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4. Cultivateurs et bureaucratie 

Outre le rôle des déprédateurs, nous pouvons également concevoir l’explication de l’individualisme par une méconnaissance des rouages administratifs de la part des cultivateurs et par le surcroît de travail qui lui est intimement lié. Ainsi, « dans l’Aube, pays de petite culture, dans la plupart des communes, le nombre des exploitants n’excède souvent pas la dizaine et la charge des divers groupements et syndicats retombe sur les mêmes épaules »1636. Comme le souligne le commentaire des statistiques aveyronnaises l’appartenance multiple ne favorise pas l’envie de créer une structure nouvelle très spécialisée1637. Ainsi, les 410 unités de lutte de l’Aube n’interviennent véritablement que pour contrer les invasions particulièrement calamiteuses (campagnols par exemple). Les structures ne manifestent un caractère de permanence qu’afin de s’assurer une existence légale. Dans une situation semblable, en cas d’activité, les groupements se contentent bien souvent de prêter le matériel sans assurer ni l’approvisionnement en produits, ni la main-d’œuvre. Les services ministériels établissent parfois une dichotomie entre les groupements permanents, dont les d’animateurs sont parfois rebutés par l’accomplissement des diverses tâches administratives1638, et les groupements temporaires réagissant à une obligation légale de lutte. Or, « le groupement temporaire a besoin le plus souvent d’être rapidement créé devant une situation calamiteuse soudaine »1639. Mais, cette diligence n’est pas toujours obtenue et le temps passé en réunions d’information, de constitution, dépôt légal des statuts…met un frein à l’action à entreprendre ». De fait, les cultivateurs tendent à s’adresser individuellement aux syndicats agricoles locaux ou au Maire de leur commune (lutte contre les corbeaux, contre les campagnols). Les services départementaux de la Loire considèrent d’ailleurs qu’il conviendrait de reconnaître le syndicat agricole comme ayant qualité de groupement de défense, assumant alors les responsabilités qui incombent à ces derniers (utilisation d’appâts empoisonnés à la strychnine, phosphure de zinc, …). Cependant, cette simplification administrative supprimerait purement et simplement les groupements de défense. Il est vrai que cela entérinerait une situation de fait dans quelques départements. Dans la plupart des cas, les syndicats d’exploitants agricoles ou les syndicats viticoles du Haut-Rhin font fonction de groupements locaux et dans le cas d’une lutte généralisée, ces organismes apportent leur concours au même titre que les groupements spécialisés. Les adhérents refusent alors de payer une cotisation au groupement puisqu’ils en versent une au titre syndical1640.

Bien qu’il soit fort difficile de considérer l’aspect administratif comme seul responsable, nous devons noter que des cas d’utilisation de matériel en commun existent hors de tout contrôle. Parfois, nous pouvons constater, comme dans l’Orne, que « la lutte contre le doryphore est faite avec des appareils individuels avec le concours de l’entr’aide »1641. Dans les régions de grandes cultures de ce même département, des agriculteurs préfèrent acheter leur matériel propre et en faire bénéficier leurs voisins. Mais, dans certains cas, le comportement des exploitants dépasse le cadre d’une simple solidarité, fut-elle monnayée. Dans la Drôme, en 1951, aucun groupement ne possède de matériel en propre. Or, l’influence des groupements et de ceux qui assistent aux réunions préparatoires apparaît cependant clairement, mais en dehors des structures organisées. En effet, « lors des assemblées constitutives, cette possibilité de se grouper pour acheter des appareils en commun a décidé de nombreux voisins à acheter des pulvérisateurs à moteur et a introduit ainsi, dans certains secteurs, des appareils à grand travail »1642.

Notes
1636.

A.N.-F., 17 SPV-8, Documentation statistique concernant la Fédération départementale des groupements de défense contre les ennemis des cultures de l’Aube pour l’année 1951

1637.

A.N.-F., 17 SPV-8, Documentation statistique concernant la Fédération départementale des groupements de défense contre les ennemis des cultures de l’Aveyron pour l’année 1951

1638.

A.N.-F., 17 SPV-12, Documentation statistique concernant la Fédération départementale des groupements de défense contre les ennemis des cultures du Nord pour l’année 1951

1639.

A.N.-F., 17 SPV-10, Documentation statistique concernant la Fédération départementale des groupements de défense contre les ennemis des cultures de la Loire pour l’année 1951

1640.

A.N.-F., 17 SPV-13, Documentation statistique concernant la Fédération départementale des groupements de défense contre les ennemis des cultures du Haut-Rhin pour l’année 1951

1641.

A.N.-F., 17 SPV-12, Documentation statistique concernant la Fédération départementale des groupements de défense contre les ennemis des cultures de l’Orne pour l’année 1951

1642.

A.N.-F., 17 SPV-9, Documentation statistique concernant la Fédération départementale des groupements de défense contre les ennemis des cultures de la Drôme pour l’année 1951