Les avertissements destinés à la prévention des risques parasitaires succèdent à la prévision des problèmes purement climatiques et possèdent des liens étroits avec la météorologie. Avant d’entreprendre l’étude des bulletins phytosanitaires d’alerte, nous devons introduire, en quelques lignes, un rapide rappel des éléments historiques se rapportant à la mise en place des avertissements climatiques. Ces derniers, destinés à l’agriculture, apparaissent officiellement le 13 février 1873 par l’adoption d’un décret qui place cette activité dans l’attribution de l’observatoire de Paris1722. Les responsables politiques ne sont pas unanimes sur l’intérêt des avertissements météorologiques. Ainsi, le conseil général de Seine-Inférieure s’exprime sur le sujet le 21 août 1873 : « Si ce système d’avertissement est d’une utilité bien reconnue pour la marine, il n’est pas de première nécessité pour l’agriculture et présente, surtout au point de vue pratique, les plus grandes difficultés d’organisation »1723. Cependant, dans certains départements, comme la Vienne, la Haute-Vienne et le Puy de Dôme1724, la transmission des informations météorologiques aux populations rurales fonctionnent. Le rôle de l’observatoire de Paris consiste à « faire bénéficier tous les départements des annonces météorologiques utiles à l’agriculture, en particulier à l’époque des moissons »1725. En 1876, le premier article de l’instruction n° VIII de l’observatoire de Paris rappelle que « l’étude des grands mouvements de l’atmosphère et les avertissements météorologiques aux ports et à l’agriculture »1726 sont placés dans ses attributions. Mais, si les prévisions climatiques à usages agricoles ne sont pas omises, les avertissements sont toujours destinés aux problèmes climatériques. En mai 1878, la division météorologique de l’observatoire de Paris prend le titre de Bureau central météorologique. Bien que le décret du 14 mai 18781727 ne modifie pas les buts des prévisions climatiques, le Bureau central, rattaché au Ministère de l’instruction publique, s’intéresse aux liens existant entre les conditions atmosphériques et les êtres vivants. Ainsi, au début de l’année 1880, les membres de la Société d’apiculture et d’insectologie agricole sont incités à fournir, au ministère de tutelle du bureau central, des observations précises relatives aux phénomènes de végétation et de populations de l’entomofaune1728. Cependant, jusqu’en 1912, la météorologie agricole prend essentiellement en compte les phénomènes climatiques (grêle, vents…). À titre indicatif nous pouvons signaler que le bureau central estime la fiabilité des prévisions à finalité agricole à 73 % en 19121729.
Cependant, indépendamment de l’organisation météorologique nationale, des structures destinées à éviter les catastrophes parasitaires apparaissent localement dès la fin du dix-neuvième siècle. Ainsi, tout en informant les cultivateurs sur les variations climatiques (précipitations, températures, gelées), les premiers avertissements agricoles, à finalité phytosanitaire, voient le jour en 1898. Des liaisons permanentes sont alors assurées entre les centres avertisseurs et l’observatoire de Paris1730. Les maladies cryptogamiques dévastatrices de la vigne, en particulier le mildiou (Plasmopara viticola) et le black-rot (Guignardia bidwelii )1731, étudiées dès leurs apparitions en France, sont les premiers problèmes phytosanitaires soumis à des bulletins d’alerte. En effet, le développement des cryptogames, dont les cycles sont complexes, est conditionné par les circonstances climatiques. Pour enrayer les infestations, à la fin du dix-neuvième siècle comme au début du vingtième, seul le sulfate de cuivre est utilisé. Mais, les applications doivent avoir lieu avant ou au commencement de la germination des spores. « Les traitements sans méthode, même fréquemment répétés, préviennent quelquefois cette phase de la maladie, par hasard, mais le plus souvent, ils tombent trop tôt ou trop tard et demeurent inactifs »1732. Les épandages opérés à contre-temps constituent un écueil qui perdure au cours de la période que nous étudions. En 1943, le chef de travaux au centre national de recherche agronomique de Versailles résume les causes de l’inutilité des applications réalisées à de mauvaises périodes. Ainsi, « effectué trop tard, un traitement serait inefficace car le parasite ne pourrait être atteint après sa pénétration dans le végétal ; appliqué trop tôt, le produit serait lavé par les pluies et les organes en voie de croissance ne seraient pas protégés »1733.
Durant l’année 1898, afin de préciser les périodes d’applications, les deux premiers services d’avertissements agricoles se mettent en place à quelques mois d’intervalle. L’un se trouve à Cadillac (Gironde)1734, le second à Montpellier (Hérault). Les méthodes de prévisions ne possèdent pas les mêmes bases scientifiques.
« Décret du 13 février 1873 », dans Journal officiel de la République française, 15 février 1873, pp. 1099-1100
LESOUEF, « Proposition relative au service des avertissements météorologiques agricoles », dans Extrait des travaux de la société centrale d’agriculture de Seine-inférieure, 189e cahier, 1877, pp. 343-350
ANONYME, « Compte-rendu de la séance du 13 juillet 1876 », [Rapport de la communication orale du Comte d’Argenté], dans Extrait des travaux de la société centrale d’agriculture de Seine-inférieure, 188e cahier, 1876, p. 45
« L’observatoire de Paris (suite) », Journal officiel de la République française, 24 août 1873, pp. 5159-5160
Cité par LESOUEF, « Proposition relative au service des avertissements météorologiques agricoles », dans Extrait des travaux de la société centrale d’agriculture de Seine-inférieure, 189e cahier, 1877, pp. 343-350
Journal officiel de la République française, 15 mai 1878, p. 5195
ANONYME, « Avis aux membres de la Société », dans Bulletin d’insectologie agricole, n° 2, février 1880, p. 17
« Rapport du Directeur sur les travaux de l’année 1912 », dans Journal officiel de la République française, Lois & décrets, 10 février 1913, pp. 1338-1343
J. LEENHARD POMIER, « Avertissements météorologiques agricoles », dans Journal d’agriculture pratique, tome 1, 1898, pp. 689-690
Le black-rot connaît au moins sept dénominations entre 1861 et 1892. Le nom définitif apparaît en 1892 après la publication de l’article suivant : Pierre VIALA et Louis RAVAZ, « Sur la dénomination botanique du Black rot », dans Bulletin de la Société mycologique de France, 10 avril 1892. [Se reporter au Chapitre I, « Les ennemis des cultures », section I.A.]
Joseph CAPUS, « La prévision des maladies cryptogamiques de la vigne », [partie I], dans La revue de phytopathologie, n° 2, 5 mai 1913, pp. 28-29
Hermon DARPOUX, « Les bases scientifiques des avertissements agricoles », dans Annales des épiphyties et de phytogénétique, tome 9, fascicule 2, 1943, pp. 177-205 [Citation p.178]
La station de Cadillac devient station régionale du service de la météorologie agricole en 1912. En 1922, elle est rattachée à l’I.R.A. au domaine de la Grande Ferrade. En 1942, la station appartient au S.P.V. En 1959, elle est transférée à Cenon.