3.La crise des ingénieurs

Le décret du 4 octobre 1966, créé, quelques années après sa promulgation de graves difficultés à la F.N.G.P.C. En effet, mettant en place l’Association nationale pour le développement agricole (A.N.D.A.), chargée de la gestion d’un Fond national de développement agricole (F.N.D.A.), le décret vise à simplifier les circuits financiers tout en favorisant les organisations professionnelles1504. Parallèlement à l’A.N.D.A. est mis en place leComité national d’étude desproblèmes de développement agricole (C.N.E.P.D.A.) qui se voit attribuer la mission d’examiner les programmes d’action lui étant soumis et de donner un avis sur l’affectation des financements.

Lors du C.A. du 17 décembre 1970, le secrétaire général du C.N.E.P.D.A., Monsieur Sannie, expose, suivant la formule de Roland Beaulieu, « la doctrine de l’A.N.D.A. ». Pour cet organisme, qui reconnaît à maintes reprises le travail et la représentativité de la F.N.G.P.C., le financement d’une structure se livrant à une vulgarisation horizontale paraît cependant superflu. Sannie effectue d’ailleurs une comparaison avec les instituts techniques qui prennent en charge verticalement une production. La symbiose existant entre la F.N.G.P.C. et l’A.C.T.A. ne joue pas en faveur de la structure fédérative et ce, malgré la faiblesse des effectifs de l’A.C.T.A. s’adonnant à la lutte contre les ennemis des cultures. Ainsi, pour l’A.N.D.A., il apparaît comme nécessaire, « dans un but de simplification, qu’une association plus étroite soit envisagée entre ces deux organismes, collaboration pouvant aller jusqu’à la fusion des deux services techniques »1505. Par ailleurs, le décret de 1966 traduit, par la création au sein de chaque chambre d’agriculture d’un Service d’utilité agricole de développement (S.U.A.D.), une volonté de décentralisation opérée par le biais des départements. D’un point de vue administratif et bureaucratique, se pose le problème de l’intégration des groupements locaux dans la structure départementale des S.U.A.D. L’envoyé du C.N.E.P.D.A. affirme alors : « il n’est pas intéressant de vouloir faire survivre les structures du passé ». Mais, ces déclarations concernent essentiellement les relais techniques de la F.N.G.P.C. et des fédérations départementales. Parmi ceux-ci se trouvent les ingénieurs phytosanitaires. La fusion avec l’A.C.T.A. laisse entrevoir de nouvelles difficultés puisque seules restent du ressort de la Fédération nationale la gestion de « la diffusion de l’information et la mise en commun des ressources des agriculteurs membres des groupements ». Les ingénieurs considèrent alors qu’il sera « plus difficile d’être aussi disponibles pour certaines fédérations actives et il est à craindre qu’ils ne puissent pas animer les luttes collectives de la même manière qu’avant lorsque cela sera nécessaire »1506. Christian Bouchet, conseiller phytosanitaire travaillant en Basse-Normandie, ce qui intéresse principalement « les instituts techniques c’est que nous travaillons pour eux d’une part et que, d’autre part, nous ayons des contacts directs avec les agriculteurs ». En réalité, suite à une réunion entre les directeurs des instituts techniques, les dirigeants de l’A.C.T.A. et les responsables de la F.N.G.P.C., il apparaît que « 30 % du travail pourrait être effectué sous contrat avec les instituts techniques ». Ce chiffre concerne l’ensemble du rôle technique de la Fédération1507.

Mettant un terme à toute forme de négociation, l’A.N.D.A. informe par courrier, probablement à la fin de l’été 1971, la F.N.G.P.C. de sa volonté de regrouper les actions phytosanitaires de l’A.C.T.A. et le service technique de la Fédération. Cette manifestation d’autorité abrupte engendre un mécontentement partagé par l’ensemble des administrateurs. Le président de la fédération iséroise considère que la disparition des actions techniques de la F.N.G.P.C. constitue un retour à la situation de la fin des années 1950 et affirme, avec Roland Beaulieu, que le prestige de l’organisation est atteint. La Fédération nationale ne dispose plus, de fait, que du rôle fédérateur des organismes départementaux. Le Président de la Fédération vendéenne traduit les interrogations quant aux nouveaux objectifs encore peu définis, en affirmant qu’il convient de « conserver à l’échelon de base autre chose que les hypothétiques opérations de lutte ».

Sachant vaine toute tentative de résistance, les responsables de la F.N.G.P.C. envisagent rapidement de s’aligner sur les décisions de l’A.N.D.A. afin que l’association ne soit pas totalement désavouée et écartée des structures agricoles. Par ailleurs, l’idée de ne pas nuire à l’intérêt de l’agriculture apparaît également dans la décision de se rallier sans trop de mécontentement aux dispositions imposées par l’A.N.D.A. L’A.C.T.A. mise en accusation par quelques administrateurs de la F.N.G.P.C. s’explique, par la voix de son Président en janvier 1972. Ainsi, l’Association de coordination n’ayant jamais sollicité une quelconque fusion, le Président Bizet « précise que si la décision de fusionner n’est pas prise, les crédits seront supprimés à la F.N.G.P.C. par l’A.N.D.A., ce qui ne lui permettrait plus ainsi de poursuivre le type d’action qu’elle menait jusqu’à maintenant dans le domaine du développement »1508.

Le travail des ingénieurs ne traduit pas le changement d’appartenance mais ces conseillers se présentent lors des conférences ou des séances de formations sous l’étiquette A.C.T.A. De plus, en accord avec les responsables de l’A.C.T.A., les fédérations demeurent un intermédiaire privilégié et bénéficient en priorité de l’apport des ingénieurs du service “lutte antiparasitaire”1509. Le Président de la F.N.G.P.C. se félicite, lors de l’A.G. de 1973 du travail des spécialistes, appointés depuis peu par l’A.C.T.A.. Il affirme alors : « Nos fédérations départementales, et partant nos groupements n’ont donc pas eu à souffrir de cette réforme puisque nos ingénieurs, qui sont aujourd’hui des ingénieurs de l’ACTA, continuent, comme avant, à apporter en priorité leur aide et leurs conseils éclairés à toutes celles, qui, bien vivantes, font appel à leur collaboration »1510.

L’A.C.T.A. met par ailleurs à la disposition de la Fédération une secrétaire en contrepartie des reliquats financiers à usage technique de l’année 19711511 et autorise, dès l’automne 1972, le Président de la F.N.G.P.C. à siéger, en qualité de membre associé, lors des séances de son Conseil d’administration.. Quant à la Fédération, elle décide d’orienter ses actions vers la mise en place de luttes collectives, obéissant strictement aux préceptes de l’Ordonnance de 1945, mais également vers la vulgarisation des méthodes de lutte intégrée.

Notes
1504.

Cf J.O.

1505.

Archives de la F.N.G.P.C., Compte-rendu du C.A. du jeudi 17 décembre 1970.

1506.

Archives de la F.N.G.P.C., Compte-rendu du C.A. du jeudi 21 janvier 1971.

1507.

Archives de la F.N.G.P.C., Compte-rendu du C.A. du 12 mars 1971.

1508.

Archives de la F.N.G.P.C., Compte-rendu du C.A. du 26 janvier 1972.

1509.

Archives de la F.N.G.P.C., Compte-rendu de l’A.G. du 20 avril 1972

1510.

Join-Lambert, « Rapport moral », compte-rendu de l’AG du 8 mars 1973.

1511.

Archives de la F.N.G.P.C., Compte-rendu du bureau de la F.N.G.P.C. du 27 juin 1972.