4. La fin des subventions

Dès 1968, la ligne budgétaire correspondant aux subventions des fédérations est définitivement supprimée. De même qu’en 1957, il s’agit d’une décision purement économique. En effet, les fédérations paraissent jouir d’une reconnaissance publique de leur action de vulgarisation. En effet, lors des décisions importantes prises par l’Etat en matière de protection des cultures, le rôle bénéfique des groupements est rappelé. Ainsi, en 1972, le vote d’un texte capital concernant la modification du décret-loi de 1943 sur l’homologation des produits a lieu. Lors de la présentation au Sénat, le rapporteur de la Commission économique et du plan, Michel Sordel, considère que les groupements doivent contribuer à informer les agriculteurs sur les possibilités d’utilisation de tous les produits1718. Dans cet exposé, les fédérations ne sont pas citées, mais ce type de vulgarisation ne peut s’opérer efficacement qu’avec l’aide matérielle et technique des fédérations départementales et de la F.N.G.P.C. Les responsables des Fédérations ne s’y trompent pas et saisissent l’occasion que leur offre cette reconnaissance officielle pour exprimer le manque de moyens financiers des structures qu’ils animent. Nous pouvons citer en exemple le courrier expédié par Roland Beaulieu, Président de la Fédération du Loiret et Président de la F.N.G.P.C., à Xavier Deniau, député du Loiret. Pour R. Beaulieu, « les rapporteurs du projet de loi modifiant l’organisation du contrôle des produits phytopharmaceutiques ont insisté tout particulièrement sur l’importance du rôle que peuvent jouer les groupements de défense contre les ennemis des cultures et leurs fédérations départementales »1719. La vulgarisation des méthodes de lutte prend alors en compte un meilleur usage et un choix raisonné des substances dans l’optique du respect de l’environnement et de la santé des consommateurs tout en répondant à des objectifs économiques.

En 1974, Jacques Chirac, Ministre de l’Agriculture et du développement rural, traduit l’état d’esprit des dirigeants politiques : « Les difficultés financières qu’éprouvent, depuis plusieurs années, les fédérations de groupements de défense contre les ennemis des cultures ne m’ont pas échappé, mais il ne peut toutefois être question que l’État accorde à ces organismes des subventions pour toutes les opérations phytosanitaires qu’ils pourraient entreprendre ». Or, malgré le refus d’un soutien régulier, et financièrement restreint pour mener à bien des actions de vulgarisation, l’État escompte toujours une aide éventuelle des fédérations : « Cependant, certaines opérations, résultant, soit de la découverte de nouveaux ennemis particulièrement dangereux, soit d’une infestation exceptionnellement importante, demandant pour être résorbée l’organisation d’une lutte collective, nécessiteront le concours des fédérations de groupements de défense contre les ennemis des cultures qui pourront, à ce titre, bénéficier d’une aide du Ministère de l’Agriculture »1720. Le refus de rétablir une subvention directe, probablement liée à la conjoncture économique, cantonne les Fédérations départementales à des actions ponctuelles et restreintes tout en occultant une vision stratégique à long terme concernant des modifications comportementales globales.

Par ailleurs, le Ministère de tutelle ne paraît pas être le premier pourvoyeur de fond des fédérations départementales. Au début de l’année 1976, 3 500 groupements communaux ou intercommunaux sont recensés. Dans 16 départements, l’organisation de lutte collective contre les vertébrés (y compris les rats présents dans les fermes) est effective. Dans 18 autres départements, le manque de crédits entrave la réalisation de projets semblables. Dans la majorité des cas, l’argent nécessaire, requis par les fédérations, provient des conseils généraux. Les demandes de subventions sont alors appuyées par la D.D.A. et le S.P.V. En cette même année 1976, 18 techniciens sont toujours payés par des F.D.G.P.C. ou mis à la disposition de ces dernières par des organismes de développement agricole. L’animation technique ou administrative de 20 fédérations est assurée par les D.D.A., de 22 par les chambres d’agriculture et de 11 par le S.P.V. Par ailleurs, quelques groupements travaillent essentiellement sur la mise en pratique de la lutte intégrée. Le secrétaire général de la F.N.G.P.C. écrit alors : « Depuis plusieurs années nous avons souhaité, au sein de la Fédération nationale que les F.D.G.P.C. soient associées à l’application de la politique sur l’environnement dans chaque département, dans le secteur de la protection des plantes, puisque ce sont les agriculteurs qui sont concernés au premier chef par l’emploi des produits antiparasitaires »1721.

En conclusion, il paraît évident que la situation des fédérations départementales est difficile à appréhender, ne serait-ce que par le manque d’archives conséquentes qui concernent chacune d’elle et qui permettrait d’obtenir une vision globale. Au niveau des groupements locaux, la situation est encore moins aisée à apprécier. Il semble cependant que les agriculteurs ne se mobilisent véritablement que dans le cas d’une obligation réelle. Cette dernière peut être légale ou imposée par les circonstances. La permanence d’un réseau national de vigilance est dès lors compromise. De plus, les fédérations départementales ne sont pas véritablement fondatrices de la Ligue. Elles n’ont donc pas l’obligation d’adhérer à une structure qui seule est véritablement capable d’orienter directement les praticiens dans le sens d’une amélioration de la production végétale. Comme pour la Ligue, les organisations départementales et locales, malgré de nombreuses réalisations, souffrent d’un manque de soutien financier de l’Etat qui pourtant en reconnaît le rôle et accorde des prérogatives importantes et réelles dès la Libération. Progressivement, les revenus permanents des fédérations s’estompent avant de disparaître complètement. Seules les circonstances exceptionnelles favorisent la perception, par des biais divers, d’une aide financière. Bien souvent les activités des organismes départementaux dépendent de la volonté mais aussi des possibilités des hommes qui se chargent des directions fédérales.

Notes
1718.

« Contrôle des produits antiparasitaires », dans Journal officiel des débats parlementaires, Séance du Sénat du 2 novembre 1972, pp. 1911-1918

1719.

A.N.-F., 17 SPV 7,[Courriers parlementaires], Lettre De Roland Beaulieu à Xavier Deniau, en date du 29/11/73

1720.

A.N.-F., 17 SPV-7, [Courriers parlementaires], Lettre de J. Chirac à Xavier Deniau, député du Loiret, en date du 19 février 1974. Cette lettre fait suite au courrier adressé par R. Beaulieu, Président de la Fédération du Loiret à Xavier Deniau.

1721.

Pierre PELISSIER, « Situation de la F.N.G.P.C. et propositions d’activités », dans La défense des végétaux, N°179, 1976, pp. 158-159