B. Diffusion des abonnements

1. Les avertissements, entre abonnement et diffusion de masse

L’analyse de la diffusion des avertissements agricoles devrait permettre d’envisager l’évaluation quantitative de leur impact sur les cultivateurs. Mais, la complexité du phénomène interdit rapidement toute estimation précise du nombre d’agriculteurs bénéficiaires des prévisions d’infestations.

La période succédant à la mise en place du SPV, particulière en raison des rationnements divers, constitue néanmoins une source d’essais des différents modes de propagation des avertissements. Durant l’Occupation, époque de pénurie matérielle conséquente mais aussi de problèmes de communication considérables, la diffusion des avis de traitements prend de nombreuses formes, parfois folkloriques.

Certains instituteurs, chefs de postes d’observation, dictent parfois à leurs élèves les avertissements agricoles émis par la station proche. Dans le secteur de la station d’Angers, ce phénomène s’observe dans différentes communes en zone viticole comme à Onzain (Loir-et-Cher) mais aussi en région non-viticole comme à Celles-sur-Belle (Deux-Sèvres)1897. Certains acteurs de vie rurale, dont la participation est plus inattendue dans le secteur agricole, prennent également une importance certaine en protection des végétaux. Ainsi, dans la Vienne, un propriétaire foncier incite les curés à compléter leurs sermons par la lecture des avertissements agricoles de la station du val de Loire1898.

Une méthode de vulgarisation, déjà employée avant la guerre, consiste en une diffusion par les médias. Durant l’Occupation, la désorganisation est telle que certains départements bénéficient uniquement des communiqués de la presse écrite et de la radio. C’est le cas pour l’Hérault, le Gard, l’Aude et les Pyrénées-Orientales, départements de la circonscription de Montpellier. Dans ce cas, et au moins jusqu’en 1943, aucun système d’abonnement n’est envisagé. « Il s’agit de toucher le maximum de praticiens dans le minimum de temps »1899.

Dès la Libération, une propagation de masse est envisagée dans un climat économique quelque peu différent. La presse écrite et la radiodiffusion, dont la rapidité de retransmission est un atout majeur, constituent toujours les moyens de cette vulgarisation à grande échelle.

Mais, la réduction du nombre d’abonnés qui découlerait de la généralisation de la gratuité totale est considérée par les responsables des avertissements comme une difficulté financière supplémentaire qu’il faudrait compenser par de nouvelles subventions1900. Par ailleurs, « le cultivateur qui paie ne sera pas sensiblement mieux informé qui celui qui est abonné à son journal »1901, phénomène qui crée une certaine injustice.

En réalité, les abonnements qui deviennent par la suite la règle générale, nécessitent un travail d’impression et d’expédition coûteux en matériel et en main d’œuvre1902. Certaines stations se plaignent de l’insuffisance de personnel, en particulier pour la diffusion des avis, lors de l’augmentation du nombre d’abonnés1903.

L’autonomie relative de chaque station permet alors d’envisager différents modes de diffusion en fonction des préférences et de l’environnement financier et médiatique de chacune.

La radio pose de nombreux problèmes de réception (absence de poste d’émission, fugacité des renseignements, manque de connaissance technique des annonceurs et donc de compréhension pour les agriculteurs) qui sont autant de freins dans l’application des traitements. Par ailleurs, les renseignements d’ordre phytosanitaires ne constituent pas une préoccupation constante de la radiodiffusion et les cultivateurs ne peuvent rester à l’écoute permanente des émissions1904. Conséquence de l’écoute aléatoire, les responsables du S.P.V. considèrent que les données doivent être lues plusieurs fois à des heures différentes1905. Cependant, dans certaines circonscriptions, une collaboration entre les stations et les émetteurs locaux existe. Ainsi, en 1945, les notes de la station toulousaine sont lues intégralement le soir ou le lendemain de leur élaboration par la station Toulouse-Pyrénées1906. En 1947, la station de Montpellier émet, par l’intermédiaire du poste de Perpignan, les avis de traitements locaux tout en favorisant les abonnements par des envois complémentaires de tracts sur la lutte des insectes des arbres fruitiers1907. Mais, les transmissions hertziennes perdurent, dans certaines circonscriptions, malgré ses inconvénients. En 1948 et 1949, « la radio donne toute satisfaction » au SPV de Toulouse1908, Radio Luxembourg répercute, sous forme de « communiqués plus ou moins condensés » les avis de la station de Reims en 19501909, le poste de Bordeaux émet en 1951 des informations succinctes concernant les avis de traitements lors d’émissions en début de soirée ou le dimanche matin pour un bulletin plus complet1910

La presse écrite possède plus d’inconvénients que la radiodiffusion. Le décalage entre les avertissements émis par le SPV et la publication constitue un problème récurrent. Par ailleurs, certains organes de la presse écrite professionnelle incitent parfois les cultivateurs à traiter à des moments inopportuns. C’est le cas, par exemple, en 1957 dans la circonscription de Reims à propos de la lutte contre le charançon des siliques du colza1911.

En dehors du recours aux moyens de diffusion par les médias, le S.P.V. tente diverses expériences, en collaboration avec des structures professionnelles, de diffusion par signaux sonores ou lumineux. En novembre 1949, J. Dixmeras, Inspecteur de la protection des végétaux, signale dans la revue Phytoma « une bourgade du Loiret dont le clocher, visible de cinq communes, a été équipé de façon à émettre des signaux lumineux ». « Un jeu de lampes de différentes couleurs s’allume de la tombée de la nuit à minuit lorsqu’un traitement est conseillé »1912. Suivant les déprédateurs à combattre, la couleur des feux change. Procédé pratique pour les cultivateurs, ce système ne correspond cependant pas à l’orientation générale des avertissements agricoles qui développent en principe des explications et des précisions variées lors des traitements recommandés.

Un tel moyen de propager l’information ne se limite pas à l’immédiat après-guerre. Ainsi, en 1961, les organisations viticoles de la Loire-Atlantique installe un phare, au sommet d’un relais de télévision installé dans la commune de Haute-Goulaine, lequel est relié à la station d’Angers. Ce système permet aux viticulteurs du vignoble du Muscadet de connaître les périodes exactes de traitement en observant les flashs lumineux1913.

Dans des cas comme ceux énoncés ci-dessus, il devient impossible de connaître le nombre, même approximatif, d’agriculteurs bénéficiant des avis de traitement.

Notes
1897.

Roger GEOFFRION, Communication écrite du 19 avril 2000.

1898.

Roger GEOFFRION, « Les premiers pas de la protection des végétaux : beaucoup de difficultés à surmonter ! », dans Phytoma, La défense des végétaux, Hors-Série, septembre 1991, pp. 10-11 & Communication écrite du 19 avril 2000.

1899.

AN.-F., 5 SPV 89, J. LENFANT, Rapport sur le fonctionnement des avertissements agricoles en 1943, 4 p.

1900.

AN.-F., 5 SPV 89, J. LENFANT, R. GAIRAUD,  Station d’Avertissements agricoles de Toulouse : Création, organisation et fonctionnement en 1944 , 17 p.

1901.

AN.-F., 5 SPV 109, J. DIXMERAS, Rapport sur l’organisation administrative des avertissements, 5 août 1944, 8 p.

1902.

AN.-F. 5 SPV 114, COLOMBIN, « Critique et amélioration des moyens de diffusion des avertissements agricoles », in Comptes rendu de la réunion du 20 et 21 novembre 1947, 15 p.

1903.

AN.-F., 5 SPV 109, C. ROUSSEL, Rapport annuel de la station d’avertissement agricole de Toulouse , 15 p. NUMERO FAUX

1904.

AN.-F., 5 SPV 87, J. DIXMERAS, Programme d’amélioration de la station d’avertissements d’Angers , 9 novembre 1946, 2p.

1905.

AN.-F. 5 SPV 114, COLOMBIN, « Critique et amélioration des moyens de diffusion des avertissements agricoles », in Comptes rendu de la réunion du 20 et 21 novembre 1947, 15 p.

1906.

AN.-F, 5 SPV 89, M. COUTANCEAU, R. GAIRAUD, Station d’avertissements agricoles de Toulouse : Organisation & fonctionnement en 1945 , 15 p.

1907.

AN.-F., 5 SPV 88, Rapport sur le fonctionnement de la station d’avertissements agricole de Montpellier en 1947 

1908.

AN.-F., 5 SPV 109, C. ROUSSEL, Rapport annuel de la station d’avertissements agricoles de Toulouse, 1949, 15 p.

1909.

AN.-F., 5 SPV 109, Rapport sur le fonctionnement de la station en Champagne des avertissements agricoles en 1950

1910.

AN.-F., 5 SPV 87, Avertissements agricoles, Bulletin technique des stations d’avertissements agricoles, Edition de la station de Bordeaux, Avis n° 6, 26 avril 1951

1911.

AN.-F., 5 SPV 92, Avertissements agricoles, Bulletin technique des stations d’avertissements agricoles, Edition de la station de Champagne, Avis n° 7, 20 avril 1957

1912.

J.DIXMERAS, « Les avertissements agricoles en France », dans Phytoma, novembre 1949, pp. 3-9

1913.

R.G., « Avertissements agricoles par phare », dans Phytoma, décembre 1961, p. 33