C. Mise en place et efficacité des groupements

1. Carences des sources

L’aspect fragmentaire des archives nationales du S.P.V. ne permet aucunement une confrontation par département de l’état des syndicats de défense non seulement pour la période 1940-1945 mais également pour l’après-guerre. Le travail des groupements, pouvant être appréhendé à travers celui de leur fédération, n’est pas appréciable aisément du fait de cette carence archivistique. Le manque de données correspond par ailleurs à des phénomènes liés au caractère éphémère des directions locales des syndicats de défense. En 1954, le Directeur des services agricoles du Jura, incapable de fournir des éléments historiques précis, écrit au Chef du S.P.V. de la manière suivante : « L’actuelle fédération a été créée le 11 mai 1944. Elle a succédé à une précédente fédération qui avait son siège à Poligny et dont je ne possède pas les archives qui ont dû disparaître au cours de la guerre »1572. Or si l’activité départementale n’est pas toujours identifiable, entrevoir le dynamisme de cellules communales semble un exercice plus improbable encore. Quant aux archives propres des groupements, elles disparaissent avec les animateurs. Le département du Rhône offre, à cause de la lutte entreprise contre le Pou de San José, de nombreux groupements dès l’année 1942. Cette situation particulière de la région lyonnaise permet de concevoir l’intérêt temporaire, source de difficultés d’appréhension des activités, de ces organismes pour leurs adhérents. C’est ainsi qu’un ancien responsable d’une organisation communale affirme que « les groupements de défense ne sont pas vraiment structurés, peuvent être actifs mais sont créés par le besoin »1573. Ce dernier, considère la fonction de Président du groupement de Sainte-Consorce (arrondissement de Lyon), qu’il assume officiellement en 19481574, comme une simple nécessité administrative. Ainsi, l’adhésion à un groupement paraît ne posséder qu’un intérêt immédiat (facilité d’achat d’appareil et de produit) qui ne laisse que peu de traces par rapport à l’équipement lourd traditionnellement évoqué comme synonyme de progrès agricole (tracteur par exemple). Seul l’achat en commun de certains pulvérisateurs autotractés sous l’occupation ou dans les années qui suivent la Libération marque suffisamment la mémoire des adhérents pour être cité sans hésitation plusieurs décennies après. C’est ainsi qu’un membre du conseil d’administration du groupement de Charly (Rhône) en 1948 se souvient de l’année de fondation du groupement (1943), de la marque du pulvérisateur à moteur acquis peu après, de l’embauche d’un conducteur et de la personne du groupement particulièrement en charge de l’entretien de l’appareil1575. Le fonctionnement quotidien de l’organisme ne présente, pour l’agriculteur, que fort peu d’intérêt.

Cependant, un tour d’horizon du type d’activité des syndicats de plusieurs régions demeure possible et permet d’envisager la diversité des situations.

Notes
1572.

A.N.-F., 17 SPV-6, Lettre du Directeur des services agricoles du Jura adressée au S.P.V. (paris), 10 décembre 1954.

1573.

Entretien du 29 décembre 1997 avec Ennemond Gerin, agriculteur retraité (commune de Sainte-Consorce). Ce dernier, pour des raisons de rentabilité, quitte le secteur agricole à cinquante ans après la campagne 1963-1964. Son exploitation, dont la superficie oscille entre 12 et 16 hectares (dans le cas de terres louées), est menée en polyculture-élevage avec une dominante vigne. Mais, enregistré légalement en 1948 comme Président du Groupement de défense (A.D.-R. 204 W 585), il considère cette fonction comme exagérée et résultant simplement d’une obligation administrative.

1574.

A.D.-Rhône, 204 W 585, Liste des groupements de défense adhérents à la Fédération des groupements de défense contre les ennemis des cultures du Rhône en 1948.

1575.

Entrevue du 27 novembre 1997 avec monsieur Claudius Bernelin, agriculteur à Charly (Rhône), secrétaire d’un groupement en 1948. Dans le cas du syndicat de la commune de Charly, le groupement est créé sous l’égide de la municipalité et du syndicat agricole local dont le Président assume également le rôle de Président du groupement. Il est certain que le cumul des fonctions ne permet pas toujours de savoir, à posteriori et oralement, quelle décision se rattache à l’une ou l’autre organisation, surtout quand plusieurs structures se nomment ”syndicats”.