Les espoirs de la revalorisation de la taxe parafiscale, formulés par la F.N.G.P.C. et le S.P.V., deviennent caducs en 1957. La préparation d’une réforme des taxes parafiscales, prévue par l’article 89 de la loi du 4 août 19561674, entraîne l’institution d’une commission1675 de l’Assemblée Nationale dirigée par Charles Barangé, ancien député1676. En novembre 1956, les représentants du Ministère de l’Agriculture assistant à la commission de révision des taxes parafiscales comprennent clairement que dans le cas de la suppression de la perception des centimes additionnels les ressources correspondantes seraient budgétisées. Cette nouvelle forme de distribution, réalisée par l’intermédiaire du S.P.V. dont les crédits augmenteraient en proportion, permettrait d’obtenir une enveloppe nationale de 150 millions (anciens francs) au lieu des six millions (anciens francs) cumulés perçus antérieurement1677. Malgré ces promesses, plusieurs membres de la commission précitée influencent la révision de la taxe parafiscale dans le sens de sa suppression1678. Les centimes additionnels sont écartés des recettes potentielles des fédérations car « des ressources aussi modiques ne permettent aucune action efficace ». Les subventions de remplacement promises au Ministère de l’Agriculture, quant à elles, ne constituent pas une priorité et la commission conclut que, « si les fédérations veulent avoir quelque activité, elles doivent faire appel à des subventions du Ministère de l’Agriculture ou du département »1679. Dès l’Assemblée générale de la F.N.G.PC., en date du 4 octobre 1957, les conclusions de la commission Barangé sont connues et discutées. Le compte rendu de cette A.G. extraordinaire relate seulement les conséquences de la nouvelle législation : « La situation, désolante par son immobilisme, s’est aggravée brusquement à la suite du dépôt du rapport de la commission chargée de la révision des taxes parafiscales ». Afin de garantir à la F.N.G.P.C. la possibilité de conserver des subventions, une modification des statuts est alors réalisée. La fédération nationale doit dorénavant satisfaire la nécessité suivante : « Il importe qu’elle soit l’émanation et seulement l’émanation des Fédérations départementales des groupements de défense contre les ennemis des cultures »1680. Cette réalité explique les raisons d’une approche parfois différente des problèmes engendrés par la suppression de la taxe parafiscale. Avant même la promulgation des conclusions de la commission parlementaire, le Président de la F.N.G.P.C. rédige un article, publié par La défense des végétaux, intitulé « Les sources des ressources »1681. Paul Marsais affirme dans celui-ci : « Nous avons appris, dans nos dernières réunions, que la situation financière des fédérations adhérentes variait très sensiblement d’une région à l’autre ». Outre, cet aveu d’une certaine méconnaissance des réalités, Paul Marsais critique sévèrement « les groupements agricoles qui ne peuvent vivre qu’avec l’aide de l’Etat-providence » et fustige « notre régime politique qui encourage ces mœurs ». Les réactions à ce type de déclarations, et à ce qu’elles sous-entendent, sont diverses. Jusqu’alors modérément critique, le Président de la Fédération des Alpes-Maritimes (également Vice-président de la F.N.G.P.C.), rédige une lettre ouverte à Paul Marsais. Ce dernier est accusé d’avoir saboté l’œuvre des fédérations départementales et de méconnaître le travail des paysans. Une phrase résume la pensée de L. Schmit : « Votre article n’est au fond qu’un long plaidoyer pour l’incurie dont vous et bien d’autres de la vieille ligue avez fait preuve, en ne faisant rien pour obtenir une revalorisation de la dotation légale, qui nous avait été accordée, en même temps que les chambres d’agriculture »1682. D’autres reproches, non liés directement à la crise des centimes additionnels, apparaissent dans plusieurs textes de L. Schmit. Parmi les griefs reprochés à la direction nationale nous pouvons citer la prépondérance de la région parisienne sur le midi de la France (de Bordeaux à Nice), l’embourgeoisement du Président et son mépris opposé au travail des paysans, l’illusion de l’indépendance lorsque les fabricants de produits et de matériels financent La défense des végétaux et, également, le manque de démocratie interne1683. A cette date, L. Schmit démissionne de toutes les organisations liées à la F.N.G.P.C.. Or, outre la présidence de la fédération des Alpes maritimes ce dernier assure la présidence de la Fédération régionale de Provence et de Corse qui comprend 7 départements.
Le 31 décembre 1957, le Journal officiel publie la suppression de cette taxe tout en accordant la possibilité à l’Etat de subventionner les fédérations départementales1684. Le problème principal réside dans le fait que les subventions, toujours aléatoires dans leur obtention, ne permettent pas d’effectuer des travaux programmés sur plusieurs années et condamnent les fédérations à des opérations ponctuelles. Le 20 janvier 1958, la F.N.G.P.C. adresse aux Présidents des fédérations affiliées un courrier reproduisant le décret du 30 décembre en le mettant en parallèle avec l’article 6 de l’Ordonnance de 1945. Cet avis est par ailleurs diffusé par l’organe de la fédération nationale, La défense des végétaux 1685.
Bien qu’il soit probable que de nombreux responsables de fédérations considèrent la promulgation du nouveau système financier comme inacceptable, tous n’opèrent pas une critique du comportement de ceux qui les représentent. Le 19 mars 1959, les Présidents de Seine-et-Marne et de Corse estiment que les conseils, les conférences, la diffusion de films de propagande et les démonstrations sont parfaitement réalisables sans subvention. M. Angrand (Seine-et-Marne) ajoute : « L’agriculteur de notre temps a trop pris l’habitude de tendre la main sans vouloir consentir le moindre effort financier. Il convient de réagir contre cette attitude de mendicité »1686. Obéissant aux conseils du Président de la F.N.G.P.C., certaines fédérations se lancent dans une politique de renforcement de la structure locale. Ainsi, la fédération du Loiret double le montant de ses cotisations (de 50 à 100 FF), augmente le nombre de conférences et de démonstrations, trouve des accords entre cultivateurs et apiculteurs et accorde les intérêts des praticiens et des chasseurs. L’un des buts, en dehors du caractère de vulgarisation collectif, consiste à recruter de nouveaux et jeunes adhérents, seule solution de pérennisation de l’organisation 1687.
« Loi n°56-780 du 4 août 1956 portant ajustement des dotations budgétaires reconduites à l’exercice 1956 », dans Journal officiel de la République française, Lois & décrets, 6& 7 août 1956. [Article 89, pp. 7449-7450. La disposition III de cet article stipule : « Le gouvernement devra, avant le 31 décembre 1957, procéder à une réforme des taxes parafiscales et des organismes qui en bénéficient ayant pour but, notamment, soit leur suppression, soit leur intégration dans le cadre du budget ou des comptes spéciaux du Trésor. »].
La mise en place de ce type de commission est prévue depuis la loi de finances pour 1955 (§4. Art. 26).
« Création d’une commission chargée de la révision des taxes parafiscales », arrêté du 8 octobre 1956, dans Journal officiel de la République française, Lois & décrets, 12 octobre 1956, p. 9739. [Outre Charles Barangé, Président, cette commission comporte les membres suivants : François Bénard (député), jacques Debu-Bridel (sénateur), Marcel Martin (maître des requêtes au Conseil d’Etat), Charles Frappart, (conseiller référendaire à la cour des comptes). Jean Kientz (inspecteur des finances) assure la fonction de rapporteur et M. Pallez (inspecteur des finances) celle de secrétaire].
A.N.-F., 17 SPV-7, Lettre d’Henri Siriez destinée au Directeur général de l’Agriculture en date du 20 novembre 1957.
A.N.-F., 17 SPV-6, Lettre explicative du Ministre de l’Agriculture, Roland Boscary-Monsservin, en date du 23 avril 1958, à C. Lamarque-Cando, député des Landes. Ce dernier est alors l’interprète de la Fédération départementale.
Archives de la F.N.G.P.C., Cité dans le compte-rendu d’A.G. du 4 octobre 1957.
Archives de la F.N.G.P.C., Compte-rendu de l’A.G extraordinaire du 4 octobre 1957.
Paul MARSAIS, « Les sources des ressources », dans La défense des végétaux, n°65, Septembre-Octobre 1957, pp. 1-2
A.N.-F., 17 SPV-6, L. SCHMIT, « Lettre ouverte à Monsieur le Professeur Marsais, Président de la Fédération Nationale des groupements de protection des cultures », 2 p. (non datée, fin 1957)
A.N.-F., 17 SPV-6, L. SCHMIT, « La grande misère des groupements de défense contre les ennemis des cultures », 9 p. (non daté, fin 1957)
« Décret n°57-1361 du 30 décembre 1957 concernant la taxe parafiscale des fédérations départementales des groupements de défense contre les ennemis des cultures », dans Journal officiel de la République française, Lois & décrets, 31 décembre 1957, pp. 11960-11961
Document présenté en annexe.
Archives F.N.G.P.C., Compte-rendu de l’A.G. du 19 mars 1959
Paul MARSAIS, « Pour nos fédérations, un bon exemple à suivre », dans La défense des végétaux , janvier-février 1958, pp. 1-2