2.Les fédérations, structures hétérogènes

2.1. L’illégalité admise

Dès la Libération, diverses entorses aux textes en vigueur apparaissent sans toutefois constituer de véritables entraves au fonctionnement des structures fédératives .

Certaines organisations régionales de Résistance envisagent, dès le printemps 1944, afin de « constituer sans retard l’armature sur laquelle reposera l’agriculture », d’éliminer des nouvelles structures envisagées, tout membre de la corporation ayant une activité quelconque1606. Ce type de désir se traduit par la suite, pour les fédérations de défense, par une circulaire ministérielle. Ainsi, dès la Libération, les membres du bureau de chaque fédération, nommés par la Corporation, sont considérés comme démissionnaires d’office et remplacés le plus rapidement possible. Après avoir rappelé cette règle, le compte rendu de la première A.G. de la Fédération du Doubs affirme que les deux membres, liés quelques mois auparavant à la Corporation, sont renommés à l’unanimité1607.

Après la période de mise en place des nouvelles structures fédératives, imposées par l’Ordonnance de novembre 1945, les problèmes énoncés par les services ministériels (D.S.A. ou S.P.V.) concernent essentiellement les difficultés techniques d’organisation. La fédération corrézienne possède une existence réelle reconnue au début de l’année 1944. Aucune modification statutaire ne parvient au Ministère à la Libération et l’organisme départemental corrézien demeure contraire à la légalité républicaine. La structure fédérative, comme les 159 groupements cités en 1951, ne possèdent aucune existence légale de 1945 à 1967. A cette date, eu égard au peu de modifications de fond apportées par l’ordonnance de 19451608, Henri Siriez, affirme, au nom du S.P.V. et donc du Ministère, qu’il « convient de considérer l’actuelle fédération des groupements de défense comme bénéficiant de l’agrément du Ministère de l’agriculture »1609. Or, au début des années 1950, les centimes additionnels sont cependant perçus, malgré l’illégalité de la structure, et la situation pécuniaire apparaît « comme satisfaisante en raison de l’inaction totale de la fédération et des groupements »1610. Dans ce cas, il semble que l’inaction de la fédération, essentiellement due à de multiples dysfonctionnements propres, soit nettement renforcée localement grâce à l’opposition de la C.G.A. 1611

Si en Corrèze, malgré un manque d’activité et une reconnaissance officielle fondée sur l’habitude, la fédération perçoit un financement propre, parfois, les fédérations, dont la mise en place procède de la volonté des services de l’Etat, ne possèdent pas de fonds propres. Ainsi, en Corse, malgré la mise en place d’un réseau de groupements, effectuée par la D.S.A. à partir de 1950, et l’équipement en matériel de ces groupements, également réalisé par la D.S.A. grâce à des fonds spéciaux du Ministère, la Fédération départementale n’a toujours pas d’agrément officiel en 1954. Par cette négligence, elle ne peut prétendre au recouvrement de la taxe parafiscale1612. Son action se trouve donc, par manque de moyens permanents, réduite.

Notes
1606.

Archives privées, Note du responsable régional à l’organisation agricole aux chefs cantonaux, A.S. Auvergne, probablement mars 1944.

1607.

A.N.-F., 86 0331- , Assemblée générale de la Fédération des groupements de défense contre les ennemis des cultures du Doubs, Besançon, 8 mai 1945

1608.

Siriez participe à l’élaboration de l’ordonnance du 2 novembre 1945.

1609.

A.N.-F., 17 SPV-9, Lettre du 12 avril 1967 adressée par Siriez à l’inspecteur de la P.V. de la circonscription Auvergne-Limousin.

1610.

A.N.-F., 17 SPV-9, Enquête statistique et commentaires pour l’année 1951, 2 p.

1611.

Le Président de la CGA, s’il se souvient du G.I.R.P.I.A., qui selon sa propre expression “ne servait à rien” si ce n’est à rassembler, autour d’un principe commercial, ”les paysans de droite”, ne possède aucun souvenir du rôle des groupements de défense. Entrevue du 2 décembre 2000 avec Jean-Baptiste Champseix (Brive-la-Gaillarde). Cependant, un Résistant F.T.P.F., communiste actif, futur responsable départemental du M.O.D.E.F. lorsque “la C.G.A. devient réactionnaire”, ne peut cautionner une structure peu efficace mise en place par Vichy dans un département marqué à gauche.

1612.

A.N.-F., 17 SPV-9, Rapport du Directeur des Services agricoles sur l’activité de la Fédération des groupements de défense contre les ennemis des cultures, 15 décembre 1954, 3 p.