3. Exemples de réussites

Bien que la plupart des documents d’archives insinuent que les syndicats puis les groupements de défense ne constituent pas des entités très dynamiques, par manque de moyens financiers ou humains, nous devons tempérer cette appréciation. En effet, très rapidement, un certain nombre de départements possèdent des groupements de défense opérationnels capables de réunir plusieurs milliers de personnes. Notons cependant que tous ceux qui rejoignent les syndicats de défense ne correspondent pas à des exploitants professionnels. L’accroissement des petites surfaces cultivées, y compris en zone urbaine, favorise certainement l’intégration de cultivateurs occasionnels dans des structures permettant quelques avantages substantiels1590. C’est ainsi que deux arrondissements de Lyon (3e et 7e ) se trouvent rattachés en 1943 au groupement de Villeurbanne, lequel comprend par ailleurs les zones agricoles de Vaulx-en-Velin, Vénissieux et Bron1591.

Parmi les départements possédant des syndicats de défense, d’importance numérique notable, nous pouvons citer le Loiret. Les structures de protection des végétaux, essentiellement communales, comptent, à l’automne 1941, au minimum 16 275 membres, dont 1 353 pour la seule ville de Montargis. Une fédération départementale unifie l’ensemble1592. Malgré le manque de données, permettant d’effectuer une comparaison, nous pouvons considérer un tel effectif comme représentatif d’une minorité de départements. Ainsi, dans le Finistère, les groupements de défense, actifs sur environ 125 communes au mois de mai 1944, se répartissent en 11 unités intercommunales et 5 structures communales représentant respectivement 7 730 et 220 adhérents1593. Cependant, les archives ne recèlent que peu de chiffres et le seul nombre de syndicats constitués ne correspond pas toujours à une véritable activité. Or, la création de ce type d’association dépend étroitement de l’ennemi à combattre. Ainsi, quelques syndicats ariégeois fonctionnent dès 1941 pour enrayer les progrès de la Galle verruqueuse de la pomme de terre1594. Cette maladie découverte en 1938 dans l’Ariège, ne paraît implantée en 1941 que sur quelques localités très définies1595. Mais, les pommes de terre ne sont pas les seules cultures permettant l’établissement de syndicats de défense actifs. Dans les Alpes-maritimes, le premier groupement apparaît en 1942. Son activité se concentre sur la lutte contre le Pou de San-José. L’expansion rapide de quelques autres ravageurs (fourmis d’argentine, cochenilles, pucerons, capnodes…) entraîne la constitution de plusieurs autres groupements sous l’égide de la Fédération départementale (fondée le 18 décembre 1943)1596. Dans la Drôme, certains groupements (région de Marsaz et de Bren) effectuent des traitements d’éradication des sauterelles, en particulier dans les plantations d’asperges, au cours des années 1943, 1944 et 19451597. Quant à l’Isère, que nous avions cité comme exemple d’un département soumis à l’influence désastreuse de la Corporation, l’activité des groupements engendre tardivement une amélioration pour les secteurs fruitiers. En effet, « Constitués à la fin de la guerre, les groupements de l’Isère à caractère arboricole, n’ont manifesté une activité importante qu’en raison des difficultés de cette époque à se procurer appareils et produits de traitements »1598. L’expression “à la fin de la guerre” n’est pas très explicite et renvoie soit aux derniers mois du conflit soit à la période succédant immédiatement à la Libération du territoire. Cependant, cet exemple prouve l’intérêt de l’action collective en temps de crise. De plus, la mention concernant les appareils de traitements, rarement indiquée, constitue un indice du dynamisme des groupements. Or, la plupart des renseignements proviennent de l’après-guerre. Il semble cependant que certaines organisations possèdent un matériel de traitement de qualité. Ainsi, avant 1945, dans les Deux-Sèvres, 19 groupements disposent, au total, de 11 pulvérisateurs tractés (à moteur ou à traction animale) destinés aux traitements des plantes basses1599. Nous pouvons également rattacher aux groupements actifs, ou supposés tels, cités précédemment, ceux qui sont créés à la Libération grâce aux appareils distribués aux municipalités sous l’Occupation. D’après les notes, rédigées ultérieurement aux faits, conservées aux archives nationales1600, seuls les départements frontaliers germanisés par l’Allemagne connaissent une aide massive et continue destinée à l’intensification agricole. Ainsi, en Moselle, la récupération d’un important matériel de traitement, diffusé dans chaque commune par l’occupant, et redistribué par l’Etat aux groupements, dès la Libération du département, favorise la multiplication des organismes de lutte collective. Ces derniers sont présents au nombre de 150 en 19461601. Cependant, si les départements de la France de l’Est apparaissent particulièrement aidés par l’Allemagne, l’engouement pour les groupements de défense ne constitue pas une généralité. Dans le Bas-Rhin, la présence d’anciennes structures particulières de coopération mutuelle freine le développement des organisations uniquement liées à la protection des végétaux. Ces groupements correspondent, pour l’ensemble du département du Bas-Rhin, à un effectif de 55 en 19451602.

Notes
1590.

Certains règlements ne peuvent qu’encourager l’adhésion à des groupements de défense. Ainsi, par exemple, les allocations versées, dès décembre 1940, aux jardins ouvriers se livrant à la culture intensive des légumes, permettent d’envisager divers types d’adhésions aux syndicats de défense (« Loi relative au développement des jardins ouvriers », 25/11/1940, publiée au J.O. le 3/12/1940, p. 5942).

1591.

A.D.-Rhône, 204 W 585, Liste des groupements de défense fonctionnant dans le département du Rhône à la date du 18 octobre 1943.

1592.

A.N.-F., 17 SPV-1, Récapitulatif non signé, en date du 28/10/1941, intitulé Fédération départementale des syndicats de défense contre les ennemis des cultures. [Quelques groupements ne possèdent aucun chiffrage des effectifs].

1593.

A.N.F., 17 SPV-9, Groupements de défense permanente contre les ennemis des cultures existant en mai 1944, note non signée. 13 groupements intercommunaux sont cités, mais 2 ne possèdent pas d’indication d’effectifs. Quant aux groupements communaux, ils seraient au nombre de 7. Pour deux d’entre eux, les données sont fragmentaires.

1594.

A.N.-F., 17 SPV-8, Fédération départementale des groupements de défense contre les ennemis des cultures de l’Ariège, [rapport sur l’activité depuis 1945], 1951, non signé

1595.

A.N.-F., 5 SPV 34, Maladie verruqueuse, Situation de l’invasion au 1er décembre 1941. [Classement par départements des zones contaminées]

1596.

A.N.-F., 17 SPV-8, Fédération départementale des groupements de défense contre les ennemis des cultures des Alpes-Maritimes, [rapport sur l’activité depuis 1945], 7 p., 1951, non signé

1597.

A.N.-F., 17 SPV-9, Lettre de la D.S.A. de la Drôme au S.P.V. (Paris), en date du 29 décembre 1945, Réponse à la circulaire S.P.V. du 7 décembre 1945.

1598.

A.N.-F., 17 SPV-10, Renseignements concernant la Fédération et les groupements de défense de l’Isère, non signé, 1951 [L’expression “à la fin de la guerre” n’est pas très explicite et renvoie soit aux derniers mois du conflit soit à la Libération].

1599.

A.N.F., 17 SPV-13, Fédération départementale des groupements de défense contre les ennemis des cultures, Rapport sur son activité depuis 1945, 8 p., 14 décembre 1954 [Rapport rédigé par le Directeur des Services agricoles départementaux].

1600.

Il s’agit des dossiers concernant les groupements et les fédérations départementales conservés à Fontainebleau sous les côtes 17 SPV-article 1 à 17 SPV-article 14 (1941-1980).

1601.

A.N.-F., 860 331-

1602.

A.N.-F., 17 SPV-13, Fédération des groupements de défense du Bas-Rhin, [Commentaire sur son activité depuis 1945], note non signée, 1951