A. Les adhésions individuelles

Créée par des personnes physiques, l’association se structure essentiellement, de 1931 à 1957, grâce à des adhésions individuelles. Nous ne possédons aucune donnée indiquant les qualités des affiliés. Mais, nous pouvons penser que la majorité de ceux-ci est à l’image des membres du C.A. : ingénieurs agronomes œuvrant dans divers organismes, naturalistes, chimistes, agriculteurs s’investissant dans l’une ou l’autre des multiples structures professionnelles…

Nous pouvons cependant isoler un groupe d’adhérents particulier : les pharmaciens. En effet, certains défenseurs des intérêts corporatistes incitent l’ensemble de la profession à adhérer à la Ligue. Ainsi, l’Association professionnelle de phytopharmacie (A.P.P.), créée en 1936 à l’initiative d’Emile Perrot, invite, dès sa fondation, ses adhérents à suivre les travaux de la Ligue et à y participer afin de rencontrer des agronomes et des agriculteurs1288. L’incitation ne concerne pas uniquement les membres de l’A.P.P.. Les pharmaciens ruraux possédant une implantation nationale, Émile Perrot rappelle en 1938, « l’intérêt qu’il y a pour la profession que les pharmaciens se fassent inscrire comme membres de la Ligue nationale de défense des cultures »1289. D’autres, comme Albert Guillaume (membre du syndicat du Bas-Rhin et Professeur à la faculté de pharmacie de Strasbourg), demandent aux pharmaciens d’animer les syndicats de défense. De fait, les études pharmaceutiques recouvrent les domaines de la chimie et des sciences naturelles et débouchent sur l’habilitation à manipuler tous les produits toxiques. En janvier 1939, 53 pharmaciens paient une cotisation à la Ligue à titre personnel ce qui représente environ 15 % des effectifs individuels1290.

La prédominance des membres individuels transparaît dans de nombreux comptes-rendus d’A.G., notamment lors d’événements exceptionnels écartant de leurs activités habituelles une grande partie des membres. Ainsi, le rapport du secrétariat de la Ligue annonce en 1940 : « un certain nombre de ses membres nous ayant fait connaître que, mobilisés, ils ne pouvaient rester avec nous que par la pensée, remettant à la fin des hostilités la possibilité de continuer à participer à nos travaux ou à les suivre »1291. Bien que les fédérations puissent envoyer divers représentants, aucune mention ne les concerne.

L’autorité allemande impose la suspension du fonctionnement des associations françaises dès la fin août 1940. En 1941, outre les difficultés engendrées par l’existence de la zone libre et de la zone interdite, empêchant les relations directes depuis Paris, l’association déplore également l’impossibilité d’entretenir une liaison avec les membres prisonniers1292. N’ayant plus la possibilité de publier des informations ou d’effectuer des actions quelconque, le bureau de la Ligue estime en décembre 1941 « prudent de mettre la Société en position d’expectative jusqu’au jour –qu’il faut espérer proche- où les circonstances lui permettront de reprendre une activité normale »1293. Or, reposant sur des épaules individuelles, la Ligue maintient une trésorerie dont les recettes proviennent jusqu’en 1942 (exercice inclus) des chambres d’agricultures, jusqu’à la Libération des cotisations (pas toujours à la hauteur des espoirs) et des intérêts liés soit au compte bancaire soit aux investissements en bons du trésor. Par ailleurs, des publications continuent à être écoulées1294. De plus, dès le printemps 1941, le Président Georges Chappaz étant réfugié à Marseille, Paul Marsais est nommé à sa place lors de l’assemblée générale du 20 mars. Cependant, ne pouvant prétendre à la publication du compte rendu de l’A.G., la Ligue envoie à ses membres une circulaire d’information1295. Les attributions multiples des responsables de la Ligue, siégeant dans différentes commissions, comme par exemple les directeurs des stations au sein du Comité scientifique des recherches agronomiques1296, permettent à l’association de conserver une vision globale sur l’évolution des techniques de lutte. L’acharnement de certains à maintenir une structure nationale permet à Paul Marsais, alors que l’organisation ne manifeste plus aucune activité réelle, de publier en 1942 le numéro 56 de la collection Que sais-je ? en se présentant comme Président de la Ligue nationale de lutte contre les ennemis des cultures1297.

Aucune A.G. officielle ne réunit les membres de la Ligue entre le 20 mars 1941 et le 17 juin 1946. Cette dernière réunion, présentée sous la forme d’une A.G. extraordinaire « avait pour but de reconstituer la Ligue sur de nouvelles bases, d’élargir son cadre en tentant de fédérer les groupements de défense contre les ennemis des cultures que l’ordonnance du 2 novembre 1945 venait d’instituer »1298.

En principe, malgré la conservation du terme Ligue, l’association se revendique comme une Fédération nationale des groupements de défense contre les ennemis des cultures. Le nombre d’élus émanant des affiliés individuels au C.A. est limité, en 1946, à huit personnes. Parmi ces derniers se trouvent d’anciens responsables tels que Blaringhem, Fredou, Marsais, Perrot ou Régnier. En revanche, neuf fédérations possèdent un représentant et le nombre de ces derniers n’est pas limité.

Malgré cette tentative d’imposer une structure fédérative nationale, les adhésions à caractère privé demeurent extrêmement nombreuses. Il semble que les membres contribuant le plus au fonctionnement de la Ligue demeurent les affiliés individuels.  Martin, Secrétaire général, annonce en 1951, reprenant une phrase présentée l’année précédente : « Nous pouvons affirmer que toutes les sommités de ce pays en matière de défense des cultures suivent nos efforts et même participent activement à la vie de notre Association »1299.

Deux raisons apparaissent en filigrane lors de la lecture des comptes-rendus d’activité de la Ligue. D’une part, de nombreuses réunions ou conférences développent des connaissances scientifiques de pointe dont l’assimilation et les critiques n’intéressent pas toujours les représentants des fédérations. D’autre part, l’éloignement de la plupart des structures départementales empêchent leur représentant de se rendre régulièrement à Paris. Les deux causes peuvent d’ailleurs être liées. En effet, l’absence répétée à des réunions techniques entraîne certaines difficultés à concilier progrès scientifiques et applications pratiques.

Cependant, diverses modifications statutaires engendrent une participation plus grande des Fédérations départementales au cours des années 1950. Mais, la suppression des adhésions individuelles à la Fédération nationale résulte d’une cause exogène. Le secrétaire général résume la situation le 4 octobre 1957 : « afin de lui donner toute l’efficience nécessaire, il est indispensable que notre fédération puisse être admise dans le sein des grandes Associations professionnelles agricoles et, pour y parvenir, il importe qu’elle soit l’émanation et seulement l’émanation des Fédérations départementales des groupements de défense contre les ennemis des cultures »1300. Il s’agit d’une conséquence de la suppression de la taxe parafiscale destinée aux fédérations1301, ces dernières en reversant une part à la structure nationale. Désormais, pour pouvoir prétendre à des subventions conséquentes la Fédération ne peut compter que sur elle-même.

Notes
1288.

Émile PERROT, [commentaire de quelques lignes concernant le compte-rendu officiel de la réunion de la Ligue du 18 décembre 1936], dans Bulletin des sciences pharmacologiques, supplément “Phytopharmacie ”, tome 44, 1937, p. X

1289.

ANONYME, « Compte-rendu de la Xe assemblée de l’association professionnelle de la phytopharmacie », dans Bulletin des sciences pharmacologiques, supplément “Phytopharmacie”, tome 45, 1938, pp. LXXXI-LXXXIV [Séance de l’A.P.P. du 24 octobre 1938].

1290.

Albert GUILLAUME, « Les syndicats de défense permanents des cultures », dans Bulletin des sciences pharmacologiques, supplément “phytopharmacie”, tome 46, 1939, pp. I-IV.

1291.

Archives de la F.N.G.P.C, Compte-rendu de l’A.G. du 21 mars 1940.

1292.

Archives de la F.N.G.P.C., Compte-rendu de l’A.G. du 20 mars 1941. (circulaire)

1293.

Archives de la F.N.G.P.C., Lettre à l’attention des membres de la Ligue nationale de lutte contre les ennemis des cultures, décembre 1941.

1294.

Archives de la F.N.G.P.C., Comptes des exercices 1940, 1941, 1942, 1943 et 1944.

1295.

Archives de la F.N.G.P.C., Compte-rendu de l’A.G. du 20 mars 1941. (circulaire)

1296.

Comité créé le 8 décembre par décret (J.O. du 18 décembre) en remplacement d’une structure antérieure.

1297.

Paul MARSAIS, La défense de nos cultures, collection “Que sais-je” n° 56, Presses universitaires de France, 15 mai 1942, 127 p.

1298.

Archives de la F.N.G.P.C., Compte-rendu de l’A.G. du 17 avril 1947.

1299.

Archives de la F.N.G.P.C., Compte-rendu de l’A.G. du 15 février 1951.

1300.

Archives de la F.N.G.P.C., Compte-rendu de l’A.G. extraordinaire du 4 octobre 1957

1301.

Se reporter au chapitre 7, « Groupements de défense et fédérations départementales ».