3. L’accueil au niveau des abonnés

Les documents conservés par les Archives nationales ne mentionnent pas de véritables mécontentements. Logiquement, les récriminations ne pourraient correspondre qu’à des erreurs fréquentes et donc à une inutilité des avertissements. Cependant, bien qu’au début des années 1960 les stations « soient désormais les mieux en mesure de déterminer les traitements les plus efficaces et les plus rentables »1942, « un avis comporte, comme toute entreprise humaine, un risque d’erreur »1943.

En dehors de l’aspect technique, quelques textes indiquent cependant un certain regret de la part des exploitants à confier l’avenir de leurs productions à des techniciens. La station d’Arras publie en 1962, un bulletin d’information qui explique clairement pourquoi les phénomènes parasitaires sont de plus en plus nuisibles aux cultures avant d’affirmer que, en conséquence, l’agriculteur « ne peut plus prétendre être le seul cerveau de son exploitation ». Dès lors, « même à contrecœur, il lui faut faire de plus en plus confiance à des conseillers plus compétents parce que plus spécialisés »1944. De fait, l’étude des données biologiques et météorologiques, devant déboucher sur une application pratique, ne relève pas du travail d’une seule personne. « Elle exige en effet un laboratoire, des spécialistes, le rassemblement et le dépouillement de nombreuses observations : c’est ce travail de synthèse, d’analyse et de prévisions qui a justifié l’organisation et l’équipement des stations d’avertissements agricoles »1945.

Certains exploitants s’étonnent par ailleurs que les avis soient expédiés de la station centrale de la circonscription alors que les conditions climatiques sont éminemment variables d’un secteur à l’autre. Les responsables du S.P.V. n’hésitent alors pas à rappeler le fonctionnement de leur station et le rôle des correspondants. C’est le cas en Bretagne en 19661946 et dans le Languedoc en 19691947.

Les réflexions précédentes ne s’apparentent pas à de véritables reproches et relèvent plus d’une méfiance ou d’un regret vis-à-vis d’une emprise extérieure pourtant désintéressée.

Dans l’ensemble, les conseils diffusés par les stations d’avertissements paraissent précis aux abonnés. Le rapport d’activité de la station d’Ile-de-France et du Nord cite en 1956 quelques lettres d’arboriculteurs. Un exploitant de la Somme affirme, s’adressant au S.P.V., ne pas avoir eu de tavelure « suite aux traitements appliqués en suivant à la lettre vos avertissements ». Un autre abonné remercie les responsables des avis de traitements en critiquant lui-même son comportement antérieur : « Vos avis ont été suivis presque à la lettre d’où des fruits sains pour une fois, car les autres années, par négligence, je n’appliquais pas strictement vos indications »1948. Ainsi, les cultivateurs se rendent compte, par expérience personnelle, du gain obtenu grâce aux stations d’avertissements. Certaines années exceptionnelles sur le plan climatique permettent de consacrer les aléas des épandages d’assurances et l’avantage considérable des avertissements. Ainsi, « l’année 1957 met particulièrement en valeur l’intérêt des avertissements agricoles en matière de tavelures des arbres fruitiers à pépins et montre que les méthodes d’assurances anciennes et modernes n’offrent aucune sécurité ». Pour le S.P.V., « les arboriculteurs ayant suivi les conseils des stations, en particulier durant la période critique du 10 mars à la fin mai, ont assuré une bonne protection de leur verger »1949. Mais, l’observation des consignes précisées par les avertissements agricoles, « relève plus d’une conception de travail que de l’emploi de règles systématiques, offre une garantie certaine d’efficacité de l’ensemble du programme de traitements conseillés pour un prix de revient certainement moins élevé que des méthodes de traitements systématiques à intervalles rapprochés en honneur dans certains vergers industriels ».

En 1966, la station d’Arras publie les résultats d’une enquête réalisée auprès des abonnées pratiquant la culture des pommes de terre. Ce sondage concerne les invasions du mildiou de la pomme de terre (Phytophtora infestans). 335 exploitants répondent au questionnaire ce qui représente un tiers des producteurs interrogés. 94 % des agriculteurs estiment que les dates conseillées par le S.P.V. sont correctes et seulement 2 % les estiment sans rapport avec les périodes d’infestation1950. L’intérêt porté aux avertissements agricoles par les bénéficiaires n’évoluent que fort peu dans le temps. Certes, nous ne pouvons comparer des statistiques sans rapport quant aux échantillons sondés. Cependant, les résultats d’une enquête, publiés par Phytoma en 1991 et réalisés par une société d’études marketing, dans une région possédant des cultures variées, pour le S.P.V., indique que le taux d’intention de réabonnement est de 98 %. De plus, en 1991, les avertissements agricoles correspondent à la source principale d’information en protection des végétaux pour 60 % des agriculteurs abonnés1951.

Notes
1942.

AN.-F., 5 SPV 93, G. RIBAULT, G. BENAS, « Traitements d’assurance, calendriers de traitements et avertissements agricoles », dans Avertissements agricoles, Bulletin technique des stations d’avertissements agricoles, Edition de la station d’Orléans, n°1, octobre 1960

1943.

AN.-F., 5 SPV 93, L. BOUYX, « Exécution et interprétation des avis de traitements », dans Avertissements agricoles, Bulletin technique des stations d’avertissements agricoles, Edition de la station du midi, n°3, décembre 1960

1944.

AN.-F., 5 SPV 95, , Avertissements agricoles, Bulletin technique des stations d’avertissements agricoles, Edition de la station du Nord-ouest, n° 26-27, novembre-décembre 1962

1945.

AN.-F., 5 SPV 93, L. BOUYX, « Traitements d’assurances, calendriers de traitements et avertissements agricoles », dans Avertissements agricoles, Bulletin technique des stations d’avertissements agricoles, Edition de la station de Rhône-Alpes, n°2, 1960

1946.

AN.-F., 5 SPV 99, F. BARBOTIN, G. PAITIER, J. DELOUSTAL, « Réponse au questionnaire de janvier 1966 », dans Avertissements agricoles, Bulletin technique des stations d’avertissements agricoles, Edition de la station de Rennes, annexe au n° 75, 28 décembre 1966

1947.

AN.-F., 5 SPV 102, L.L. TROUILLON, « Enquête auprès des abonnés », dans Avertissements agricoles, Bulletin technique des stations d’avertissements agricoles, Edition de la station du Languedoc, n°100, janvier 1969/2, 1er supplément

1948.

AN.-F., 5 SPV 109, Rapport sur le fonctionnement de la station d’avertissement agricole d’Ile-de-France et du Nord, 1956, 64 p.

1949.

P. JOURNET, H. SIMON, R. DIVOUX, « Les avertissements agricoles relatifs aux tavelures en 1957 », dans Phytoma, février 1958, pp. 5-12

1950.

AN.-F., 5 SPV 99, R. DIVOUX, P. COUTURIER, « Les dégâts de mildiou sur tubercules », dans Avertissements agricoles, Bulletin technique des stations d’avertissements agricoles, Edition de la station du Nord-ouest, n°74, novembre 1966

1951.

Michel LARGUIER, Robert MESTRES, « Les avertissements agricoles », dans Phytoma, Hors-série, septembre 1991, pp. 36-40 [enquête citée p. 40, une seule région est étudiée à cause de la diversité des cultures présentes. Le lieu de l’enquête et le nombre d’agriculteurs interrogés ne sont pas mentionnés].