge) Myzus persicae (puceron vert) Psylla pyri (psylle )
Cydia pomonella (Carpocapse) Cydia molesta (tordeuse orientale) Cydia pomonella
Dysaphis plantaginea (Puceron cendré) Hyalopterus pruni (puceron farineux)  

Outre les connaissances fondamentales, liées aux aspects écologiques, ces deux organismes doivent également envisager les conséquences techniques et économiques découlant des facteurs biocœnotiques mis en évidence. L’usage des pesticides spécifiques, dont les modalités d’emploi sont à préciser, constitue un élément non négligeable des travaux que l’I.N.R.A. entreprend dans les parcelles expérimentales. Les études déjà entreprises à La Minière concernant l’emploi des diverses souches de Bacillus thuringiensis représentent l’un des éléments intéressant la lutte intégrée. L’ensemble des applications pratiques des nouvelles méthodes mises au point par les services officiels repose sur l’embauche de deux techniciens rattachés au domaine de Gotheron. Ces derniers « constituent le premier échelon de transition entre les actions dites de “développement” et celles qui concernent plus particulièrement l’application et la vulgarisation »1165. En avril et mai 1967, les techniciens effectuent trois stages de formation dans les stations de l’I.N.R.A. (La Minière et Antibes).

La coordination des actions et la direction administrative relèvent d’un troisième service officiel, “la division productions fruitières” du centre d’Aix-en-Provence du C.E.R.A.F.E.R. (Centre d’études techniques et de recherches technologiques pour l’agriculture, les forêts et l’équipement rural)1166.

L’ensemble des interventions s’appuie sur diverses structures agricoles chargées, avec les organismes d’État, de « faire progresser les connaissances techniques des conseillers agricoles et des producteurs de fruits de manière à les prédisposer à la mise en œuvre de nouveaux procédés de lutte »1167. Le rôle particulier de la Société des agriculteurs de la Drôme mérite d’être souligné. Cette association fait non seulement office de support comptable de l’opération, mais correspond également à un élément incontournable de propagande de la lutte intégrée. Lors de l’assemblée générale de la Société du 5 mai 1967, deux responsables des actions prévues traitent du programme en cours. Pour Henri-Georges Milaire, qui expose la nature des études entreprises et les modalités d’applications en découlant, « cette réunion s’est déroulée dans un climat psychologique favorable aux thèses développées »1168. La contribution nécessaire des producteurs, réprouvant l’escalade des pesticides mais incités au changement par leurs conseillers agricoles, s’inscrit dans la ligne du décret du 4 octobre 1966 relatif au développement agricole1169.

Notes
1161.

Archives du S.R.P.V. Rhône-Alpes, Note concernant le thème “Verger”, [Rédigée par H.G. Milaire sous l’en-tête D.G.R.S.T. le 23 juin 1967, 3 p.].

1162.

E. CHOPPIN de JANVRY, Henri-Georges MILAIRE, « Actions lutte intégrée entreprises en France », dans La défense des végétaux, n° 165, janvier-février 1974, pp. 15-28

1163.

Le Domaine de Gotheron est situé sur les communes de Bourg-les-Valence et de Saint-Marcel les-Valence. Exploitation de 88 hectares, propriété de la Société des agriculteurs de la Drôme, le Domaine est pris en charge par l’I.N.R.A. en 1962. En 1966, grâce au concours de la D.G.R.S.T., le S.E.I. y implante un verger expérimental comprenant 3 hectares de pêchers et 4 de pommiers. Ces plantations complètent celles de La Minière (Versailles) comptant 2 hectares de pommiers installés en 1963.

1164.

J.P. GENDRIER, J.-N. REBOULET, Lutte intégrée en verger, observations sur les modalités d’application de ce procédé de protection phytosanitaire, Société des agriculteurs de la Drôme/ C.E.R.A.F.E.R., 1968, 47 p. [La citation est extraite de la préface de J. DESCOMPS (Ingénieur du génie rural des eaux et forêts) et H.G. MILAIRE]

1165.

Comité scientifique “Lutte biologique” de la D.G.R.S.T., « Note sur les tendances de la lutte intégrée en vergers », dans La défense des végétaux, n° 134, Janvier-février 1969, pp. 17-18

1166.

Le C.E.R.A.F.E.R. se nomme par la suite successivement C.T.G.R.E.F. (Centre technique du génie rural des eaux et forêts) puis C.E.M.A.G.R.E.F. (Centre national du machinisme agricole, du génie rural des eaux et forêts).

1167.

Jean-Paul GENDRIER, Henri-Georges MILAIRE, Jean-Noël REBOULET, J. THIAULT, Bilan de sept années de lutte intégrée en vergers dans le sud-est de la France, Ministère de l’Agriculture (Direction de la production des marchés et des échanges extérieurs)/Société des agriculteurs de la Drôme/ C.T.G.R.E.F. (Groupement d’Aix-en-Provence)/I.N.R.A. -Département de zoologie, (1973),112 p.

1168.

Archives du S.R.P.V. Rhône-Alpes, Note concernant le thème “Verger”, [Rédigée par H.G. Milaire sous l’en-tête D.G.R.S.T. le 23 juin 1967, 3 p.].

1169.

« Décret n°66-744 du 4 octobre 1966 relatif au financement et à la mise en œuvre des programmes de développement agricole », dans Journal officiel de la République française, 6 octobre 1966, pp. 8774-8776