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2. Tentatives de suppléer aux carences des textes en vigueur

Malgré les textes officiels relatifs à la répression des fraudes, le contrôle d’efficacité biologique des spécialités commerciales demeure absent de l’arsenal législatif1377. Le 8 février 1936, la Ligue, par le biais de son appartenance au Comité national d’entente et d’action agricoles, rend visite au nouveau Ministre de l’agriculture, Thellier, et attire son attention sur le problème du contrôle biologique des produits destinés à la destruction des déprédateurs1378. La Ligue ne se faisant que peu d’illusion sur les résultats rapides d’une telle démarche, tente à nouveau de réaliser un inventaire des produits en usage. Dès le printemps 1937, la Ligue peut, « pour nombre d’entre eux, donner des renseignements qui, s’ils ne sont pas toujours complets, peuvent néanmoins aiguiller l’usager dans son choix »1379. Pour réaliser ce projet, outre les connaissances scientifiques possédées par nombre d’animateurs, la Ligue compte essentiellement sur la collaboration des entreprises phytosanitaires. Non seulement ces dernières doivent fournir la liste de leurs productions et les renseignements relatifs à l’emploi et à la composition des substances commercialisées mais également les résultats pratiques obtenus par ces produits. Nous devons noter que la Ligue, soucieuse d’intégrer les agriculteurs dans ses démarches, appelle également les praticiens à lui communiquer toutes les informations permettant d’améliorer ce service de renseignements. Au printemps 1937, les renseignements collectés concernent 197 produits fabriqués par 37 établissements1380.

Bien qu’aucun chiffre ne soit jamais avancé, le grand nombre de spécialités commerciales mises sur le marché avant la seconde guerre mondiale est souvent considéré comme nettement trop important. Pour beaucoup de responsables d’organisations agricoles et de scientifiques, les praticiens deviennent alors incapables d’opérer un choix. Face à une telle situation et malgré les quelques dizaines de produits répertoriés et analysés, la Ligue persévère dans ses tentatives de création d’une méthode de contrôle d’efficacité.

Lors des Journées de la lutte chimique, organisé à Paris du 19 au 25 mai 1937 par la Société de chimie industrielle et la Société de pathologie végétale et d’entomologie agricole (ex Société de pathologie végétale de France), des désirs analogues à ceux prononcés par la Ligue sont votés. Fernand Willaume, présent en tant que secrétaire général de l’Association française des fabricants de produits chimiques pour la défense des cultures s’applique à rassurer les industriels en expliquant que, s’étant opposé à des décisions ne tenant aucunement compte de leurs intérêts, aucune démarche ne serait tentée sans consulter les entreprises. Roger Heim, Sous directeur au M.N.H.N. et Président la Société de pathologie végétale et d’entomologie agricole, transmet les conclusions du congrès au Ministre de l’agriculture. Ce dernier, dans un courrier en date du 8 juillet adressé à Roger Heim, affirme porter de l’intérêt à celles-ci. Dès lors, la décision de mettre en place un Comité technique permanent est adoptée afin d’élaborer une organisation chargée de vérifier la valeur antiparasitaire de l’ensemble des produits commercialisés1381. Par l’intermédiaire de diverses organisations de nombreux membres de la Ligue sont représentés au sein de cette structure (A.S.Balachowsky, A.Maublanc, F.Willaume…).

Dans le même temps, la Ligue réaffirme son souhait d’un Etat capable de conseiller les agriculteurs en favorisant les produits efficaces. Ainsi, lors de la Première journée de la défense sanitaire des végétaux, organisée le 19 mars 1937, « La ligue nationale de lutte contre les ennemis des cultures demande à Monsieur le Ministre de l’agriculture de prendre toutes dispositions utiles pour que les services compétents de son département puissent donner officiellement leur appréciation sur l’efficacité des produits utilisés pour la destruction des ravageurs des cultures et plus spécialement du Doryphore, et que les vendeurs de ces produits aient la faculté de faire état de l’appréciation de ces services sur leurs prospectus, circulaires et étiquettes »1382.

Souhaiter un renforcement de la législation n’empêche pas les discussions avec les fabricants de substances de traitements. Renforcée par la résolution prise lors des journées de la lutte chimique, la Ligue prend la décision, lors de la seconde journée de la défense sanitaire des végétaux, en 1938, d’opérer un nouveau rapprochement entre les usagers (qu’elle représente de fait) et les entreprises pourvoyeuses de pesticides. En mai 1938, une rencontre entre représentants des industriels et la Ligue débouche sur la création d’un Comité interprofessionnel de contrôle comprenant des usagers, des scientifiques et des fabricants. La Ligue établit un projet de statuts. En revanche, la mise au point du règlement intérieur, très technique, confiée à la rédaction d’un représentant des industries ne voit pas le jour. Les fabricants, malgré une indéniable évolution de leur mode d’appréhension du phénomène, mettent guère plus d’empressement à satisfaire les consommateurs qu’en 1931.

Désirant en permanence se faire l’écho des utilisateurs de produits, la Ligue, qui ne ménage pas ses efforts pour aider à remettre en activité le Comité consultatif de la défense des végétaux, tombé en désuétude depuis plusieurs années, espère en 1939 faire « œuvre utile en resserrant, par ce moyen, la collaboration qui doit exister, étroite, entre le Ministère de l’Agriculture ou ses services et les usagers »1383. Parmi les membres de la Ligue, également présents au sein du comité consultatif, nous notons la présence de Trouvelot, Raucourt, Marsais, Perrot, Brancher, Lecolier, Vayssière, Fredou et Chappaz. Lors de la première séance du nouveau comité, le contrôle d’efficacité des produits constitue un point incontournable. Le comité fait sien le vœu prononcé lors de la “Troisième journée de la défense des végétaux” (20 février 1939)1384. Ainsi, les deux organismes, l’un privé et l’autre public, possédant de nombreux animateurs communs, demandent, se référant à l’arrêté du 28 février 19381385, « que le contrôle officiel, amorcé avec les produits destinés à lutter contre le doryphore, soit étendu à tous les produits antiparasitaires et que, de facultatif, il devienne obligatoire ». Nous devons indiquer que ce vœu est proposé par Frédou lors de la journée de la défense sanitaire des végétaux de 19391386. Le problème est à nouveau soulevé lors de la seconde réunion du Comité consultatif. Pour Brancher, malgré les impératifs commerciaux liés à la concurrence, il conviendrait que les laboratoires officiels recommandent les produits les plus efficaces. En effet, « ce serait aider grandement les agriculteurs que de leur signaler les produits dont la valeur a été reconnue »1387. En dehors des actions officielles menées par ses membres, souvent en tant que représentants d’organismes scientifiques, la Ligue initie le dépôt d’un projet de proposition de résolution sur le bureau du Sénat le 13 juin 1939. Bien qu’aucune suite ne soit donnée avant l’Occupation, le compte rendu d’activité pour l’année 1939 indique à propos de ce projet : « Nous croyons savoir d’ailleurs que l’Administration ne l’a pas perdu de vue et songe à créer un registre, analogue à celui qui existe pour les semences, sur lequel seraient inscrits les produits qui, après essais, auraient donné satisfaction pour un parasite déterminé »1388.

Notes
1377.

Se reporter au Chapitre 2, « La lutte chimique », section I.A.

1378.

Archives de la F.N.G.P.C., Compte-rendu de l’A.G. du 19 mars 1936.

1379.

Archives de la F.N.G.P.C., Compte-rendu de l’A.G. du 15 avril 1937.

1380.

Archives de la F.N.G.P.C., Compte-rendu de l’A.G. du 15 avril 1937. [ Précisions données par FREDOU dans un paragraphe intitulé « Institution d’un service de renseignements sur les produits destinés à lutter contre les ennemis des cultures »].

1381.

ANONYME, « Création d’un comité technique permanent », dans Journées de la lutte chimique contre les ennemis des cultures, Paris, 19-25 mai 1937, Chimie et industrie, volume 38, n°4 bis, octobre 1937, p. 254

1382.

Robert RÉGNIER, « Le contrôle de l’efficacité des produits utilisés pour la défense sanitaire des végétaux », dans Bulletin des sciences pharmacologiques, Supplément “Phytopharmacie”, 1938, pp. V-VIII. [D’après une notice publiée par la Ligue reprenant les propos de Régnier lors de la première journée de défense sanitaire des végétaux].

1383.

Archives de la F.N.G.P.C., Compte-rendu de l’Assemblée générale du 20 avril 1939.

1384.

A.N.-F., 5 S.P.V. 1, Comité consultatif de la défense des végétaux, Procès-verbal de la réunion du 10 mars 1939, 3 p.

1385.

Se reporter au Chapitre 2, « La lutte chimique », section A

1386.

J. FREDOU, « De quelques réformes ou améliorations à envisager dans l’organisation administrative, professionnelle et interprofessionnelle de la défense sanitaire des végétaux », dans Troisième journée de la défense sanitaire des végétaux, Paris, 20 février 1939, Paris, Ligue nationale de lutte contre les ennemis des cultures, pp. 31-41

1387.

A.N.-F., 5 S.P.V. 1, Comité consultatif de la défense des végétaux, Procès-verbal du 8 juin 1939, 5 p. [Intervention de Brancher].

1388.

Archives de la F.N.G.P.C., Compte rendu de l’A.G. du 20 mars 1941