1.Tentative de contrôle malgré l’absence des textes officiels

Face au refus du Parlement d’entériner les projets de Queuille (1928) et de Barthe (1929)1369, la Ligue décide d’organiser un contrôle d’efficacité des substances commerciales mais aussi des appareils de traitements dès le début de l’année 19311370. Ces vérifications souhaitées, facultatives et copiées sur un système allemand déjà cité en modèle par Robert Régnier en 19291371, est rendu public le 15 octobre 1931. L’expérimentation permettant l’obtention de l’agrément s’opère par l’intermédiaire de laboratoires pour les produits et grâce à des techniciens spécialisés pour les appareils. Dans chacun des cas, la Ligue choisit des personnes n’ayant aucun lien avec l’entreprise se soumettant à l’examen. Il est prévu la délivrance d’une marque particulière apposée obligatoirement sur les fabrications agréées1372. La Ligue propose l’expertise de diverses matières et appareils à 224 fabricants. En retour, les industriels opèrent « deux ou trois demandes timides d’analyse et de contrôle d’efficacité de produits, une demande de contrôle d’appareil »1373. Les nombreuses raisons invoquées par les industriels correspondent essentiellement à des prétextes destinés à légitimer un refus de contrôle. Ainsi, le surcoût engendré par une participation financière aux essais d’efficacité, le risque de briser le secret industriel par la divulgation de la composition des produits, l’impossibilité de fournir les caractéristiques chimiques et pondérales de certaines matières actives (pyréthrines), la création d’une concurrence néfaste aux fabricants reconnus sont autant de justificatifs entravant le déroulement d’un contrôle orienté vers l’intérêt des agriculteurs1374.

Cependant, la méfiance des industriels ne signifie pas une opposition à la Ligue. La réunion du premier décembre 1932 entérine les adhésions de plusieurs sociétés dont La Littorale (implantée à Béziers), Progil (Lyon), La Marseillaise du Sulfure de carbone ou la Société des produits chimiques Coignet (Paris). Face à l’échec d’un système ménageant les intérêts de l’offre et de la demande, la Ligue réalise au mois de mars 1932 « une vaste consultation pour prendre l’avis du monde agricole » sur l’opportunité de contrôler les produits. De cette consultation naît une résolution demandant au Ministre de l’Agriculture l’instauration d’un contrôle obligatoire de la composition des produits antiparasitaires1375. Mais la Ligue ne se satisfait aucunement de la seule indication de composition. Ainsi, soutenant le projet de loi Queuille, elle adresse un vœu au Ministère signifiant l’urgence de mettre en place un contrôle d’efficacité des produits commerciaux. Cependant, « la Ligue nationale de lutte contre les ennemis des cultures a estimé qu’il n’était pas suffisant de faire tenir ce vœu à l’administration de l’agriculture » et « pour permettre à celle-ci de connaître exactement sa manière de voir, elle lui a soumis un projet susceptible de servir de base à l’établissement de la législation demandée »1376. Quoi qu’il en soit, afin d’accélérer une prise de décision officielle, la Ligue s’applique à soutenir la dernière proposition de loi déposée par Edouard Barthe (janvier 1933). Mais, considérant que l’efficacité des produits régit son utilisation et constitue la base de l’intérêt que portent les praticiens à ces substances, la Ligue, par l’intermédiaire du Congrès de 1934, « demande instamment à Monsieur le Ministre de l’agriculture que soit organisé ensuite et dans le plus bref délai un contrôle concernant l’efficacité des dits produits ».

Notes
1369.

Se reporter au Chapitre 2, « La lutte chimique », section I. A.

1370.

Archives de la F.N.G.P.C., Rapport du secrétariat, Assemblée générale du 21 janvier 1932.

1371.

Robert RÉGNIER, « Le contrôle des produits pour la défense des cultures en Allemagne », dans Revue de pathologie végétale et d’entomologie appliquée, tome 16, fascicule 9/10, novembre-décembre 1929, pp. 276-282

1372.

Archives de la F.N.G.P.C., Compte-rendu de la réunion du 15 octobre 1931.

1373.

Archives de la F.N.G.P.C., Rapport du secrétariat, Assemblée générale du 21 janvier 1932.

1374.

ANONYME (Ligue nationale de lutte contre les ennemis des cultures), La lutte contre les ennemis des cultures et le contrôle des produits insecticides et anticryptogamiques, Paris, 1932, 12 p.

1375.

Archives de la F.N.G.P.C., Compte-rendu de l’Assemblée générale du 16 février 1933. [Aucune précision n’est indiquée concernant le terme “monde agricole” mais sans doute s’agit-il des relais constitués par les fédérations ou syndicats adhérents ou en lien avec la Ligue].

1376.

F.-L. BRANCHER, « La répression des fraudes dans le commerce des produits insecticides et fongicides », dans La défense sanitaire des végétaux, Compte-rendu du congrès de la défense sanitaire des végétaux, Paris, 24-26 janvier 1934, tome I, Paris, Ligue nationale de lutte contre les ennemis des cultures, pp. 451-456