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3. Les agriculteurs à la base des prévisions 

Dès la mise en place des premières stations, à la fin du dix-neuvième siècle, le concours des cultivateurs apparaît comme une nécessité pour permettre un fonctionnement correct des stations d’avertissements. La généralisation, à l’échelle nationale, des centres avertisseurs oblige les responsables du S.P.V. à une recherche permanente des agriculteurs consciencieux. Le réseau de postes secondaires est en partie confié à ceux qui travaillent la terre. D’autres catégories professionnelles sont considérées comme possédant les capacités nécessaires à la compréhension des phénomènes à étudier. Mais, les responsables d’associations corporatives ou syndicales ne disposent pas toujours du temps requis pour se livrer aux observations météorologiques ou parasitaires. Il en est de même pour les instituteurs car les périodes cruciales de développement des parasites coïncident avec les périodes d’examens (certificat d’études) et de vacances.

Les cultivateurs, en revanche, présentent l’avantage de vivre en permanence au contact de leurs cultures. Par contre, ces derniers « manquent souvent des connaissances techniques leur permettant de réaliser d’une façon précise les observations qui leur sont demandées »1882. Ainsi, comme l’indique un rapport de la circonscription de Toulouse en 1944, tous les correspondants ne parlent pas le même langage technique et peu d’observateurs expédient des renseignements précis et complets1883. Par ailleurs, en dehors des données météorologiques à lecture rapide, « il est pratiquement impossible d’obtenir un travail d’observation soutenu comme l’élevage en cage du carpocapse, des piégeages de papillon ou simplement le contrôle de l’évolution du doryphore »1884.

Afin de maintenir une cohésion au sein du dispositif et d’éviter les défections des chefs de postes secondaires, des visites régulières sont effectuées par les agents de la station centrale. Pour les responsables des premières stations du S.P.V., « l’expérience montre qu’il est nécessaire de rendre visite périodiquement aux chefs de postes et aux correspondants afin de maintenir avec eux d’autres liens qu’épistolaires, qui ne comptent pas beaucoup chez les agriculteurs, de leur montrer que l’on s’intéresse à la question pour laquelle on a demandé leur concours, de créer entre eux et la station un véritable lien »1885. Ainsi, l’effectif de 23 correspondants pressenti en Savoie en 1942, est réduit à 5 personnes actives en 1946. L’unique raison invoquée, conséquence des déplacements limités durant cette période, réside en un échange postal, s’interrompant progressivement, avec les lieux éloignés de la station1886. Toutes les circonscriptions phytosanitaires connaissent ce type F 2007-11-26T00:00:00.41 de problèmes. Un rapport concernant le fonctionnement de la station toulousaine en 1945 indique : « Il est impossible, même à deux ou trois à la fois, d’être en même temps dans sept départements, surtout quand les moyens de transport se limitent à la bicyclette, au car ou au chemin de fer »1887. Ces moyens de locomotion sont parfois la propriété même des utilisateurs. A Angers, circonscription couvrant 13 départements en 1946, l’agent chargé des avertissements ne dispose alors que d’une bicyclette personnelle et emprunte parfois la voiture particulière de l’inspecteur du S.P.V.1888. Or, ce dernier se doit d’opérer des contrôles visuels des principaux secteurs soumis aux avertissements afin de vérifier l’exactitude des données transmises.

Avec le progressif redressement national, les visites des agents du SPV aux agriculteurs bénévoles permettent une meilleure coordination du fonctionnement du service. Cependant, la majorité des correspondants semble être des cultivateurs un peu particulier. Ainsi, le compte-rendu de l’inspection des observateurs de la circonscription d’Angers en 1949 permet de cerner les fonctions exactes des correspondants. Les renseignements fournis sont incomplets. Mais, il s’avère que, sur dix personnes reparties sur autant de communes, il s’en trouve sept qui exercent des responsabilités fondées sur la discipline collective (un Maire, un militaire, cinq Présidents ou membre de centre de formation ou d’association agricoles) et deux qui assument leur rôle en étant simplement cultivateur (dont un est également météorologiste militaire). Parmi les responsables d’organisations agricoles, nous devons noter la présence du Président de la Fédération départementale des groupements de défense des cultures du Loiret, Monsieur Roland Beaulieu. Ce dernier n’ayant pas le loisir d’effectuer les relevés, confie à sa femme ce travail de précision1889.

L’organisation de l’élaboration des principes d’avertissements agricoles n’évolue pas réellement, jusqu’à la généralisation de l’utilisation de l’informatique, au cours des décennies suivant la Libération. Le nombre de correspondants évoluent grâce à un travail de prospection, de la part des responsables des stations, des cultivateurs ou techniciens consciencieux. Les correspondants chargés des relevés météorologiques demeurent plus répandus que ceux s’adonnant aux observations des cycles parasitaires. Le tableau suivant indique par département, pour la circonscription du Languedoc-Roussillon, le nombre d’observateurs des deux catégories en 1962. Cette station poursuit alors le but de posséder un correspondant par canton, territoire considéré comme « une entité géographique et agricole » 1890.

Tableau n° 40 . Nombre de correspondants et qualités des observations recueillies en Languedoc-Roussillon (1962).
Départements Correspondants météorologiques Correspondants culturaux et parasitaires
Aude 13 6
Aveyron 20 7
Gard 16 3
Hérault 13 4
Lozère 2 1
Pyrénées-Orientales 13 6

Outre le nombre d’observateurs permanents répertoriés dans le tableau précédent, certains correspondants possèdent une activité saisonnière. Ainsi, en 1963 la station languedocienne édite des bulletins qui reposent sur des données transmises par 103 observateurs réguliers et 110 saisonniers1891.

Bien que les cultivateurs ne possèdent ni le temps ni bien souvent les connaissances nécessaires à l’élaboration d’une prévision des risques phytosanitaires, les stations les encouragent régulièrement à participer à la rédaction des avertissements agricoles en communiquant « les observations qu’ils peuvent faire localement sur l’évolution des divers ennemis des cultures »1892.

Cette précision locale constitue l’une des clefs du développement des abonnés. En effet, la répartition des observateurs permet d’adapter le tirage des avis de traitements en fonction des dangers potentiels de chaque département et souvent de chaque entité bio-géographique. Ce fait permet d’expliquer les variations du nombre d’exemplaires distribués au cours d’une année. Les différences quantitatives, pour un même effectif d’abonnés, sont considérables. Entre le 28 janvier et le 18 novembre 1966, la station du Val de Loire édite 56 avis de traitements. La diffusion touche de 430 personnes (agriculteurs de la région de la Gâtine dans les Deux-Sèvres) à 3750 (chiffre correspondant à tous les abonnés des sept départements de la circonscription)1893. Cette diffusion, calquée sur des besoins locaux, permet, grâce à des observations précises, d’entretenir la fidélité des bénéficiaires des avertissements et de conquérir de nouveaux praticiens. La prévision de proximité est non seulement une nécessité scientifique mais constitue aussi un élément rassurant, quant à l’exactitude des conseils prodigués, pour les agriculteurs.

Cependant, dès la mise en place des 14 circonscriptions phytosanitaires en 1955, le nombre de postes locaux d’observations ne connaît plus d’évolution importante en terme quantitatif. En effet, « l’extension de ce réseau d’observateurs n’est pas indéfinie ; elle est limitée par des contingences matérielles d’exploitation des renseignements, la compétence des hommes et leur bonne volonté, car c’est un travail à peu près bénévole que nous réclamons tous les jours pour la météorologie »1894. L’effectif national des correspondants est d’environ 1 200 en 19601895, chiffre identique en 19681896.

Notes
1882.

AN-F, 5 SPV 109, J. DIXMERAS, Rapport sur l’organisation administrative des avertissements, 5 août 1944, 8 p.

1883.

AN.-F., 5 SPV 89, J. LENFANT, R. GAIRAUD, Station d’Avertissements agricoles de Toulouse : Création, organisation et fonctionnement en 1944, 17 p.

1884.

AN.-F., 5 SPV 89, M. COUTANCEAU, R. GAIRAUD, Station d’avertissements agricoles de Toulouse : Organisation & fonctionnement en 1945, 15 p.

1885.

AN.-F, 5 SPV 109, G. BENAS, Rapport sur le fonctionnement en 1946 de la station d’avertissements agricoles d’Avignon , 14 p.

1886.

AN.-F, 5 SPV 109, G. BENAS, Rapport sur le fonctionnement en 1946 de la station d’avertissements agricoles d’Avignon, 14 p.

1887.

AN.-F, 5 SPV 89, M. COUTANCEAU, R. GAIRAUD, Station d’avertissements agricoles de Toulouse : Organisation & fonctionnement en 1945, 15 p.

1888.

AN.–F, 5 SPV 87, J. DIXMERAS, Programme d’amélioration de la station d’avertissements agricoles d’Angers , 9 novembre 1946, 2p.

1889.

AN.-F, 5 SPV 87, C. VEZIN, [Inspecteur général], Inspection des observateurs de la station d’avertissements d’Angers, 31 août 1949, 2 p.

1890.

AN.-F., 5 SPV 95, L.L. TROUILLON, « L’Organisation de la station d’avertissements agricoles », dans Avertissements agricoles, Bulletin technique des stations d’avertissements agricoles, Edition de la station du Languedoc-Roussillon, n° 27, décembre 1962

1891.

AN.-F., 5 SPV 96, Avertissements agricoles, Bulletin technique des stations d’avertissements agricoles, Edition de la station du Languedoc-Roussillon, n° 39, décembre 1963

1892.

AN.-F., 5 SPV 93, L. BOUYX, « Exécution et interprétation des avis de traitements », dans Avertissements agricoles, Bulletin technique des stations d’avertissements agricoles, Edition de la station du midi, n°3, décembre 1960

1893.

AN.-F., 5 SPV 99, Tirage de la station du Val de Loire en 1966

1894.

AN.-F., 5 SPV 95, L.L. TROUILLON, « L’Organisation de la station d’avertissements agricoles », dans Avertissements agricoles, Bulletin technique des stations d’avertissements agricoles, Edition de la station du Languedoc-Roussillon, n° 27, décembre 1962

1895.

AN.-F., 15 SPV 3, Note sur les stations d’avertissements agricoles, 1960, 4 p.

1896.

Henri SIRIEZ, « Le service français de la protection des végétaux et les avertissements agricoles », dans Shell public health and agricultural news, édition française, 11, 3, 1968, p. 159