2.Les Journées de défense sanitaire

En 1934, conjointement au déroulement du congrès de défense sanitaire, la Ligue présente, lors du Salon de la machine agricole, des produits et du matériel de traitements. L’année suivante, une nouvelle exposition des principaux produits phytosanitaires, à laquelle participe 28 exposants, est à nouveau initiée par la Ligue au cours du même salon. En 1936, les difficultés engendrées par la crise économique réduisent les participants à 23.

Cependant, en 1937, cette manifestation, alliant prestige et vulgarisation, est couplée avec la Première journée de défense sanitaire des végétaux, organisée au Parc des expositions de la porte de Versailles le 19 mars. La matinée permet à Marc Raucourt de présenter les nouvelles substances utilisées en protection des cultures, à Tony Ballu de discourir sur le matériel moderne utilisé dans la défense sanitaire des végétaux et à Ménard d’exposer le rapport entre les méthodes culturales et les traitements. L’après-midi est consacré à l’organisation de la protection des végétaux. Ainsi, Régnier entretient son auditoire des méthodes de contrôle des produits phytopharmaceutiques, Frédou de l’organisation professionnelle spécifique, Gondé de l’organisation administrative et Brancher de l’application de la loi du 10 mars 1935. Paul Marsais clôture la séance en présentant le Guide pratique pour la défense sanitaire des végétaux. Le secrétaire général de la Ligue, Paul Marsais, affirme, lors du compte-rendu d’activité de l’année 1937 : « Ce fut un beau lendemain du congrès de la défense sanitaire des végétaux de 1934 »1420.

La réussite de cette initiative encourage la Ligue à renouveler exposition de matériel et séances d’information lors du salon de la machine agricole de Paris. De semblables manifestations sont organisées en 1938 et 1939. Les sujets, en lien avec l’actualité, sont toujours présentés au public par d’éminents spécialistes. L’aspect organisationnel de la défense des végétaux constitue un thème abordé de 1937 à 1939. En revanche, si les travaux présentés au cours de la Première journée de la défense sanitaire des végétaux traduisent la volonté de vulgariser les connaissances acquises sur le plan du matériel, les sessions de 1938 et 1939 ajoutent des études précises de lutte contre certains déprédateurs. En 1938 Bernard Trouvelot énonce les techniques de destruction contre les doryphores, Alexandre-Serge Balachowsky entretient l’auditoire « dans un exposé clair, précis et particulièrement documenté », des moyens de lutter contre les carpocapses et Paul Marsais traite des vers de la grappe. Pour les quelques insectes nuisibles présentés au cours de la Seconde journée de défense sanitaire des végétaux, les intervenants insistent particulièrement sur l’intérêt de la prévision des risques et sur le rôle des stations d’avertissements1421.

Des sujets moins classiques sont présentés au cours de la journée de 1939. Les moyens d’éradication des ravageurs des denrées stockées (rongeurs, acariens et insectes) constituent une partie importante des thèmes développés. Le second volet consacré à l’étude des ennemis des végétaux cultivés concerne les moyens d’éliminer les mauvaises herbes. Un vœu émis à cette occasion demande « que soient créées des stations spéciales ou soient annexées aux stations déjà en fonctionnement, des services destinés aux recherches biologiques, ayant pour but l’étude des plantes adventices dans les cultures »1422. Par ailleurs, en 1939, comme pour les années précédentes, la Ligue organise conjointement aux débats une sixième présentation de produits (17 exposants) et d’appareils (9 exposants).

Ne pouvant officiellement poursuivre d’activité publique, la Ligue suspend l’organisation des journées de défense sanitaire dès 1940. La Ligue envisage la reprise des journées d’informations dès 1947.

Si la forme de la Quatrième journée de la défense sanitaire des végétaux correspond aux manifestations d’avant-guerre, la présentation des produits et matériels de traitement est confiée au Syndicat professionnel des fabricants de produits anti-cryptogamiques et insecticides de France (S.A.I.F.). Cette dernière organisation est représentée au conseil d’administration de la Ligue par Fernand Willaume, Président du syndicat depuis le 15 mai 19461423. En 1948, considérant ses activités comme trop nombreuses, la Ligue envisage de réduire son action. Les journées de défense ne paraissent pas remises en cause. Cependant, dans un premier temps, un changement de forme est envisagé. Les responsables de l’association imaginent, entre autres, de donner un caractère itinérant à cette séance d’information. L’aide des fédérations départementales devient alors indispensable. Mais, malgré la volonté vulgarisatrice des dirigeants, la majorité de l’A.G. de 1948 demeure favorable à ce qu’une telle manifestation se déroule à Paris lors du salon de la machine agricole1424.

La session de 1949 revêt un caractère particulier. Pendant trois jours consécutifs, du 2 au 4 mars, pas moins de neuf rapporteurs généraux commentent l’évolution de la protection des cultures depuis 1937. Ces séances de travaux et d’informations se situent non dans la ligne exacte des journées précédentes de la Ligue, mais se rapprochent de l’orientation des Journées de la lutte chimique contre les ennemis des cultures de 19371425. Ainsi, la Ligue co-organise cette manifestation avec le Comité de propagande pour la protection et l’amélioration des cultures. Ce dernier organisme est une émanation de la Chambre syndicale de l’Industrie des spécialités pour la protection et l’amélioration des cultures (nouvel intitulé du S.A.I.F. depuis le 8 mars 1947)1426. Fernand Willaume demeure le président de la chambre syndicale tout en étant également responsable de sa commission de propagande. Les communications, « d’une clarté et d’une précision très appréciées, étaient le condensé de l’apport très généreux de soixante-trois spécialistes »1427. Véritable congrès, ces journées permettent d’effectuer un tour d’horizon des récents apports du machinisme, de la chimie et de la biologie.

L’organisation des journées d’études ne s’opère pas uniquement avec l’industrie chimique. Des efforts de collaboration avec les structures professionnelles apparaissent très rapidement. Ainsi, en mars 1951, laJournée de la défense des végétaux permet un travail commun avec les groupements techniques spécialisés comme l’Institut technique de la betterave (I.T.B.), l’Association générale des producteurs de blé (A.G.P.B.) ou encore l’Association générale des producteurs d’oléagineux (A.G.P.O.). La Ligue, heureuse de pouvoir renforcer son influence sur les agriculteurs, déplore cependant un nombre de participants peu élevé. Il semble que la cause de cette désaffection temporaire résulte d’une profusion de débats agricoles se déroulant au cours des mêmes semaines1428.

L’année suivante, à la demande de la Société française de phytiatrie et de phytopharmacie (S.F.P.P.), la Ligue, inaugurant un nouveau type de manifestation nationale, réalise une journée reposant sur des démonstrations de terrain. Dès sa fondation, la S.F.P.P., présidée par Robert Régnier, souhaite créer « un climat favorable à la réorganisation de notre équipement phytosanitaire sur des bases plus rationnelles »1429. En 1952, la S.F.P.P. organise un congrès international de phytopharmacie qui se déroule à la Sorbonne du 15 au 20 septembre. La Ligue, à la demande de la S.F.P.P., se charge de mettre en place une journée destinée « à la transposition sur le terrain pratique de la vulgarisation des résultats scientifiques » du congrès1430. Les démonstrations, concernant 35 appareils1431, sont réalisées à Senlis (Oise), avec la collaboration de l’I.T.B., dont le président, Jean Achard (ancien Ministre de l’agriculture), est un des membres de la Ligue les plus influents1432. Les spécialistes du machinisme agricole ne tarissent pas d’éloge sur l’exposition de Senlis. Ainsi, pour le chef de travaux de machinisme agricole de l’E.N.A. de Grignon, « l’intérêt de cette présentation était d’autant plus grand que c’est la première fois qu’on pouvait trouver une gamme aussi complète d’appareils rassemblés côte à côte, et surtout du fait que tous ces instruments étaient présentés en fonctionnement effectif sur le terrain et non entassés dans un stand d’exposition »1433. Mais, l’opération de vulgarisation de Senlis, qui permet une critique constructive des appareils en usage1434, ne remporte, de l’aveu même des organisateurs, qu’un succès mitigé, le nombre de visiteurs étant relativement faible. Face à ce semi-échec, la Ligue envisage de modifier la préparation de ce type d’opération, qui représente près de la moitié des dépenses annuelles de l’association.

Notes
1420.

Archives de la F.N.G.P.C., Compte-rendu de l’A.G. du 15 avril 1937.

1421.

ANONYME, « IIe Journée de la défense sanitaire des végétaux », dans Bulletin des sciences pharmacologiques, supplément “Phytopharmacie”, tome 45, 1938, pp. XLVII-XLIX [Résumé commenté des communications, extrait de la Feuille d’informations agricoles, n°94, 10 mars 1938].

1422.

III e Journée de la défense sanitaire des végétaux, Paris, 20 février 1939,Ligue nationale de lutte contre les ennemis des cultures, 46 p.

1423.

Archives de la F.N.G.P.C., Compte-rendu de l’A.G. extraordinaire du 31 octobre 1946.

1424.

Archives de la F.N.G.P.C., Compte rendu de l’A.G. du 15 avril 1948.

1425.

Nos procédés de défense des cultures, Compte-rendu des travaux de défense des journées de la protection des végétaux, Paris, mars 1949, [Rapports généraux], Ligue nationale de lutte contre les ennemis des cultures & Comité d’Etudes et de propagande pour l’amélioration et la protection des cultures, 220 p., 1950.

Nos procédés de défense des cultures, Rapports particuliers présentés aux journées de la protection des végétaux, Paris, mars 1949, Ligue nationale de lutte contre les ennemis des cultures & Comité d’Etudes et de propagande pour l’amélioration et la protection des cultures, 243 p., 1950.

1426.

François LE NAIL, Yves DEFAUCHEUX, L’industrie phytosanitaire (1918-1986), Soixante-huit ans d’organisation syndicale en France, 1987, Boulogne, U.I.P.P., 85 p.

1427.

Archives de la F.N.G.P.C., Compte-rendu de l’A.G. du 2 mars 1950.

1428.

Archives de la F.N.G.P.C., Compte-rendu de l’A.G. du 20 mars 1952.

1429.

Robert RÉGNIER, « La phytiatrie et la phytopharmacie au service de la nation », dans La défense des végétaux, janvier-février 1952, pp. 23-25 [Communication présentée lors de la réunion de la Ligue du 20 décembre 1951].

1430.

ANONYME, « Réponse du Président Marsais », dans La défense des végétaux, janvier-février 1952, pp. 25-26.

1431.

BARATTE, « Les journées de Senlis », dans La défense des végétaux, janvier-février 1953, pp. 17-18 [D’après une communication présentée à l’Académie d’Agriculture le 12 novembre 1952].

1432.

Archives de la F.N.G.P.C., Compte-rendu de l’A.G. de 1953.

1433.

F. MIGNOTTE, « La première démonstration de matériel de lutte contre les ennemis des cultures », dans La défense des végétaux, sept-octobre 1952, pp. 17-20

1434.

BOURDELLE, « Impressions sur les journées de Senlis », dans La défense des végétaux, novembre-décembre 1952, pp.3-5