C.Les réunions mensuelles

1. De l’autonomie de la Ligue à l’Occupation

De 1932 à 1939, des réunions, en principe mensuelles, se tiennent, sauf imprévus, le troisième jeudi du mois. Au cours de ces dernières sont abordés des sujets essentiellement scientifiques dont les comptes-rendus sont succinctement publiés dans le Bulletin agricole. Les thèmes développés, en phase avec les interrogations du moment, recoupent ceux publiés dans certaines revues scientifiques telles que les Annales des épiphyties. Une telle adéquation résulte simplement du fait que les animateurs de la Ligue constituent par ailleurs l’armature scientifique et technique de l’ensemble des organismes nationaux s’intéressant à la protection des végétaux. Cependant, des exposés concernant directement le travail des agriculteurs apparaissent immédiatement. Ces derniers abordent, par exemple en 1932, les traitements anticryptogamiques des pommes de terre ou l’emploi des arsenicaux à la ferme1467. Les travaux mensuels se poursuivent de manière routinière jusqu’à l’automne 1939.

Dès la mobilisation générale du premier septembre 1939, la Ligue interrompt ses travaux mensuels. La première réunion plénière en période d’hostilités a lieu le 18 janvier 1940. Bien que ne nous ne puissions peut-être pas considérer les débats du 18 janvier comme partie intégrante des conférences mensuelles traditionnelles, le caractère très particulier de cette réunion exceptionnelle mérite que nous en décrivions rapidement la teneur. Réunis le 10 novembre 1939, les membres disponibles du C.A. de la Ligue décident d’adresser un questionnaire « auprès des groupements adhérents à la Ligue, et auprès de bon nombre de ses membres, pour connaître les difficultés que laissait entrevoir, dans les mois à venir, l’exécution des traitements indispensables au maintien, pour les arbres fruitiers, et pour les principales plantes cultivées, d’un état sanitaire satisfaisant »1468. Paul Marsais, chargé de synthétiser les résultats de l’enquête, reçoit environ 60 réponses. Il résulte de ce sondage que les professionnels ne craignent que fort peu la pénurie des produits ou l’augmentation du coût des matières actives et des appareils de traitements. En revanche, le manque de main-d’œuvre constitue la première cause d’inquiétude. En effet, les principaux ravageurs redoutés par les agriculteurs sont les doryphores et les corbeaux. Ensuite viennent « dans l’ordre, avec des variantes suivant les régions, le mildiou de la pomme de terre, le mildiou, l’oïdium et les vers de la grappe (pour les vignes), la tavelure, le carpocapse et les pucerons (pour les arbres fruitiers) »1469. D’autres déprédateurs sont également cités comme les rats, les anthonomes ou les cochenilles. Ainsi, le 18 janvier 1940, Robert Régnier discourt sur la destruction des rongeurs en temps de guerre. Il affirme à cette occasion que la guerre « permet de prendre des mesures d’intérêt général, justifiées par la défense nationale, qu’il est très difficile de faire appliquer en temps de paix ». Robert Régnier espère simplement que les méthodes de lutte généralisée, urbaine et rurale, préconisées lors des congrès internationaux de 1928 et 1931, pourront désormais connaître une application. Un autre intervenant traite, quant à lui, des lapins, dont la chasse n’est pas autorisée en temps de guerre.

Les rongeurs ne constituant pas les seuls nuisibles, Bernard Trouvelot expose, lors de la même séance, la nécessité de ne pas abandonner la lutte contre les doryphores partout où cette dernière constitue une habitude et affirme qu’il faut s’attendre à une intensification des attaques dans l’est de la France. Lors de cette conférence, Trouvelot insiste sur les diverses méthodes permettant d’opérer les épandages tout en économisant la main-d’œuvre et les matières actives (usage d’appareils à grand travail, poudrage, organisation de l’entr’aide…). Le 21 mars 1940, le jour même de l’A.G. annuelle, Chappellier disserte sur la destruction des corbeaux, animaux dont les semis de blé, récemment effectués en ce mois de mars, doivent absolument être protégés. Pour clôturer l’A.G., la Ligue projette un film de propagande concernant la défense des arbres fruitiers1470.

L’ensemble des sujets abordés au début de l’année 1940 démontre l’intérêt que la Ligue porte aux inquiétudes des agriculteurs, préoccupations en adéquation avec l’intérêt national. Mais, malgré les discours de Paul Marsais qui, se référant à ses collègues disparus, affirme que « l’exemple de leur vie, toute de labeur et de dévouement, renforce notre détermination de nous offrir pour servir, et aider, sans trop attendre, ceux qui ont pris en main la protection des sources vitales de notre pays »1471, la Ligue manifeste une quasi-inactivité durant l’Occupation.

Notes
1467.

Archives de la F.N.G.P.C., Compte-rendu de l’A.G. du 16 février 1933.

1468.

Archives de la F.N.G.P.C., Compte-rendu de l’A.G. du 21 mars 1940.

1469.

ANONYME, « La Ligue nationale de lutte contre les ennemis des cultures », dans Bulletin des sciences pharmacologiques, supplément “Phytopharmacie”, tome 47, 1940, pp. IV-VI [Extrait de la Feuille d’informations agricoles, n°135, février 1940].

1470.

Archives de la F.N.G.P.C., Compte-rendu de l’A.G. du 21 mars 1940 & ANONYME, « La Ligue nationale de lutte contre les ennemis des cultures », dans Bulletin des sciences pharmacologiques, supplément “Phytopharmacie”, tome 47, 1940, pp. IV-VI [Extrait de la Feuille d’informations agricoles, n°135, février 1940].

1471.

Archives de la F.N.G.P.C., Compte-rendu de l’A.G. du 20 mars 1941.