2.Avantages retirés des traitements

Les avantages retirés, de l’action des groupements, par les agriculteurs sont difficiles à chiffrer. Dans de nombreux cas, seuls les ravages des déprédateurs les plus nuisibles, dont la destruction constitue le plus souvent une obligation, engendrent une défense collective des cultures. Ce comportement phytosanitaire consacre l’activité de nombreux départements qu’il s’agisse du travail des fédérations ou des groupements. Les déprédateurs sont alors très souvent des animaux parmi lesquels se trouvent plusieurs espèces de vertébrés (oiseaux, rongeurs…) et quelques insectes (Pou de San-José…).

Cependant, le rôle des groupements et de leur fédération respective se traduit aussi par de véritables traitements collectifs échelonnés sur plusieurs années. La première réussite indéniable d’une lutte collective se situe dans les communes de Merens et de l’Hospitalet en Ariège. L’action des groupements, formés pour cette finalité en 1941, permet, en quelques années, l’éradication de la galle verruqueuse de la pomme de terre1651. Mais, l’extermination, même localisée, d’un ennemi des cultures demeure l’exception. Bien souvent, le rôle des groupements se cantonne à la destruction ciblée de quelques espèces nuisibles. Dès lors, toute estimation varie annuellement, d’une part en fonction des superficies propres à chaque culture et, d’autre part par rapport au taux d’infestation du déprédateur combattu. Le désherbage des céréales, entrepris par le groupement de Bezanne (Marne) en 1950 correspond à 62 hectares traités. Or, l’année suivante, en raison de l’absence de moutarde des champs, seuls 33 hectares subissent un épandage herbicide. Nous pouvons noter que, pour amortir le matériel mis en œuvre, il conviendrait de traiter au moins cent hectares par an1652. Pour tous les départements français, les fluctuations des surfaces traitées sont importantes en fonction des années. Nous pouvons citer le Cantal pour lequel nous avons des données globales. Dans ce département, tous les groupements agréés en 1951, disposent de matériel de traitement. Mis à part l’unité de Massiac qui opère sur les arbres fruitiers, les autres associations procèdent à des épandages sur plantes basses. Les surfaces traitées varient avec les années de 5 à 35 hectares pour les pommes de terre et de 0 à 50 hectares pour les céréales1653. Ces chiffres, malgré les fluctuations qu’ils traduisent, demeurent quantitativement faibles. Il est vrai que le Cantal ne correspond pas, pour une grande partie de sa surface, à un département où triomphe l’agriculture végétale. En Charente, les superficies sont un peu plus conséquentes puisque 150 à 200 hectares de céréales subissent des traitements herbicides effectués grâce au matériel appartenant à la fédération et détenu par des groupements1654. Des fédérations plus actives réalisent, avec leurs groupements, des opérations nettement moins modestes. Nous avons cité précédemment l’Allier, mais ce département ne correspond pas au seul cas où les groupements protègent plusieurs milliers d’hectares. D’autres espèces cultivées bénéficient de soins phytosanitaires. Dans la Sarthe, malgré la présence d’une coopérative disposant d’équipes de traitements, nous pouvons estimer, au début des années 1950, que les traitements effectués correspondent à 30 000 pommiers, 4 500 hectares de pommes de terre et entre 4 500 et 6 000 hectares de céréales. La fédération possèdent à cette époque 30 appareils de pulvérisation motorisés1655.

Les surfaces traitées, bien qu’elles constituent un indice d’activité, ne correspondent pas aux bénéfices retirés par les cultivateurs de telles opérations. Or, dans une période marquée par l’intensification de l’agriculture, seule une hausse du rendement peut conduire les cultivateurs à opérer des traitements. Les indications concernant ces augmentations probables demeurent rares. En effet, séparer la part revenant aux produits phytosanitaires des autres pratiques culturales constitue une difficulté généralement insurmontable dans l’analyse des productions d’une exploitation agricole. Cependant si nous reprenons l’exemple de la Sarthe, les avantages retirés des traitements correspondent à un gain total approximatif de 1 000 tonnes pour les pommes à cidre, de 500 tonnes pour les pommes à couteaux, de 30 000 quintaux pour les céréales et de 20 000 quintaux pour les pommes de terre. Les véritables chiffres des rendements permettent une meilleure appréhension du gain réalisé grâce aux groupements de défense. Dans les Ardennes, l’activité des groupements permet une augmentation de rendement de 3 à 4 quintaux à l’hectare pour les céréales et de 2 quintaux pour le colza. Lorsque nous bénéficions d’estimations relatives, nous pouvons constater que certaines fédérations participent considérablement à l’accroissement de la production et au progrès quantitatif de l’alimentation. Ainsi, dans le Loiret, la production de pomme de terre augmente de 53 % (sur une surface de 1 450 hectares traités), celle des oléagineux progresse de 50 % (320 hectares) et celle des céréales s’accroît de 43 % (1 950 hectares)1656.

Nous devons également noter que plusieurs fédérations ne se cantonnent pas à la destruction des ennemis des cultures. Le matériel de ces organismes permet également de lutter contre les espèces nuisibles à l’élevage. La désinfection des étables landaises réalisée, conjointement avec le Directeur des services vétérinaires, entraîne des résultats tangibles et « les agriculteurs landais répondent très favorablement pour s’inscrire en vue de voir leurs étables désinfectées »1657. Par ailleurs, il existe au moins un département où le matériel de la fédération sert uniquement, en 1950 et 1951, au blanchiment et à l’émouchage des étables (110 000 m2 au total pour la totalité des Côtes-du-Nord1658).

Notes
1651.

A.N.-F., 17 SPV-11, document intitulé “Exemples tirés d’une récente enquête sur les groupements de défense de la Marne”, agrafé à la Documentation statistique concernant la Fédération départementale des groupements de défense contre les ennemis des cultures de la Marne pour l’année 1951

1652.

A.N.-F., 17 SPV-11, Documentation statistique concernant la Fédération départementale des groupements de défense contre les ennemis des cultures de la Marne pour l’année 1951

1653.

A.N.-F., 17 SPV-9, Documentation statistique concernant la Fédération départementale des groupements de défense contre les ennemis des cultures de Cantal pour l’année 1951

1654.

A.N.-F., 17 SPV-9, Documentation statistique concernant la Fédération départementale des groupements de défense contre les ennemis des cultures de Charente pour l’année 1951

1655.

A.N.-F., 17 SPV-13, Documentation statistique concernant la Fédération départementale des groupements de défense contre les ennemis des cultures de la Sarthe pour l’année 1951

1656.

A.N.-F., 17 SPV-10, Documentation statistique concernant la Fédération départementale des groupements de défense contre les ennemis des cultures du Loiret pour l’année 1951

1657.

A.N.-F., 17 SPV-10, Documentation statistique concernant la Fédération départementale des groupements de défense contre les ennemis des cultures des Landes pour l’année 1951

1658.

A.N.-F., 17 SPV-9, Documentation statistique concernant la Fédération départementale des groupements de défense contre les ennemis des cultures des Côtes-du-Nord pour l’année 1951