II. Prédominance des fédérations départementales

A.L’Ordonnance de 1945

1.Le changement dans la continuité

L’Ordonnance du 2 novembre 1945, organisant la protection des végétaux, reprend l’essentiel des idées développées dans le texte du 25 mars 1941. Ainsi, la République maintient le terme de groupements, occultant définitivement la référence à l’organisation syndicale. Il s’agit de maintenir les unités de lutte collective et, « tout en leur donnant pour cadre la loi du 21 mars 1844 (sic), de substituer à leur ancien titre de “syndicats” celui de “groupements” répondant mieux aux nécessités de leur recrutement puisque, non seulement les agriculteurs et les horticulteurs mais toute personne physique et morale cultivant des végétaux à quelque titre que ce soit peuvent y adhérer »1603. La suppression de l’organisation corporative simplifie les rapports avec l’administration ministérielle. Comme précédemment, un seul groupement de défense peut être agréé par la Préfecture pour une circonscription donnée (communale ou intercommunale). Cependant, pour obtenir cet agrément, les unités de lutte doivent répondre à quatre critères (article 3). L’adoption des statuts types édités par le Ministère de l’agriculture1604 et l’adhésion obligatoire à une fédération départementale (elle même agréée par le Ministère et redistribuant le produit de la taxe parafiscale maintenue) constituent deux points essentiels mais précis permettant un meilleur contrôle, non seulement des moyens financiers, mais aussi des techniques utilisées. L’aspect pratique de la mise en œuvre de la défense des cultures est renforcé par une troisième exigence. Les groupements doivent « prendre l’engagement de se conformer aux méthodes de lutte préconisées par le service de la protection des végétaux ». La volonté manifeste de l’Etat de rationaliser l’agriculture et d’augmenter les rendements, après plusieurs années de régression quantitative, passe donc par l’organisation de relais paysans liés au S.P.V. Les membres, et surtout les responsables des groupements doivent cependant, suivant la formule de l’ultime obligation, « accepter le contrôle permanent du ministère de l’agriculture ». Si l’Etat semble omniprésent dans l’animation même des groupements, les rôles dévolus aux membres de ces structures sont conséquents. Outre la surveillance des cultures et la vulgarisation des méthodes efficaces de lutte (dont la diffusion des informations émises par les stations régionales d’avertissements), les groupements de défense possèdent, sur ordre du S.P.V., le droit d’effectuer et de recouvrer le coût des traitements obligatoires1605 lorsque le propriétaire oppose un refus (article 13).

En réalité, face à la multiplicité des groupements locaux et à leur caractère souvent temporaire, les fédérations apparaissent comme l’interlocuteur privilégié des services ministériels et des organisations agricoles. Nous ne pouvons donc apprécier l’importance des groupements de défense qu’au travers des fédérations départementales.

Notes
1603.

« Ordonnance n° 45-2627 du 2 novembre 1945 organisant la protection des végétaux », dans Journal officiel de la République française, Ordonnances & décrets, 3 novembre 1945, pp. 7187-7189 [Citation dans l’exposé des motifs]

1604.

Nous présentons en annexe des statuts types de groupements.

1605.

La liste des déprédateurs dont la lutte est obligatoire est publiée dans le Journal officiel du 7 août 1946 (arrêté du 1er août 1946), pp. 6979-6980. Les ennemis des cultures sont répertoriés en trois listes nommées A (parasites contre lesquels la lutte est obligatoire en tout lieu de façon permanente), A’ (Parasites étrangers faisant dès à présent l’objet de mesures spéciales pour le cas de leur introduction) et B (Parasites et petits animaux dont la pullulation peut présenter, à certains moments, un danger rendant nécessaire, dans un périmètre déterminé, des mesures particulières de défense).